Magazine Humeur

De la corrélation inversée entre le prix de la bière et la générosité du service (titre provisoire)

Publié le 18 janvier 2013 par Secondflore

Bon, promis, la semaine prochaine je recommence à écrire ici, en attendant je m’offre ce plaisir rare d’une petite note tirée du fût, à la pression, à chaud après un quart d’heure de marche par –5°, et qu’on effacera peut-être au matin. Allez savoir pourquoi, une envie de parler de bière. Peut-être parce que je reviens du VIIe arrondissement, où les distributeurs automatiques ne proposent que des billets de 50 euros – ce qui correspond à peu près au prix de la tranche de jambon-en-provenance-exclusive-de-telle-région-d’Espagne qu’on vous sert dans le restaurant d’à côté, accompagné d’un vin du même prix et d’une petite note pour que vous puissiez inscrire votre mail, parce que nous organisons régulièrement des apéros gourmands, etc – et cette impression, au moment de payer la note, de donner plus au directeur marketing qu’au producteur de jambon (et au designer des costumes des serveurs au sourire compassé, of course).
Bref.

En sortant de là, j’ai repensé à ce théorème parisien (disons plutôt une conjecture, la démonstration n’est pas encore complète) : plus le mojito est cher, plus il est dégueulasse. Parce que c’est bien connu, un directeur marketing, même bien payé, surtout bien payé, n’a jamais su faire un mojito. Mais j’exagère peut-être, il y a peut-être de ces coins que je ne fréquente pas où l’on paie non pas le produit mais le temps passé, et où pour deux heures de smic on sait vous faire un bon cocktail. Mais pour la bière c’est différent. Parce que bon, globalement, c’est le même houblon qui sort des fûts, ici et ailleurs.
Et là je dois faire part d’un vrai théorème parisien, le genre de truc que vous ne pourrez pas oublier une fois que vous l’aurez lu ici :

Moins la bière est chère, mieux on vous remplit votre verre.

Et il ne s’agit pas là d’un romantisme de caniveau. C’est un fait vérifié, avéré, le genre de truc que vous ne pourrez que constater la prochaine fois que vous y prêterz attention. Allez dans un endroit chic, ou lounge, ou à concept : on vous servira la bière dans des verres avec un joli trait 25 ou 50 cl, et la mousse vous arrivera pile au niveau du trait. Allez dans un endroit où la pinte coûte moins de 5 euros, on vous la servira au ras du verre, peu importe sa contenance réelle. Le très riche est sans doute généreux mais le riche est pingre, et le modeste a la main plus généreuse. C’est la vie.

Je ne vous donnerai pas le nom des bars où la bière est la meilleure. On ira un jour ensemble, peut-être.
Un ami récemment a rédigé, pour raisons purement alimentaires, un guide des meilleurs bars de Paris, il s’est bien gardé d’y mettre ses endroits fétiches, parce que justement il s’agit de les préserver des types qui lisent ce genre de guide.
En revanche, en marchant dans le froid ce soir, je pensais qu’on pourrait faire un guide collectif des bars où personne ne devrait jamais mettre les pieds, et encore moins les fesses.

Pour ma part, je commencerai par le Petit Poucet, place Clichy – le service le plus désagréable que je connaisse (peut-être une concession au tourisme – ça va être ça notre concept, coco, le fameux service à la française, négligent, prétentieux et malpoli, mais attention, on y va à fond). Il y a cinq ans je m’étais promis de ne plus y remettre les pieds, de très jolies circonstances m’y ont traîné il y a quelque mois, rien n’a changé, sauf le prix, bien sûr, la pinte à dix euros ou presque, allez comprendre.

Et depuis ce midi, je mettrais bien dans le même sac le Café Mabillon. Sans âme, avec écran télé (ça va souvent ensemble), des sièges confortables, pas le moindre intérêt… mais la pinte à 11€60 (ONZE EUROS SOIXANTE) (à ce prix là on peut mettre des parenthèses comme chez le notoire), et le demi bien plus cher que la pinte au bar vraiment sympathique en bas de chez moi. Vous me direz, je n'ai pas goûté pour voir si par hasard elle n'avait pas un goût spécial. a la place, j'ai commandé un authentique café velours

A vous de compléter la liste.

En attendant, de cette journée dans les beaux quartiers je garderai un souvenir de touriste un peu désorienté, même pas impressionné, et qui aura regardé avec une immense tendresse en rentrant les putes albanaises moches du boulevard Bessières, assises sur une bouche d’aération de métro pour avoir un peu d’air chaud sur leurs collants et leurs talons hauts, et leur Red Bull Leader Price pour tenir la nuit. Ces putes dont Jean Rollin parle si bien dans La clôture. Tout ça pour dire, en conclusion, que la semaine prochaine on se gardera bien d’aller à Saint-Germain, et qu’on parlera de littérature à la place. Ou de livres, plutôt. C’est mieux, et il y a de bons, en ce mois de janvier.

Allez, à la vôtre


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