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Vlaminck est un con

Publié le 07 avril 2008 par Emma Falubert
Vlaminck est un peintre et Vlaminck est un con.
Vlaminck est un con parce que, pour la plupart des vrais amateurs de belles choses, Vlaminck est aussi le nom d’un grand coureur cycliste belge, (4 fois vainqueurs du Paris Roubaix) surnommé le Gitan, et ce pour une raison inconnue. Ce qui est déjà une forme d’acte poétique inédit et d’une grande valeur.
Vlaminck (Maurice donc) est un con parce qu’il n’a jamais rien fait pour démentir cette information. (Le fait qu’il soit mort en 58, bien avant les exploits du belge, n’est pas une bonne excuse, tout au plus un alibi, irrecevable, la mauvaise foi pratiquée à ce niveau devant être considérée comme une forme d’art poétique également.) La peinture du vésigondin n’a rien fait non plus pour qu'on le prenne pour un grand peintre et un artiste incontournable. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, ne serait ce que par l’existence de cette exposition du musée du Luxembourg.
Vlaminck est un con parce qu’une fièvre typhoïde redoutable le fit renoncer au cyclisme et à la boxe, ce que l’on peut regretter tant ses exploits de peintre ne traduisent rien d'autre que son côté besogneux. Penchant besogneux confirmé aussi par les affiches qui annoncent l’ exposition consacrée à son « œuvre », (celle de Maurice le peintre et malheureusement pas celle de Roger le cycliste). Cette affiche, que l’on dirait « composée » (il faut des guillemets tant le mot est pour le coup inapproprié) par un enfant, fils ou fille de conservateur, pistonné en tout cas, en classe de travaux manuels de niveau 3eme, inflige dans tout Paris, sa laideur et un mauvais gout confirmé. Elle est en plus le vecteur d’un mélange de prétention suffisante et de certitude et d’aplomb, à l’image d’une couverture de Paris Match présentant Carla Bruni comme une grande dame (la première de France ) et Sarkozy un grand président. En fait cette affiche symbolise en raccourci ce qu’est devenue la culture dans l’air et dans l’ère Sarkozy : un retour à des valeurs soi disant solides du passé, un discours stéréotypé et convenu sur ce qu’est l’audace et le vrai changement, et quelque chose qui ressemble à un recours systématique au bienveillant Lagarde et Michard, en tant que gardien du temple et autres références « wikipédiennes » des écrits sur l’art, les plus essentiels.
Vlaminck est un con parce qu’à l’époque où il fait ce choix, devenir peintre, il aurait pu aussi devenir écrivain : il s’y essaya et a commis quelques pavés en se dédouanant " J'écris pour qu'après ma mort, on ne me fasse pas dire trop de conneries. " On regrette qu’il n’ait pas persévéré et on se demande malgré tout si il n’aurait pas été préférable qu’il écrive, car les fadaises dont on nous rebat les oreilles et les gazettes aujourd’hui au sujet de son œuvre sont d’une platitude convenue et d’une uniformité inquiétante. Faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur un peintre qui n’a laissé comme trace, que des coups de pinceaux épais et sans nuances. Épaisseurs qui n’ont inspiré personne, ce dont pour la plupart des vrais amateurs de belles choses, on se réjouit. Car là est tout le problème, comme Jean Pierre Léaud qui ne suscite même pas d’épigone, sinon des moqueurs, comme Bernard Buffet, aucun adepte (même les collectionneurs font baisser la côte), Max du Veuzit aucune trace sur le moindre petit littérateur, comme Florent Pagny qui n’est un modèle de chanteur pour personne ;
( imaginez un enfant qui dirait à son père « quand je serai, grand je ferai Florent Pagny comme métier… » même pas en rêve), Vlaminck laisse donc ses "collègues", les vrais artistes totalement indifférents…
Vlaminck est un con parce qu’à ce titre (le fait qu’il n’intéresse pas les vrais artistes et n’influence personne), il constitue une véritable escroquerie institutionnelle. En effet il est un peu comme une voie sans issue qui continuerait à prétendre que tous les chemins mènent à Rome ou ailleurs et que tous les artistes, même les moins inspirés, sont in-criticables, à partir du moment où quelques bonnes âmes charitables ont pu pour établir et gonfler la cote, créer un catalogue raisonné, comme cela se pratiquait au XIX eme siècle. Quoi qu’il en soit, Chercher une vraie critique constructive et inérogative sur cette expo est une gageure, corroborant par là cette idée que tous les peintres morts sont dignes d’intérêts et importants pour l’histoire de l’art ! Aujourd’hui il y en a bien pour entretenir l’idée que Woody Allen, qui n'est pas encore mort, est un grand cinéaste, alors qu’il joue de la clarinette dans une médiocre formation amateur et qu’il raconte des histoires juives dans des livres écrits à la va vite, que Greenaway est un cinéaste important alors qu'il est surtout un mauvais peintre anglais et prétentieux, et que Claude Miller et Jacques Doillon sont des cinéastes français, alors que ce ne sont que d’anciens assistants réalisateurs. Bien sur, outre les exemples précédents, et pour revenir à l’histoire de la peinture, Il n’est pas le seul de cette sorte. Il y en a beaucoup d’autres, mais d’autres, plus sympathiques parce qu’ils ont l’esprit libre et n’ont pas plus de prétention que d’être l’expression du désir d’une époque, de participer à « la fête » et à la déco d’un temps. On pense pour le coup au Rousseau, dit le douanier, ou à Félix Vallotton. Celui ci dut d’ailleurs une partie de sa côte, non au catalogue raisonné mais au fait qu’il ait épousé la fille d’un marchand de tableau de la maison Berheim. Il eut toutefois l’élégance de mourir jeune, sinon pour faire monter cette côte, tout du moins pour rester dense et inspiré jusqu’au bout. Ce ne fut pas le cas de Maurice qui embarrassa le marché de l’art de sa vacuité et de ses épaisses redites picturales jusqu’à l’âge de 82 ans.
Vlaminck est un con parce qu’ Il est aussi le symbole de l’hypocrisie et du manque de sincérité d’une époque, la nôtre, qui prend les vessies d’un Van Gogh pour les lanternes des banques Japonaises. (cf Van gogh est un con).
En fait Vlaminck est un con parce qu’il rata à peu près tout ce qu’il entreprit. On l’a vu pour la carrière de cycliste et de boxeur. Ce fut aussi le cas pour sa carrière de violoniste, qu’il tenta à l’image de ses parents. Et ce fut le summum de l’échec, donc, lorsqu’il décida d’embrasser la carrière d’artiste peintre. On sait que si il côtoya les Grands, de Cezanne à Picasso, Derein ou Matisse et quelques autres, c’ est sur les traces de Van gogh qu’il choisit de partir et de s’inspirer. Ce choix prouve définitivement son manque de discernement. Il ne s’agit donc pas de s’acharner sur ce « maudit » peintre (encore un échec puisque contrairement à son maître, il ne parvint pas à atteindre le statut de peintre maudit) mais juste de regarder quelques toiles. En peinture donc il excella aussi dans la médiocrité. Par exemple, dans ce Son " Paysage près de Martigues " de 1913 où on a l’impression d’avoir à faire à une aquarelle, tant ses couleurs, criardes par ailleurs, sont délavées fades et sans profondeurs. D’autre part, bien qu’il fut un des premiers découvreurs de l’art Nègre, il critiquera le cubisme de Picasso, sans le comprendre évidemment, même s’il s’essaya lamentablement, avec le tableau « Fleurs ». Un tableau qui symbolise et résume bien la place de cet artiste raté, parce que toujours assis entre deux chaises, (voire plus) et sans doute à l’image de nombreux de nos contemporains, juste à la recherche d’un statut et pas à la poursuite d’un idéal

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