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Chloé

Publié le 21 janvier 2013 par Descaracteres @descaracteres

Duel

Texte : Benjamin Billiet

001

Illustrations : Anne-Sophie Maurel

Elle plonge ses yeux dans ceux de son adversaire, et s’y voit. En reflet, mais pas seulement. Elle s’est introduite dans ce regard par effraction. Furie installée au cœur de la pupille, elle exécute la danse de destruction du monde et répand la terreur.

Cependant, par un hasard qu’elle ne s’explique pas, elle ne parvient pas encore à soumettre. Ça ne l’inquiète pas, bien sûr : son bras ne faiblit pas d’un iota. D’ailleurs, elle fournit peu d’efforts pour le maintenir en position. Néanmoins, elle s’étonne de la sérénité qu’affichent encore les traits de son opposant. Il ne semble pas souffrir. Qu’à cela ne tienne : cet aplomb s’effritera bientôt. Elle le sent à ses prunelles étrécies.

002

Il est peut-être temps de provoquer les choses, pense-t-elle alors. Serrant davantage son emprise sur le pouce adverse, elle accentue légèrement sa pression vers la table. Pris par surprise, son concurrent perd du terrain. Après un instant de flottement, il se ressaisit et revient à l’équilibre des forces. Elle n’a pas cherché à l’écraser tout de suite : elle sait que le triomphe s’obtient à l’usure.

Il ne faut pas trop attendre, cependant, car les premières tensions se font sentir dans son avant-bras. Elle ne doit pas se laisser envahir par la douleur, car celle-ci distrait le combattant. Pour éviter cela, l’essentiel est de se composer un visage serein. Une physionomie qui nous fait du bien et qui en impose à un rival. La victoire est psychologique.

Rien n’y fait. Elle tente bien une nouvelle attaque… hélas, le coup d’éclat de tout à l’heure ne se renouvelle pas : l’ennemi est maintenant aux aguets. Elle se sent devenir fébrile. Ses muscles se crispent et faiblissent. Doucement, mais inexorablement, son bras s’affaisse, et sa main finit par toucher la table.

-   Dommage ma chérie… Tu y étais presque cette fois. Tu deviens plus forte chaque jour !

Les larmes se mettent à couler, puis les sanglots se font entendre. Vaincue, humiliée, elle se sent impuissante. Pourquoi son bras l’a-t-il abandonnée ?

003

-   Mais ne pleure pas mon trésor. Ce n’est pas de ta faute. Il est tout de même très rare qu’une petite fille parvienne à battre son papa au bras de fer…

C’est ce qu’on verra !, se dit-elle en pensant au prochain affrontement.


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