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Les heures bleues

Publié le 01 février 2013 par Jlk
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Notes en chemin (47)
Lecture omnibus. - Cela nous barbait un peu, avec ma bonne amie, de nous taper 120 bornes pour une heure de lecture à Sion, mais le devoir amical nous appelait, et peut-être les mots du poète nous charmeraient-ils comme la dernière fois ? Cette fois-là nous avions éprouvé ce bonheur rare et précieux de découvrir, à la Ferme-Asile sédunoise de la Promenade des Pêcheurs, style ancienne grange retapée en centre culturel, une vraie nouvelle voix modulée par les premiers mots publiés de Pierre-André Milhit, dans son Inventaire des lunes déniché par notre ami Pascal Rebetez. Or, le patron, découvreur à ses heures, des éditions d'autre part, avait remis ça en nous promettant du meilleur. Donc on ne pouvait manquer à l'amitié et à la poésie en invoquant les risques de tempête et de neige en paquets aggravés par la perspective de chaîner la Japonaise dans la nuit et le froid...
Milhit.jpgTant qu'à lire j'ai ajouté, au menu du Teatro Comico où Pierre-André Milhit allait nous donner un premier aperçu oral de La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure, la lecture ambulante, partagée avec ma bonne amie chauffeure, de l'Histoire d'une femme libre de Françoise Giroud, que j'étais censé commenter à Zone critique avant de me retirer de cette émission, et du Temps des tempêtes d'Anne Cuneo, programmé à la même enseigne - mais cette double mise en bouche nous a laissés sur notre faim. D'où notre escale ultérieure à La Liseuse, épatante librairie littéraire prospérant aux bons soins de Françoise Berclaz, digne fille de l'écrivain Maurice Zermatten, où ma bonne amie a pêché le dernier Camilleri tandis que je profitais de rattraper mon retard en achetant les Modernes catacombes de Régis Debray et le dernier roman de Pascal Kramer. Sur quoi nous avons rejoint notre ami Pascal tout tousseux, mais toujours vaillant, au Teatro Comico où le poète et son compère Métrailler, au tuba, allaient nous faire passer une heure bleue.
Cheval.jpgComme une magie. - Moi quand j'entends ça je tombe, et je suis content de constater que ma bonne amie tombe de concert. Le poète a la dégaine d'un croquant valaisan à moustache qui aurait juste enlevé ses bottes pour se présenter en scène, le Métrailler tubiste a la mine d'un lunaire souriant sur sa planète, et voici ce qu'on entend: "on ne promène pas son cheval / comme on promène un chien/ un landau ou un aïeul / il y a de la déférence / il y a du respect / on aère son cheval comme du linge propre / la rumba des sabots sur la route / le naseau qui fume la peau qui vibre / le crottin pour les jardins /et la mémoire de Lascaux / on ne dit rien du syndicat des chevaux"...
Donc je tombe quand j'entends ça. J'entends de là notre vieux voisin moustachu de la Rouvraie de notre enfance ronchonner dans son jardin contre "ces Italiens" et répandre sur ses carreaux le crottin des chevaux remontés du marché par la route d'en haut; j'entends la rumba des sabots sur le pavé du Boulevard Saint-Germain, cet autre jour où tout un escadron accompagnait au Panthéon le cercueil du nègre Dumas; et la "mémoire de Lascaux", je ne vous dis pas...
Sirènes.jpgMinutes heureuses. -Il y a du trouvère à la plombette chez ce poète-là: il grappille les trouvailles et nous en barbouille. Ce poète a un sens aujourd'hui plutôt rare de la ritournelle, pas loin d'un Chappaz ou d'un Prévert dans les onzains de sa Garde-barrière - et voici quatre p'tits tours et s'en va: "ta peau est un émerveillement / sur l'autel des matins doux / ta peau est une corbeille de fruits / sur la table des jours de fête", c'est simple comme bonjour et voilà l'envoi: "elle dit que la mémoire tient de l'imprimerie"...

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