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Tu connais mon avis

Publié le 14 novembre 2012 par Vinsh

Tu connais mon avis

Premières répét' de la tournée 2013 de Mylène Farmer


Je ne milite pas. Je ne crois pas en grand'chose. Les choses dans lesquelles je crois sont, en règle générale, assez bien défendues par des partis, des associations et des personnes qui, comme disent les passionnés, "ont ça en elles". Lorsqu'il s'agit d'enjeux spécifiques, touchant à l'intime ou simplement de nature à polariser les opinions, il revient, là, à chacun de trouver sa propre position et d'espérer que, de politiques modérées en changements de majorités parlementaires, on ne bascule pas dans la dictature de quelques-uns face à tous et toutes. Espérer que des mesures extrêmes ne viennent pas s'imposer à tous, au point d'annihiler les opinions discordantes, qu'elles soient modérées ou à l'extrême opposé de l'échiquier politique. Tout cela ne constitue pas une pensée politique profonde, ni une position ferme et étanche à toute influence, mais je n'ai pas la prétention de penser mieux et plus pertinemment que la majorité de mes concitoyens. Je fais simplement mon cheminement dans l'existence, avec quelques ambitions modestes et à la définition floue, en m'efforçant de ne pas polluer celle des autres. Mon champ d'expression ne s'étend guère plus loin que quelques conversations avec mes amis et, en d'assez rares occasions, sur le web.
Il me paraît important que toutes les opinions existent et puissent s'exprimer. Une opinion exprimée, même si elle est nocive ou dangereuse, sera toujours moins dangereuse qu'une opinion muselée et/ou dont on nie l'existence, au risque de la voir peu à peu grossir et s'imposer dans les esprits, drapée d'une aura de "bon sens" populaire, de "dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas", de vengeance à peine masquée après des années de réprobation et de condamnation à la clandestinité, de "lâchage" décomplexé.
Dans le débat actuel, prévisible et vaseux, qui entoure le futur vote de la loi instaurant le mariage pour tous, on entend de tout. Du raisonnable et du sérieusement crade, du progressiste et du rétrograde. Rien que de très prévisible. Et si, bizarrement, je peux comprendre certains questionnements visant à rationnaliser le débat, je comprends nettement moins les arguments rebattus et les postures moisies à la "je ne suis pas homophobe, mais"... Il y a un moment où il faut assumer le fait que l'homosexualité continue de vous gêner aux entournures, les gars. Ce n'est pas grave, c'est aussi en assumant ses positions qu'on progresse et que, si elles sont défendables, on finit par les imposer comme "normales".
Je suis donc, bizarrement, prêt à comprendre les questionnements ontologiques un peu dégueu' sur l'inceste ou la polygamie, par exemple. Des questions qui, si on les prend froidement et sans prendre en compte leur dimension nécessairement sulfureuse et scandaleuse (je ne me fais pas d'illusion, je sais bien que cette dimension "dégueulasse" et dépravée de la polygamie est bien la seule raison pour laquelle les tenants de ces arguments l'utilisent, en général, pour dresser un parallèle avec la reconnaissance des couples gays), peuvent éventuellement se comprendre : si on cesse de faire du mariage un contrat unissant un homme et une femme adultes et consentants, et qu'on en fait une union non-discriminatoire entre deux adultes consentants, on devra, à un moment ou un autre, définir clairement et (forcément) poser une limite à ce que seront ces adultes consentants. Car qui pourra empêcher, d'ici quelques mois ou quelques années, un frère et une soeur, ou même deux frères, majeurs et consentants, de revendiquer leur droit à former un couple et à être reconnus en tant que tel ? Quid des "trouples" ou autres polyamoureux qui finiront bien, un jour, par se poser la question d'un contrat domestique avec l'Etat pour se protéger entre eux en cas de décès ou de souci quelconque ? Certes, ils susciteront un tollé et discréditeront probablement, aux yeux du grand public (qui verra alors, du moins pour certains, dans le mariage pour tous une "boîte de Pandore" ouverte sans discernement), une bonne partie de l'argumentaire actuellement déployé par les "pro-mariage", mais inutile de nier que cela pourrait arriver un jour. Le progressisme, pour le peu que j'en ai compris, ça consiste à chercher à progresser, à aller plus loin dans les possibilités offertes à chacun par notre cadre social, quitte à devoir, au bout d'un moment, freiner des quatre fers. Balayer d'un revers de main les arguments concernant les prochaines formes d'amour "socialement dénigrées" qui souhaiteront voir leur amour reconnu, c'est s'exposer à ne pas être prêt lorsque, effectivement, ça arrivera. Et puis, quand bien même cela arrivera un jour, où est le problème à se poser la question ? La société et les autorités politiques savent aussi raison garder et, comme elles l'ont fait auprès des communautés LGBT depuis des décennies, dire non : alors si un jour des frères et soeurs incestueux veulent se marier et faire des enfants, les arguments pour les en empêcher ne manqueront pas, et seront solides. Parce que la prohibition de l'inceste pour empêcher les futures générations d'être de plus en plus dégénérées, ça, c'est effectivement un fondement de la civilisation.
Si je suis prêt à comprendre et à rationnaliser ces questions outrancières, donc, je suis en revanche nettement moins compréhensif face à ceux qui continuent de s'opposer aux principes d'égalité les plus logiques, les plus communément admis, les plus enclenchés et concrétisés dans la réalité sociale. Lors que je lis "Je ne suis pas homophobe mais je pense qu'on ne devrait pas laisser des homos se marier" ou "Je ne suis pas homophobe mais je ne veux pas que des homos élèvent des enfants", j'ai envie de hurler.
@bengallerey Peut-on arrêter de dire que les gens contre l'homo parentalité sont homophobes ? On evitera bien des frictions. Merci ;)
— Benjamin (@megeroo) Octobre 25, 2012

Ah bon, tu n'es pas homophobe ? Bah alors c'est quoi ton excuse ? Les fondements historiques de la société ? La crainte qu'on oublie que notre civilisation est issue d'une tradition judéo-chrétienne séculaire ? Tu as peur pour les enfants ? Pourquoi ?
Qu'ils souffrent de stigmatisation sociale ?
Tu connais mon avis
L'infographie qui a circulé ces derniers jours en ligne est assez éloquente. Elle serait aussi adaptable aux enfants de couples divorcés (dans les 70's, à la récré, ils ne devaient pas rigoler tous les jours), aux enfants de couples binationaux, aux enfants de couples "bi-raciaux", aux enfants de familles monoparentales... Bref, à tous les enfants nés dans un contexte qui ne ressemble pas à un papa blanc français + une maman blanche française. Bah heureusement que les gens n'attendent pas après vous pour aimer qui ils veulent et faire des enfants sans votre approbation, les gars, on serait encore au XVIème siècle si on s'efforçait de faire naître les enfants dans un cadre parfait et socialement approuvé.
Cela te viendrait à l'esprit d'aller demander à un couple composé d'un homme blanc et d'une femme noire de s'abstenir de faire des enfants au motif que, c'est bien connu, les petits métis sont moqués par les blancs et par les noirs, et traversent des questionnements identitaires douloureux ? Ou de dire à un couple stérile qu'il ne peut pas adopter parce que "bon, quand même, c'est dur pour les enfants adoptés de ne pas être élevés par leurs parents biologiques et d'assumer ça face aux autres enfants, quoi" ? Non, hein ? C'est parce que tu comptes sur la société pour être tolérante, et non sur ces couples pour brider leur désir bien légitime de s'inscrire dans la continuité de la société en intégrant leur histoire dans une filiation. Mais chez les homos, ça devient un "désir égoïste" et inconscient, dangereux pour leurs éventuels enfants. Les enfants en question n'ont pas à souffrir, mais à s'enrichir et à développer leur tolérance, de naître dans des familles "moins ordinaires" et d'avoir des petits camarades issus de familles qui ne ressemblent pas non plus à la leur. Si souffrance et stigmatisation il doit y avoir, elle vient de l'extérieur. Des autres gens. De vous.
Et qu'on arrête aussi cet argument ridicule du "référent paternel / référent maternel". Vous croyez quoi ? Que les couples d'hommes ne fréquentent que des hommes ? Que leurs enfants (car oui, autre détail les gars : des couples homosexuels élèvent DEJA des enfants, et c'est aussi pour ne pas laisser ces enfants dans un vide juridique que le mariage et l'adoption sont nécessaires) ne voient jamais une femme avant de partir à la fac à 18 ans ? Qu'ils restent inconscients pendant toutes leur enfance que la société dans laquelle ils grandissent compte 95% de couples hétérosexuels et que les gamètes mâles et femelles sont les seuls susceptibles de créer un embryon ? Qu'un couple d'hommes n'est pas capable d'expliquer à ses enfants qu'ils ont eu un papa et une maman quand ils étaient petits, mais qu'il est aussi possible d'avoir deux papas et deux mamans ? Que les parents LGBT empêcheront leurs enfants de connaître leur histoire et les circonstances de leur naissance ?
Ah ça, la crainte de jouer au petit chimiste avec le développement psychologique de l'enfant, ça paralyse tout le monde, hein, personne n'ose rien répondre à ça. Comme si les enfants "naturels" n'étaient pas le fruit de couples hasardeux, de gènes mélangés dont on ne sait pas trop ce qu'ils vont donner, d'incertitudes sur la capacité des parents à former un couple soudé après la naissance... Faire un enfant et l'élever, c'est toujours un risque. Ne pas laisser les homos prendre ce risque comme tout le monde, c'est les enfermer pour toujours dans l'idée que la famille et ses attributs "valorisants" sont réservés à ceux qui ont des gamètes compatibles, si possible sexuellement ET socialement, et pas à ceux qui veulent tout simplement établir leur existence dans ce cadre. Juste pour ne pas "perturber" les enfants. Comme si les enfants n'étaient jamais mis dans des situations perturbantes par des parents bien infoutus de les leur expliquer.
C'est justement parce que, dès le plus jeune âge, les enfants auront compris qu'ils grandiront dans une société qui les acceptera tels qu'ils sont, qu'ils seront "équilibrés".
C'est justement parce qu'ils comprendront qu'aimer qui ils veulent et être différents est possible, qu'ils comprendront ces différences observées chez les autres.
C'est justement parce qu'ils auront des parents qui ressentiront, très tôt et dès leurs premières questions, le besoin de leur expliquer clairement les réalités parentales dans leur diversité qu'ils ne seront pas, à l'âge adulte, choqués par les parents "hors normes" qui se battent comme des dingues pour faire exister leur famille.
C'est justement parce qu'ils grandiront en sachant qu'il est possible d'aimer un homme ou une femme, de la même couleur que soi ou pas, de la même nationalité que soi ou pas, qu'ils se tolèreront mieux entre eux, seront moins cruels dans les cours de récré envers "celui qui a deux mamans" ou "celle qui a un papa qui ne parle pas français".
C'est justement parce qu'ils auront conscience des différences qu'ils auront aussi, de facto, conscience des différences sexuelles et des "référents" parentaux biologiques.
Chacun d'eux, à partir de là, construira sa vie et sa personnalité à partir de ce que ses parents, du meilleur de leur volonté, lui auront donné. Et ces futurs enfants auront cette chance, que nous n'avons pas encore, d'envisager la filiation comme le projet de parentalité construit et voulu par leurs parents, et non comme le simple résultat d'un engrossement assumé par papa et maman dans un réflexe pavlovien de reproduction sociale. Le cadre moral et social du mariage sera toujours là, il se trouvera simplement plus de personnes admises à y fonder des foyers. Et ces foyers seront tout aussi équilibrés ou déséquilibrés, aussi aimants ou aussi ratés, aussi éduqués ou aussi socialement défavorisés (selon les personnes, donc, et non selon les sexualités), que ceux qui existent aujourd'hui.
Alors, amis hétéros, arrêtez de faire chier. Si vous (heureusement pas vous tous, hein) n'avez pas envie que les gays se marient ou élèvent des enfants, c'est par réflexe profondément homophobe (au sens de phobie, j'entends) (comme le conservatisme est, d'une certaine manière, la phobie de bousculer l'ordre établi au risque d'y perdre ses repères et son confort), et rien d'autre : par peur des conséquences qu'il y aurait à mettre ces individus aux moeurs "bizarres" ou "dépravées" qui vous ont toujours un peu mis mal à l'aise, malgré la désormais nécessaire posture sociale qui consiste à les tolérer (même si vous vous en défendez), à égalité avec vous. Par attachement à un modèle de pensée reconnu comme archaïque mais si difficile à effacer de votre inconscient affectif, qui veut que la vie vous dirige forcément vers une monogamie morale et fertile. Des siècles d'influence religieuse impossibles à balayer. Et la peur, viscérale, d'abandonner le petit privilège de cette très légère "supériorité morale" pourtant due au hasard : votre hétérosexualité (avouez, votre joli mariage avec la robe, les photos pour se prendre pour William et Kate, la tante qu'on ne voit qu'une fois l'an mais qui s'est pomponnée exprès et la pièce montée, vous ne le troqueriez pas contre mon PaCS au tribunal, non ?). Sans oublier la respectabilité qui va avec, cette bienheureuse naïveté de celui qui n'a jamais eu honte ou peur de ses premières attirances et de leurs conséquences potentielles, n'a jamais anticipé l'éventuel dégoût et rejet de ses proches, ne s'est même pas posé la question. Juste de la peur. Je ne vois VRAIMENT pas d'autre explication aux arguments qui vous viennent à l'esprit et que vous utilisez dans les débats. Je ne vous ferai pas l'affront de vous proposer l'exercice bien connu qui consiste à remplacer "homosexuel" par "juif" ou "noir" dans vos arguments, c'est un classique de la rhétorique que visiblement vous ne voulez pas entendre. 
Mais au final votre frilosité n'aura que pour conséquence de valider votre malaise, et donc le malaise de la société entière. Rassurez-vous, même si le mariage pour tous passe, l'homophobie ne disparaîtra pas (tout comme l'antisémitisme n'a pas disparu depuis qu'il est interdit par la loi), et vous pourrez toujours être gênés aux entournures à l'idée que nous sommes vos égaux même si vous vous imaginez que notre sexualité est plus flamboyante ou crade que la vôtre. Nos enfants, eux, tolèreront parfaitement les vôtres.

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