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7 février 1812 | Naissance de Charles Dickens

Publié le 07 février 2013 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

Le 7 février 1812 naît près de Portsmouth, dans le sud de l’Angleterre, Charles Dickens.


Marque page Charles Dickens
CHATHAM (extrait)

C’est l’époque de la Régence, période pendant laquelle le prince de Galles, futur George IV, est amené à suppléer à son père George III atteint d’aliénation mentale. La révolution industrielle est en marche depuis déjà plusieurs décennies, mais ses effets ne sont spectaculaires que dans les bassins miniers et les zones d’industrie textile. Le chemin de fer, qui jouera un rôle important dans la vie et dans l’œuvre de Dickens, n’en est encore qu’au stade du prototype, et la guerre contre Napoléon entrave en partie l’essor de l’Empire britannique. Bref, c’est une époque de transition à bien des égards. Pour comprendre Dickens que l’on considère aujourd’hui comme l’écrivain victorien par excellence, il ne faut pas perdre de vue qu’il est né vingt-cinq ans avant le couronnement de Victoria, dans une Angleterre que la modernité n’avait pas encore complètement métamorphosée et où le mode de vie traditionnel et campagnard dominait encore. Les déplacements, longs, pénibles mais aussi pittoresques, se faisaient au rythme cahotant des diligences ; les rapports sociaux étaient hérités du siècle précédent. Dickens a grandi dans un monde sans doute plus proche de celui de Smollett et Fielding, les deux grands romanciers du XVIIIe siècle britannique, que de celui de Wilde ou Conrad, pourtant « victoriens » comme lui. Pendant ses années d’apprentissage, le décor change sous ses yeux, et c’est peut-être l’une des clés qui expliquent la portée de son œuvre.

Son père, John Dickens, petit employé à la pairie de la Marine, a épousé en 1809 Elizabeth Barrow, sœur d’un de ses collègues et fille d’un haut fonctionnaire municipal. Charles est le second enfant ; sa sœur aînée, Fanny, a deux ans. Beaucoup plus tard, devenu célèbre, il s’octroiera les armoiries des Dickens du Staffordshire, de bien plus prestigieuse lignée, en s’appuyant plutôt sur des rumeurs familiales que sur des recherches généalogiques sérieuses. Sans doute voulait-il ainsi, comme beaucoup de self made men avant lui, s’inventer un passé à la mesure de son présent. […]

John Dickens n’est pas un mauvais bougre. C’est un homme jovial qui aime s’entourer d’amis. Il a le verbe haut, fleuri, et même un joli brin de plume qu’il utilisera plus tard, avec son dilettantisme caractéristique, dans le journalisme. Il a repéré très tôt certains talents de Charles ― sa belle voix, ses dons pour l’imitation et la comédie ― et n’hésite pas à le faire monter sur la table pour égayer les réunions de famille. C’est à lui que Charles doit son goût pour le théâtre et pour les longues randonnées à pied. Au cours de l’une d’entre elles, le père et le fils font halte sur une colline des environs, Gad’sHill. Le paysage vallonné, harmonieux, charme d’autant plus l’enfant que John Falstaff, le modèle du personnage de Shakespeare, y a chevauché quatre siècles plus tôt. Une demeure géorgienne, en briques sombres, se dresse non loin : ce n’est certes pas un palais, mais son austérité de bon goût, sa solidité rassurante concrétisent assez bien l’idéal de la petite bourgeoisie de l’époque. John la désigne à son fils et lui affirme qu’il possédera un jour une maison semblable s’il travaille assez dur pour cela. Quand on sait que trente-cinq ans plus tard Dickens fera l’acquisition de Gad’sHill Place, on comprend la force du lien qui l’unissait à son père : ce doigt tendu, cette injonction paternelle, Charles ne les oubliera jamais.


Jean-Pierre Ohl, Charles Dickens, Éditions Gallimard, Collection “folio biographies”, 2011, pp. 13-14-17-18.

Image ci-dessus, G.AdC


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