Magazine

Journal d'un voyage intérieur

Publié le 07 février 2013 par Ubik

De février à juillet 2010, Sylvain Tesson est parti vivre seul dans une cabane près du lac Baïkal en Sibérie. Il a tenu durant cette période un journal, et tourné en parallèle un documentaire sur son expérience. Son journal, publié en septembre 2011 sous le titre Dans les forêts de Sibérie, a été très médiatisé au moment de sa sortie et s'est vu décerné, quelques mois plus tard, le Prix Médicis Essai 2011. Cet ouvrage constitue l'un de mes véritables coups de cœurs de ces derniers mois en matière de littérature.

 

Quand on parle de journal, on pourrait s'attendre à un texte écrit à la va-vite, à chaud, dans un style un peu approximatif mais, étonnamment, il n'en est rien. Dans les forêts de Sibérie se révèle un texte très écrit — trop diront certains —, présentant un vocabulaire recherché, et un style poétique très imagé. Il nécessite, parfois, de se poser sur une phrase, de prendre le temps d'en puiser les différents sens. Il pourra, pour cette raison, irriter certaines personnes. Il s'agit d'un ouvrage qu'on va prendre, puis laisser, avant de s'y replonger un moment après. On ne se trouve pas face à un livre qu'on dévore d'une traite, captivé par l'intrigue. Ici, point de trame. La forme du journal impose de se mettre dans une disposition d'esprit particulière pour l'appréhender. Le récit est haché par la succession des jours et joue sur la répétition des activités décrites. Toutefois, le rythme de lecture qu'il impose rejoint son propos : ralentir, prendre le temps de regarder, de comprendre, vivre autrement. Il ne s'agit donc pas d'un ouvrage facile d'accès.

 

Dans forets siberie sylvain tesson livre

 

Par ailleurs, Sylvain Tesson ne se contente pas de rendre compte de faits anodins ou de décrire ses activités quotidiennes. Son expérience l'amène à la contemplation, l'introspection et la critique. Ses réflexions s'avèrent le plus souvent inattendues, anticonformistes, et font la véritable valeur de cet ouvrage, mi-journal mi-essai. Ainsi, le contraste entre son existence d'ascète en Sibérie et sa vie parisienne lui fait pointer les dérives de la société occidentale, le poids de ses règles et l'amène à apprécier les choses simples. L'écrivain-voyageur appelle également à la décroissance, modèle que seul un dictateur éclairé pourrait imposer à l'humanité, et ce pour son bien. Il offre aussi, et il s'agit de la réflexion qui a le plus retenu mon attention, un questionnement sur la croyance religieuse et l'aliénation par les nouvelles technologies et la consommation. Est-il préférable d'être athée mais complètement dépendant des produits high-tech, ou d'être croyant mais libéré du consumérisme ?

 

Les pistes de réflexion sont multiples et la richesse de cet ouvrage iconoclaste nécessiterait de s'y replonger régulièrement et d'y piocher, au hasard, une pensée, une remarque, une formule poétique. Dans les forêts de Sibérie m'apparaît comme une lecture très saine qui peut-être recommandée aux personnes faisant preuve de curiosité intellectuelle et souhaitant élargir leur horizon.

 

 


Retour à La Une de Logo Paperblog