Magazine Humeur

Plaisir de lire, joie d'écrire (avec de vrais morceaux de travail dedans)

Publié le 05 avril 2013 par Secondflore

Quand j’ai commencé à écrire avec le fol espoir de publier quelque chose un jour, je me souviens, je lisais beaucoup, en prenant des notes mentales à chaque livre. J’alternais entre les classiques – pour m’inspirer - et des romans contemporains pris au hasard – pour voir que c’était possible.

Dans le lot, je garde en tête quelques romans qui m’ont donné des indications sérieuses sur ce qu’il ne fallait pas faire. Et puis quelques bons souvenirs, que j’ai gardés dans ma bibliothèque. Parmi ceux-là, il y avait un livre de Fanny Chiarello : Si encore l’amour durait, je dis pas. Le livre était sorti chez un éditeur lillois, Page-à-Page, qui avait mis sur son site un long manifeste, genre "les manuscrits que nous aimerions recevoir" - un truc généreux que je n’ai retrouvé chez aucun éditeur depuis. Malheureusement Page-à-Page n’existe plus. J’ai tenté de retrouver le manifeste, le cyberespace n’en a pas gardé trace.

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Fanny Chiarello, elle, écrit toujours. Si ma mémoire est fidèle, son premier roman était une autofiction bien dans le ton de l’époque (l’année 2000, avec une référence à Beigbeder dans le titre – ça aura quand même duré un peu plus de trois ans). Je n’en avais pas relu depuis, jusqu’à ce que n’arrive entre mes mains son dernier livre – Une faiblesse de Carlotta Delmont.

Aux antipodes de l’autofiction, le roman raconte la fugue d’une cantatrice américaine lors d’une tournée à Paris, en 1927. Il ne raconte pas vraiment, d’ailleurs. La première partie tient autant du puzzle que du roman, en compilant lettres, articles de journaux, télégrammes et fragments divers : un procédé rare, qui fonctionnait parfaitement dans L’éloge de la pièce manquante, d’Antoine Bello (1998)… et qui fonctionne tout aussi bien ici.

Puis la cantatrice réapparaît (semi-spoiler), le récit flotte quelques pages mais Fanny Chiarello parvient à trouver le ressort dramatique pour faire rebondir son histoire. Elle en profite pour interroger la figure de la vedette, entre liberté (le privilège de l'artiste: l’affirmation de soi, disait Wilde) et pressions diverses (de l’impresario, du public…). Et surtout elle s’amuse, avec une deuxième partie en mode journal intime, et une troisième en pièce de théâtre pour le dénouement.

Ce n’est pas si fréquent, de sentir un auteur qui s’amuse. Et il faut avouer que ce n’est pas toujours pour le meilleur : il y a des jeux littéraires qui n’amusent que leur auteur. Ou des exercices de style qui semblent n’avoir pour seul but que de dire "regardez comme je suis malin". Mais les années Beigbeder sont loin, pour Fanny Chiarello comme pour nous. Avant de s’amuser, elle a pris soin de laisser le lecteur monter à bord et se projeter dans son héroïne. Ça, c’est l’intelligence, et le travail. Alors seulement vient pour le lecteur le plaisir de se laisser balader. Ça, c’est le talent.


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