Magazine Journal intime

J'ai testé le cercueil médical

Publié le 06 avril 2013 par Anaïs Valente

Grande première pour moi l'autre jour : direction l'hôpital pour tester le cercueil médical, alias l'IRM.  Comme on me l'a justement dit "contrairement au cercueil classique, te plains pas, tu finis par en sortir".  C'est exact, mais contrairement au cercueil classique, j'étais bien vivante moi, inside, et je n'ai pas aimé.  Mais pas du tout.

Récit.

Premier constat : l'IRM, c'est mieux que les pruneaux, mieux que les jus de fruits, mieux que les laxatifs en tous genres.  L'angoisse est telle (oui hein ça va, je suis une chochotte, mais déjà entrer dans un hôpital en bonne santé, je refuse, alors y entrer pour un examen médical, vraiment pas mon truc) que mes intestins en subissent les conséquences immédiates.  En soi, c'est une bonne chose, finalement, sans entrer dans les détails de ma grève intestinale.

Second constat : j'ai une chance folle, car j'ai droit à toutes les injections possibles et imaginables et par conséquent à ma première perfusion.  Fais un vœu Anaïs, une première, ça se fête.  J'aime pô ça, ça pique, ça tire, ça beurk, une perfusion.

Et me vlà donc sur mon siège jaune, dans ma tenue hyper glamour en papier jaune, derrière mon rideau jaune (sont fous du jaune ma parole), ma perfusion dans le bras.  Et je m'ennuie.  Et j'ai froid, même si j'ai gardé mes chaussettes (noires, si j'avais su, j'aurais pris du jaune, note qu'il suffirait d'une chtite hémorragie, et je serais aux couleurs de mon pays, du coup).

Face à moi, un panneau explicatif pour le personnel soignant : que faire en cas d'urticaire léger, urticaire sérieux, bronchomachintruc et œdème de Quincke.  Réjouissant…

Puis vient mon tour, et, en plus d'avoir dû enlever mes cholis bracelets Pandora, ma montre, mes boucles d'oreille et les plombs de mes dents (nan, je rigole, pas les plombs), je dois remettre mes lunettes au gentil Monsieur infirmier qui m'accompagne.  Une fois aveugle, je rencontre l'IRM, savoir une grosse tache beigeasse.  Je récupérerai mes lunettes en dehors du local, et ne sais dès lors toujours pas à quoi ressemble vraiment le cercueil médical, du moins de l'extérieur.

Avant de m'installer en position couchée, dernière petite joyeuseté.  Euh, comment dire, comment résumer, juste en quelques mots, zaurez qu'à comprendre : gel, insérer, voies naturelles.  Voilà, zavez compris ?  Sauf que je suis encore debout, alors le gel, ben il prend la fuite, c'est joyeux, je vous le disais. 

Toute poisseuse, je me couche enfin.  Ah on peut dire que c'est confortable, un oreiller sous la tête, un autre sous les genoux, vraiment sympa.  S'il n'y avait la perfusion, toujours douloureuse et cette fois opérationnelle.  Et s'il n'y avait le fait que mon petit lit douillet va bientôt être catapulté à l'intérieur de la machine infernale, ce serait parfait.  Bon, manque juste un plaid, car ça caille ferme.

Puis c'est le grand départ.  Je me crois dans Retour vers le futur, et j'entre dans ce tunnel beige, presque jaune tiens.  C'est serré, au point que je me demande si mon nez, qui n'est pourtant ni un pic ni un cap ni une péninsule, va passer.  Il passe.  Oui, bandes de médisants, mon bidou passe aussi.  Seuls mes pieds restent à l'extérieur.  On m'avait dit que c'était étroit, mais c'est bien pire que ce que j'imaginais, genre si je respire, je touche le plafond quoi.  Et je respire comme une dingue, ça doit être une crise de claustrophobie, je vois que ça, alors que je suis censée être calme, pour que tout se passe bien, sinon mon IRM va être toute floue because j'ai trop respiré non ?  Si ça tombe c'est comme pour une radio, faut pas respirer, mais durant combien de temps ?  Gros titre dans la presse namuroise "une jeune (si si, jeune) namuroise décède dans un IRM, il semble qu'elle ait volontairement cessé de respirer, enquête en cours".

Y'a comme un courant d'air désagréable, je suis congelée, mais je ne peux bouger, c'est la directive : on ne bouge pas, sauf en cas de souci, là je peux bouger les pieds pour qu'ils me sortent de là.

Et y'a un souci.

Le souci c'est que je me mets à imaginer comment faire si je dois vomir, pas moyen de me redresser, pas moyen de bouger, à peine moyen de tourner la tête.  Je vais vomir, je vais m'étouffer dans mon vomi, je vais mourir sans avoir pu bouger les pieds.  Et bien sûr j'ai soudain envie de vomir.

Le souci c'est que je me mets à réaliser qu'être enterrée vivante ça doit être ça, avec de l'air en plus.  Et bien sûr, je parviens plus à l'aspirer, l'air, chuis toute bloquée.

Le souci c'est que j'ai peur d'avoir une crampe au pied droit.  Voire au pied gauche.  Voire aux deux.  Et bien sûr… nan, je rigole, j'ai pas eu de crampe.

Le souci c'est que ça fait un bruit infernal ce truc, oscillant entre marteau piqueur et mitraillette.  Et le casque qu'on m'a posé sur la tête ne sert à rien.

Le souci c'est que ça caille, zauriez pas un plaid des fois, allez quoi, pitiééééééééééé ?

Le souci c'est que j'ai plein de soucis mais je doute que ce soit un souci pour vous.

Alors je me concentre sur la musique, histoire de me calmer.

Je ferme les yeux.

"Sex bomb".  C'est celaaaaaaaaaaaa oui, fous-toi de ma tronche, Radio Nostalgie, j'en ai tout l'air, d'une sex bomb, à cet instant.

"L'été indien".  Merciiiiiiiiiiiiii, je vais pouvoir me plonger dans la visualisation relaxante que j'avais prévue, une plage de la côte d'Opale, le soleil, la mer, le ressac, les embruns, et des moules bouchot en récompense.  Naaaaaaaan, pas les moules, je vais vomir, je vais vomir.

"I like Chopin".  Ouiiiiiiiiiii, du piano, ça relaxe.  Relax relax relax relax relax, méthode Coué.

"Tout le bonheur du monde".  Ouiiiiiii, je veux tout le bonheur du monde, là, de suite, et d'abord, je ne suis pas une célébrité, mais sortez-moi de là.

Et les chansons s'enchainent, et les bruits divers, variés et assourdissants s'enchainent, et le temps ne passe pas.  Et mes bras sont brûlants, y'a un coussin chauffant sous moi ou quoi ?  Ou bien est-ce le produit de contraste, celui dont on dit qu'il peut provoquer des réactions allergiques ?  Voilà, ma mort est proche.

Au bout de euh, chais pas moi, six heures, enfin vingt minutes quoi, mais keske c'est long vingt minutes dans un cercueil médical, presqu'une éternité, on m'extrait enfin de mon tube, on m'enlève ma perfusion, on me fait me redresser et partir au plus vite pour laisser la place au joyeux volontaire suivant, je suis encore groggy et les cheveux en bataille, la faute au gros aimant ma bonne Dame, et je tente de trouver mon chemin, sans mes lunettes, pour enlever ma tenue seyante et rejoindre le monde réel, ravie d'avoir survécu à l'un des meilleurs moments de mon existence, après le train infernal de Walibi et les toboggans sous eau d'Aqualibi (après le CHR, Walibi est donc mon endroit préféré).


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