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De "la Faux du diable" au "tracteur open source" !

Publié le 25 avril 2013 par Contesetmerveilles

"Saint Michel ne fit point comme le diable, il prêta sa faux, et apprit à tout le monde à s’en servir. Voilà comment l’usage de ce instrument est devenu familier.", ainsi que l'a rapporté Mr GUILLOU, instituteur de Hédé (35630), dans un conte qu'il confia à Adolphe ORAIN au tournant du 19ème siècle, un de ces récits du "diable dupé".
Cette histoire nous donne un exemple supplémentaire de ce que la tradition populaire porte bien des messages d'à-venir... puisque voici que Marcin Jakubowski agit comme l'archange : il a fabriqué un tracteur dont il a publié les plans sur le net, avant d'imaginer le "kit de construction du village global" !


Voici le conte (Adolphe Orain, "Contes de l'Ille-et-Vilaine", 1901, p. 221) :
Au temps jadis, les bonnes gens de Hédé coupaient leur foin avec des ciseaux de tailleur, aussi n’avançaient-ils guère en besogne.
Le diable seul, qui venait de temps en temps par là chercher de grosses pierres pour la construction du Mont Saint-Michel, possédait un instrument qui coupait le foin d’une prairie dans un rien de temps. Mais il ne s’en servait que la nuit et refusait de le prêter.
Son outil tenait du prodige ! Il abattait le foin en andains, c’est-à-dire en lignes, ce qui permettait, aussitôt qu’il était sec, d’en faire des mulons.
Satan promit un jour à un mauvais sujet de ses amis de lui couper son foin la nuit suivante. Saint Michel en fut informé et alla piquer des dents de herse, qui sont en fer comme vous savez, dans la prée du particulier. Puis il se cacha dans le creux d’un vieux chêne en attendant la nuit. Le corps tout entier disparaissait dans l’arbre et la tête seule émergeait au milieu du feuillage.
Vers minuit, il entendit siffler derrière une haie et vit le diable se diriger vers la prairie. Arrivé à l’échalier, Satan s’arrêta, se mit à frapper avec un marteau sur le tranchant de son outil, qu’il emmancha ensuite au bout d’un grand bâton. Puis il l’aiguisa tout debout et, enfin, d’un geste régulier des bras, le fît manœuvrer au milieu du foin qui cheït tout autour de lui.
Lorsque l’instrument rencontra la première dent de herse, il s’ébrécha. Satan se mit à jurer comme un beau diable et continua son travail. À la seconde dent l’outil se brisa et le diable dit : "Bon v’là ma faux cassée ; il va falloir la porter à la forge." Et il s’en alla, toujours en jurant, vers le bourg de Dingé.
Le lendemain saint Michel se rendit chez le maréchal et lui demanda si on lui avait apporté un outil à réparer.
— Oui, répondit le maréchal, et un outil comme je n’en ai jamais vu.
— Eh bien ! tu m’en fabriqueras un semblable, et je t’expliquerai ce qu’on peut en faire.
— Bien volontiers.
Saint Michel ne fit point comme le diable, il prêta sa faux, et apprit à tout le monde à s’en servir. Voilà comment l’usage de ce instrument est devenu familier.
En voyant des faux dans toutes les mains, Satan comprit que son secret avait été découvert, et il supposa tout de suite que saint Michel l’avait épié. Furieux, exaspéré, il alla lui proposer un duel.
— J’accepte, répondit l’Archange, mais à une condition, c’est que ce sera dans un four.
— Où tu voudras.
Et tous les deux s’en allèrent vers le prochain village.
Chemin faisant, saint Michel trouva une petite mailloche en bois qui sert aux bonnes femmes à écraser le chanvre et le lin avant de le brayer. Il la mit sous son bras et continua sa route.
Arrivés près du four, le diable prit par un bout le frigon, ou perche à enfourner le pain, et se glissa dans le four. Saint Michel l’y suivit, et, pendant que son compagnon tirait sur sa perche, beaucoup trop longue pour pouvoir entrer dans le four, il lui maillochait la tête à tour de bras.
Grâce ! grâce ! s’écria Satan, ou tu vas me tuer.
Je veux bien te faire grâce, mais à la condition que tu vas quitter le pays et que tu n’y reviendras plus.
Le marché fut conclu et, depuis cette époque, on n’a jamais revu le diable dans le canton de Hédé.


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