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Quelle représentativité des syndicats -Redite-

Publié le 20 avril 2008 par Saucrates


Réflexion sept (20 avril 2008)
Y aura-t-il un accord dans la négociation sur la représentativité et le financement du syndicalisme entre le patronat et une majorité d'organisations syndicales ?

La négociation sur la représentativité et le financement du syndicalisme, qui avait commencée le 31 janvier 2008, s’est terminée dans la nuit du 9 au 10 avril. La négociation a abouti à l'élaboration d'une position commune (et non d'un accord) qui sera soumis pour signature aux syndicats.
http://www.cfdt.fr/cfdt_action/negociations/chantiers_en_cours/representativite/negociations_0227.htm
Ce texte, s'il est signé, révolutionnera de manière considérable la représentativité des organisations syndicales dans les entreprises et dans les branches d'activité, en instaurant tout particulièrement des seuils (10% lors des dernières élections dans les entreprises) en deçà desquels les syndicats ne pourront plus bénéficier de la même reconnaissance de représentativité que par le passé.
Cela constitue-t-il véritablement une avancée sociale comme certains syndicats en font état ? Le principal problème du syndicalisme français demeure le faible nombre de travailleurs syndiqués dans les entreprises (7 à 8% au total de syndiqués sur l'ensemble des entreprises, entreprises publiques inclues) et l'absence de syndicats mais également d'élections professionnelles dans un grand nombre d'entreprises (pour mémoire, il faut se rappeler que la tenue des élections de délégués du personnel sont un droit inaliénable des salariés dans les entreprises de plus de 10 salariés et que des élections de comité d'entreprise doivent en plus être réalisées régulièrement dans les entreprises de plus de 50 salariés ... ou de délégation unique). Il ne me semble pas que cet accord apporte grand chose de neuf en réponse à ces deux problèmes majeurs au développement du syndicalisme en France.
Un troisième problème concerne les discriminations dont sont victimes les représentants syndicaux ou les représentants du personnel dans les entreprises ... refus de promotion dans les cas les moins pires, licenciement immédiat dès l'élection ou dès la désignation dans les cas les pires ... Dans l'état actuel du droit du travail, le représentant du personnel licencié peut obtenir sa réintégration avec paiement des salaires correspondant après de longs procès ... jugements qui durent souvent une à deux années ...
Aucune réponse n'est apportée à mon avis à ces problèmes ... Rendre le syndicalisme plus efficace comme la CFDT l'expose me semble être une aberration ... Le syndicalisme n'a pas à être efficace, mais à bien défendre les salariés ... Les meilleures défenses reposant parfois sur des actions extrêmistes et dangereuses ... Le syndicalisme dans les entreprises est rarement une sinécure ou un poste de pouvoir ...

Les principales dispositions du texte :
> Les critères de la représentativité
Le texte introduit, parmi les critères permettant d’apprécier la représentativité, le critère de l’audience établie par les élections dans les entreprises dont les résultats seront agrégés aux différents niveaux, comme le proposait la CFDT. Pour être représentative dans une entreprise, une organisation devra recueillir 10% des voix. Au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, ce seuil est fixé à 8% à titre transitoire. Ces nouveaux critères s’appliqueront lors des prochaines élections intervenant dans les entreprises et au plus tard 5 ans après l’entrée en application de la « position commune » aux autres niveaux.
A titre transitoire est également prévu que les organisations représentatives au niveau national interprofessionnel continueront à participer aux négociations de branche ; et pour une durée indéterminée, l’audience est appréciée par collège pour les organisations catégorielles affiliées à une confédération catégorielle.
> Les conséquences de la représentativité dans l’entreprise
Le fait d’atteindre 10% dans l’entreprise et d’y être reconnu représentatif permet de constituer une section syndicale dans l’entreprise, de désigner un délégué syndical et de participer aux négociations d’entreprise. Le délégué syndical est désigné parmi les candidats présentés aux élections qui ont obtenu individuellement au moins 10%.
Les organisations syndicales qui ne sont pas représentatives dans l’entreprise peuvent y constituer une section syndicale et désigner un représentant qui est protégé et bénéficie de 4 heures de délégation. Si l’organisation ne devient pas représentative aux élections suivantes, le mandat du représentant prend fin (mais un autre représentant peut être désigné).
Ces dispositions garantissent d’une part la liberté de choix du délégué syndical dès lors qu’il a été présenté aux élections dans l’entreprise, d’autre part la possibilité de s’implanter dans les entreprises en y créant une section syndicale et en y désignant un représentant.
> Les règles de validation des accords
Le principe d’un mode de conclusion des accords par une ou plusieurs organisations majoritaires en voix est clairement affirmé à tous les niveaux (entreprise, branche, interpro). Dans une première étape, destinée à évaluer l’impact sur le dialogue social des réformes engagées, les accords devront pour être valides être signés par une ou plusieurs organisations recueillant 30% des voix et ne pas faire l’objet d’une opposition majoritaire en voix. Ces modalités seront applicables aux entreprises dès 2009 et dans un délai de 5 ans dans les branches et au niveau interpro. Les partenaires sociaux décideront du passage à l’étape suivante après bilan des négociations intervenues dans ce nouveau cadre. Un premier bilan interviendra à l’issue d’une période de 2 ans.
> La négociation dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale
La « position commune » fixe, d’une part, les modalités et les conditions de la négociation avec les élus et, d’autre part, la possibilité pour une organisation représentative de mandater un salarié dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel. Les modalités de la négociation avec les élus résultent pour l’essentiel de propositions de la CFDT : elles précisent les conditions qui garantissent l’esprit et la pratique d’une négociation (indépendance vis-à-vis de l’employeur, élaboration collective, concertation avec les salariés,…) ; les organisations représentatives dans la branche seront obligatoirement informées par l’employeur et les élus pourront prendre contact avec celles-ci.
> La prise en compte des petites entreprises et l’adaptation des IRP
Suite à des propositions de la CFDT, le texte ouvre un important chantier qui vise à renforcer l’effectivité de la représentation collective en élargissant le plus possible le nombre de salariés qui en bénéficient. Un groupe de travail sera réuni à cet effet dès septembre 2008. Il aura notamment pour mandat de faire des propositions sur le seuil à partir duquel peuvent se mettre en place des instances de représentation dans l’entreprise et sur les modalités spécifiques permettant de développer le dialogue social dans les TPE en associant les salariés concernés.
> Le développement de l’adhésion syndicale
Un groupe de travail paritaire sera également réuni pour rechercher toutes mesures favorables au développement de l’adhésion syndicale. La « position commune » fixe d’ores et déjà comme principe que lorsque les entreprises apportent des moyens aux organisations syndicales, ceux-ci doivent prioritairement prendre la forme d’abondement à l’adhésion syndicale (telle que le chèque syndical). Il est également prévu de créer une « Fondation du dialogue social » dont l’objet général sera de favoriser le dialogue social, le texte indiquant qu’une de ses missions sera de favoriser la reconversion des permanents des organisations syndicales ou patronales.
> Le financement des organisations syndicales
La « position commune » affiche clairement l’attachement des signataires à la définition de règles de certification et de publicité des comptes des organisations syndicales comme des organisations patronales (ces règles étant en cours d’établissement avec les pouvoirs publics). Le texte affiche le principe que la part principale des ressources des organisations syndicales doit provenir des cotisations des adhérents. Il indique qu’en ce qui concerne les subventions du paritarisme, les institutions doivent respecter des principes fixés par la négociation nationale interprofessionnelle.
> L’expérimentation d’accords majoritaires d’entreprise dérogeant à l’accord de branche sur les heures supplémentaires.
Un des enjeux majeurs de la négociation était d’acter le principe de validation majoritaire des accords. Ce qui était loin d’être acquis en début de négociation, en particulier du fait de la partie patronale. Cette disposition vient concrétiser, à titre expérimental, une possibilité d’usage de l’accord majoritaire dans les entreprises. Nous avons réussi à encadrer strictement la possibilité ainsi ouverte de déroger aux accords de branche conclus avant la loi du 4 mai 2004 en matière d’heures supplémentaires : caractère expérimental imposant une transmission des accords à la branche pour en faire l’évaluation paritaire, rédaction permettant une négociation portant sur l’ensemble des conditions en lien avec l’utilisation des heures-sup dans ce cadre et ne pouvant pas remettre en cause les dispositions légales, négociation avec les seules organisations syndicales. Ainsi rédigé, cet article permet d’opposer une obligation de négocier aux velléités gouvernementales de traiter cette question au travers du gré à gré dans une déréglementation totale.


Réflexion six (8 décembre 2006)
Les syndicats pendant la guerre. Histoire de la CGT

Parmi les cinq critères retenus par le législateur en 1945 pour déterminer la représentativité des trois principales organisations syndicales, que signifiait la notion 'attitude patriotique sous l’occupation allemande' ? Pour se faire, il faut revenir à l'année 1940, à la débâcle et à l’installation du régime de Vichy. Avant 1940, il semble qu'il existait deux syndicats CGT issus d'une scission datant de 1920 ; d'un côté la CGT Unitaire, de l'autre le SNI CGT.
(http://perso.numericable.fr/~fraccps/bulletin/1/bulletin1_fu.html)
La 'Charte du Travail' de Pétain institue des 'syndicats' corporatistes, rouages de l’Etat, selon des formes expérimentées en Italie mussolinienne, en Espagne franquiste et dans le Troisième Reich. Comme dans les corporations médiévales, travailleurs et patrons y sont réunis . Au nom de cette association capital-travail, la grève est interdite, le 1er mai devient la 'Fête du Travail', avec offices religieux et salut aux couleurs.
Les dirigeants réformistes de la CGT tenteront d’abord de se maintenir en modifiant les statuts du syndicat (20 juillet 1940), en remplaçant notamment la référence à l’abolition du salariat et du patronat par une collaboration à la prospérité nationale et en substituant la conciliation et l’arbitrage aux grèves. La CGT sera malgré tout dissoute, comme les autres organisations syndicales, le 9 novembre 1940.
Les militants et les cadres syndicaux se dispersent. Certains dirigeants de l'ex CGT se mettront au service du régime de Vichy comme Delmas, ancien secrétaire général du SNI, ou Belin, ex secrétaire de la CGT, devenu ministre du Travail du Maréchal.
Pourtant, malgré la dissolution des syndicats historiques et l'interdiction des grèves, des mouvements de cessation du travail se produisent. En mai 1941, une grève éclate chez les mineurs du Nord et du Pas de Calais, pour obtenir une augmentation des salaires. Le 7 juin, ils sont 100 000 grévistes. Une nouvelle grève éclatera en octobre 1943, aussi qu'à l'occasion du 1er mai de cette même année.
En 1943, la CGT réunifiée est reconstituée par des représentants des deux appareils (CGT Unitaire et SNI CGT). Ses militants sont invités à infiltrer les 'syndicats' officiels de la Charte, en attendant l’heure propice.
La CGT réunifiée aura deux représentants au Conseil National de la Résistance. Elle assoit sa légitimité en août 44 lorsque la grève éclate chez les cheminots et s’étend aux services publics. La direction lance alors un ordre de grève générale pour la Libération. Avec l’unité retrouvée, ses effectifs atteignent jusqu'à six millions d’adhérents. En juillet 1945, la CGT participe aux 'Etats Généraux de la Résistance Française', en plein accord des deux fractions.
L'équilibre entre les deux tendances demeurera cependant fragile, avec une fraction réformiste qui crée dès décembre 1944 son organe de tendance, 'Résistance ouvrière' (qui deviendra 'Force ouvrière' un an plus tard) et une fraction révolutionnaire dont l'organe de tendance (la Vie ouvrière) est contrôlée par le PCF. Un troisième bulletin de tendance paraîtra en 1946 (Front ouvrier), pour regrouper les minoritaires 'Lutte de classe' dans la Confédération. En septembre 1945, les pro staliniens deviennent majoritaires à la direction confédérale.
Le gouvernement provisoire du général de Gaulle comprendra aussi des ministres CGTistes comme Croizat (ministre du Travail) et Marcel Paul (Production industrielle), tous membres de PCF. Ceci donne une idée du fondement de cette notion de représentativité de la CGT.
Cette histoire éclaire aussi sur les scissions qui viendront, qui donneront notamment naissance à la CGT-FO, mais également au désamour entre les syndicats et les salariés. Les années 1945-1947 verront ainsi poindre de fortes divergences d'opinions entre la direction confédérale de la CGT réunifiée et les militants de la base.
La direction confédérale avait notamment décidé de faire du 1er mai 1945 (sur proposition de Bothereau, futur secrétaire général de CGT-FO) une 'journée de travail et de solidarité ne prenant pas l’aspect d’une journée chômée' en raison de la nécessité d’accroître l’effort de guerre (une sorte de journée de solidarité - Raffarin n'avait rien inventé). Devant la fronde de ses adhérents, la CGT appellera finalement à la grève et les défilés rassembleront au total jusqu'à 3 millions de manifestants.
Quinze jours plus tard éclate une grève générale des ouvriers lyonnais avec de violentes manifestations. Dès mars 1945, en réponse aux premiers mouvements, deux secrétaires confédéraux, dont Frachon, dénoncent les mouvements de grève et ordonnent de 'dégager la responsabilité de la CGT' et de ne pas céder aux provocations.
Le printemps 46 sera également secoué par des grèves dans les compagnies de navigation, les théâtres, les banques, le livre, Citroën, les PTT. Le 30 juillet 1946, la grève des postiers éclate. La Fédération, qui avait accordé une grève de trois heures pour canaliser la volonté de combat, condamne la grève, cautionne l'utilisation de briseurs de grève, et demande des sanctions contre les grévistes.
En 1947, il y aura une grève des Finances et des gaziers, de Michelin, des dockers, de la presse et du livre. Les postiers seront même dénoncés comme agents des trusts par l’Humanité et le ministre du travail Croizat les accuse d’avoir collaboré avec l’occupant. En avril 1947 éclate alors la grève Renault.
Réflexion cinq (7 décembre 2006)
Les pistes d'amélioration du dialogue social

La France présente le plus bas taux de syndicalisation d'Europe, estimé à 9,7% pour l'ensemble des salariés et des fonctionnaires selon les chiffres les plus récents. Ce taux cache par ailleurs des différences entre la fonction publique, où les syndicats sont relativement puissants, et le secteur privé, où le taux de syndicalisation n'atteindrait même pas 5% (avec encore une différence entre les grandes entreprises, où les syndicats disposent d'un certain poids, et les petites entreprises (moins de 50 salariés) où les syndicats sont presque absents).
(http://www.challenges.fr/business/chall_311481_EVENEMENT.html)
La solution proposée par l'UMP et par son président Nicolas Sarkozy est à l'image du bonhomme. Rendre accessible le premier tour des élections professionnelles à tous, en supprimant le monopole de présentation de liste des organisations syndicales représentatives. Cette solution risque pourtant d'avoir l'effet contraire et de faire diminuer le nombre d'adhérents des organisations syndicales, à partir du moment où des non-syndiqués pourront être plus facilement élus dans les instances représentatives du personnel.
La proposition de la candidate du PS Ségolène Royal semble moins dangereuse (adhésion obligatoire à un syndicat), même s'il reste nécessaire de la préciser. Cette proposition rencontre tout de même des oppositions de certaines centrales syndicales.
Mais ce qui pose problème dans l'organisation syndicale française n'est ni le nombre de ses adhérents, ni le nombre de syndicats représentatifs. Ce qui pose problème, c'est l'absence de tout pouvoir dévolu aux organisations syndicales dans les entreprises et plus généralement dans la société. On parle souvent de la protection personnelle des représentants du personnel, qui les met normalement à l'abri des mesures de licenciements. On parle souvent d'un syndicalisme fortement protégé. Mais en échange, les représentants du personnel et les représentants syndicaux n'ont qu'un simple pouvoir d'expression au sein des entreprises, un pouvoir d'être informés ou d'être consultés, mais en aucun cas de pouvoir influer sur les décisions prises. Il n'existe ainsi aucun intérêt pour un salarié d'être syndiqué, si ce n'est par éthique, par idéologie ou par habitude familiale.
L'impuissance des syndicats français dans les entreprises
Il ne faut pas oublier que dans d'autres pays européens ou ailleurs dans le monde, les syndicats ont souvent plus de pouvoir.
- En Allemagne, les syndicats cogèrent les grandes entreprises. En France, les administrateurs représentant les salariés sont très minoritaires et marginalisés. Ils ont encore une fois une simple capacité d'être informé et dans certains cas une possibilité d'informer leurs collègues (lorsque l'on ne leur impose pas une confidentialité des informations).
- En Suède, les centrales syndicales gèrent les prestations ­sociales, et seuls les militants des syndicats peuvent bénéficier de l’assurance-chômage. Le taux de syndicalisation y est ainsi supérieur à 80%. En France, les syndicats ne disposent que de représentants au conseil d'administration de ces institutions, et toute discrimination est impossible sur la base de l'appartenance à un syndicat.
- Aux Etats-Unis, dans les entreprises américaines, l’employé doit être encarté dans un syndicat pour obtenir les garanties d’un accord d’entreprise. Les salariés qui ne sont pas adhérents d'un syndicat signataire ne bénéficient pas des avantages obtenus. En France, il ne peut y avoir la moindre discrimination. Le système encourage en fait les 'passagers clandestins', qui profiteront de toute façon obligatoirement des avantages négociés par les autres, sans en avoir payé le prix (journées de grève par exemple). Ces derniers seront aussi marqués syndicalement et privés de promotion et d'avancement
- Au Royaume-Uni, l'embauche dans ls entreprises est souvent conditionnée à l'appartenance à une organisation syndicale. En France, toute discrimination à l'embauche est impossible.
En fait, la France a érigé en système (judiciaire) la liberté d'adhésion ou de non-adhésion à un syndicat. Elle a aussi organisé leur impuissance en matière de participation aux décisions, respectant en cela l'autoritarisme de l'ensemble de la société française dans son ensemble. La faiblesse du nombre d'adhérents en est le prix à payer. A défaut de donner de véritables pouvoirs de décision aux organisations syndicales, dans les entreprises ou dans la société, on pourra proposer tous les artifices cosmétiques, cela ne changera rien à la faiblesse des syndicats. Ceux-si sont faibles parce qu'ils n'ont institutionnellement aucun pouvoir de décision, mais seulement celui de pouvoir influer sur les décisions d'un patron ouvert au dialogue (et ils ne le sont que très rarement).
Mais peut-on imaginer de passer d'un taux actuel de syndicalisation de 5% dans le secteur privé à 80% comme en Suède ? Je ne serais pas étonné de voir que tous les syndicats s'y opposent, car il leur faudrait alors réformer leurs pratiques démocratiques et leurs pratiques d'accession aux responsabilités syndicales. Un certain nombre de caciques pourraient être remplacés.
Réflexion quatre (6 décembre 2006)
Quelques précisions historiques

Par facilité, on attend souvent dire ces derniers temps que la représentativité des cinq principales organisations syndicales remonte à 1945.
Mais il s'agit d'un raccourci. Dans les faits, au sortir de la seconde guerre mondiale, seules trois sur ces cinq organisations syndicales existaient : la CGT, la CFTC et la CGC, et s'étaient vues reconnaître une présomption irréfragable de représentativité. Les critères qui seront retenus pour cela en 1945 par le ministre du travail de l'époque (Alexandre Parodi - née en 1901 - mort en 1979) sont au nombre de cinq : importance des effectifs et des cotisations, expérience et ancienneté du syndicat, indépendance par rapport au patronat et enfin attitude patriotique sous l’occupation allemande.
Le syndicat CGT-FO, issu d'une scission de la CGT en avril 1948, se voit également reconnaître cette présomption de représentativité. Ces critères seront intégrés formellement au Code du Travail par la loi sur les conventions collectives du 11 février 1950 ; ils constituent toujours l'article L.133-2 du Code du travail. La CFDT sera enfin rajoutée en 1964 à cette (short) liste des syndicats représentatifs après la scission de la CFTC suite à l'abandon de son étiquette confessionnelle. Cette liste sera entérinée par le décret du 31 mars 1966, toujours en vigueur. (source : http://www.convergencesrevolutionnaires.org/article859.html)
Il est à noter que depuis 1966, aucune autre nouvelle union syndicale n’a pu être reconnue représentative à l’échelle nationale et interprofessionnelle, même lorsque ces syndicats sont issus de scissions de certains syndicats représentatifs comme les syndicats Sud.
Mais derrière ces querelles de chapelles, il faut se rappeler que cette mesure de la représentativité des organisations syndicales a un certain nombre d'impacts, et conditionne notamment l'accès ou le contrôle de certains organismes paritaires tels les Assedics, les caisses de retraites, les caisses de sécurité sociale ou le haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Réflexion trois (5 décembre 2006)
A quoi jouent la CGT et la CFDT

Bernard Thibault (CGT) et François Chérèque (CFDT) sont à l'origine du dépôt d'un amendement au texte de loi sur la modernisation du dialogue social examiné à l'Assemblée nationale ce mardi 5 décembre 2006. L'amendement a été présenté lundi par les députés socialistes, destinataires comme tous les groupes parlementaires d'une proposition des deux leaders syndicaux. Il a été repoussé mardi en commission des Affaires sociales.
L'amendement visant la réforme des règles immuables de représentativité syndicale prévoyait "de disposer d'une mesure de représentativité au niveau territorial et des branches professionnelles au plus tard le 1er janvier 2010". "La représentativité syndicale doit ... être fondée sur les élections professionnelles généralisées à tous les salariés ... A cette fin, il est proposé aux organisations d'employeurs et de salariés de définir par accords collectifs les modalités des élections professionnelles d'entreprises et des dispositifs de représentation territoriale de branche là où ces élections d'entreprises ne peuvent avoir lieu".
Ce texte reprenait l'avis adopté mercredi dernier par le Conseil économique et social (CES) prônant une réforme de la représentativité syndicale. Il devait être remis mardi matin par Jacques Dermagne, président du CES, au Premier ministre Dominique de Villepin. L'amendement ne devrait cependant pas être voté par le parlement, le gouvernement ne souhaitant pas en effet bouleverser la donne avant les prochaines élections.
Cette position commune des leaders de la CFDT et de la CGT me semble cependant incompréhensible. Pour quelle raison prennent-ils le risque, au delà de la remise en cause d'un cadre légal qui leur est favorable (cette présomption irréfragable de représentativité), de donner l'impression de vouloir récupérer cette position du CES, puisque l'avis n'était pas encore remis au premier ministre lorsqu'ils ont écrit aux groupes parlementaires ? Pourquoi ce souhait d'occuper le débat sur un sujet les concernant peu ?
Il y a une deuxième incohérence dans cette action. En tentant de pousser à la roue pour faire adopter le plus rapidement possible ce projet de réforme des règles de représentativité syndicale, projet qui rencontre l'opposition du Medef et des trois autres confédérations syndicales représentatives (FO, la CFTC et la CFE-CGC), la CGT et la CFDT font fi de la procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux qu'ils sont pourtant les premiers à avoir voulu imposer au gouvernement, et pour le non-respect de laquelle ils se sont opposés au contrat première embauche.
Qu'est-ce que cela signifie ? Quelle urgence est en jeu ? Les règles que ces organisations syndicales imposent au gouvernement ne s'imposent-elles pas à eux ? L'enjeu pour MM. Thibault et M. Chérèque est-il uniquement d'occuper le débat public et les journaux télévisés, en lieu et place du président du Conseil économique et social ? Je demeure persuadé que les organisations syndicales ne devraient pas être représentées par des individus uniques, toujours susceptibles de rechercher le pouvoir ou la célébrité pour eux-même.
Il me semble qu'il est attristant de voir des organisations syndicales se faire rappeler à l'ordre par le gouvernement au sujet du respect de la procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux. Et il est également affligeant de mettre en danger les droits syndicaux de tous les salariés français (en ouvrant la voie à de possibles contestations de la représentativité de certains ou de tous les syndicats) pour de futiles intérêts personnels ou pour un positionnement médiatique.
(http://www.challenges.fr/business/art_82038.html)
Réflexion deux (30 novembre 2006)
Les arguments contre une telle réforme

Je reprendrais de manière plus concise les principaux arguments qui militent à mon sens contre le projet de réforme de la représentativité des syndicats, développés plus longuement précédemment (cf. réflexion une).
1. La proposition de l'UMP (supprimer le monopole syndical de présentation de listes de candidats au premier tour des élections professionnelles) risque d'abord d'affaiblir les instances représentatives du personnel (comité d'entreprise et délégués du personnel) dans les entreprises en faisant apparaître des élus isolés, non présentés sur une liste syndicale, et plus sensibles à d'éventuelles pressions de la part des directions des entreprises. Cette proposition se comprend aussi par un souci de libéraliser la représentativité des organisations syndicales, et mettre fin au monopole dont bénéficient les cinq vieilles organisations syndicales, plus que toute autre raison.
2. Le projet de réforme du Conseil économique et social (supprimer la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficie cinq organisations syndicales pour l'asseoir sur des élections professionnelles généralisées) risque, pour sa part, d'accroître les possibilités de contestation de la désignation des représentants syndicaux dans les entreprises. Ce projet, plutôt que d'améliorer la situation des syndicats, créera au contraire une insécurité juridique plus importante qu'aujourd'hui. En somme, dans l'espoir d'améliorer la situation de quelques organisations syndicales telles l'UNSA ou Solidaires, est-il nécessaire de mettre en péril la grande majorité des représentations syndicales dans les entreprises privées ?
3. Il y a pire comme critère de représentativité que le caractère de résistance et de non-collaborationnisme de ces syndicats au cours de la dernière guerre mondiale, au cours de la dernière invasion du territoire national par un état ennemi, totalitariste.
4. Le danger est le fait que pour satisfaire certains intérêts individualistes (UNSA, Solidaires, UPA ...) ou pour obtenir certaines évolutions du droit des accords collectifs (CFDT, CGT), on puisse en venir à mettre en danger le fragile équilibre du syndicalisme en France, où les salariés syndiqués ne représentent qu'une infime minorité des salariés. La raison ne vient pas d'une inadéquation des modes de représentativité des syndicats. Elle ne s'améliorera pas si les SUD ou l'UNSA devenaient représentatifs. Cette faiblesse de la syndicalisation s'explique aussi par une architecture du droit dans les entreprises différentes de nos collègues européens. Il n'existe aucune obligation en France d'embaucher des salariés appartenant à tel ou tel syndicat (hors secteur de l'imprimerie), alors que c'est la situation qui prévaut en Angleterre et aux Etats-Unis.
5. L'adhésion à un syndicat en France est avant tout un choix privé et éthique. Ce n'est pas seulement (ou uniquement) une mesure préventive de protection en cas de difficultés personnelles. C'est avant tout un choix individuel (et parfois familial) d'appartenir à une communauté de valeurs, et d'avoir la possibilité d'influer sur la situation de l'entreprise où l'on travaille.
6. Enfin, je ne pense pas que les syndicats de salariés et le patronat aient la moindre légitimité à pouvoir influer sur la loi au travers du dialogue social (j'en ai déjà traité), même en réformant la représentativité de ces syndicats en l'asseyant sur des élections professionnelles régulières. Ou sinon, comme je l'ai déjà dit, il faudrait étendre cette même possibilité de faire la loi à toutes les organisations supposées représentatives dans un domaine particulier, ainsi dans le domaine du logement aux associations de locataires et de propriétaires, dans la santé aux associations de médecins et ainsi de suite ... Une telle situation reviendrait à vider le parlement de l'ensemble de prérogatives qui seraient alors dévolues à un ensemble de corps constitués à la légitimité contestable, revenant en quelque sorte à la situation de l'Ancien Régime.
Réflexion une (29 novembre 2006)
Un état des lieux des arguments sur la représentativité des syndicats

A l'heure où le Conseil économique et social (CES) et les partis politiques de droite ou de gauche réfléchissent à la place à accorder aux syndicats et à leur représentativité, il me paraît opportun de m'interroger sur les conséquences d'une éventuelle réforme et sur les raisons qui peuvent pousser à cette réforme.
Le CES réfléchit ainsi à la possibilité d'asseoir la légitimité du dialogue social sur une représentativité accrue des partenaires sociaux, et il doit rendre un avis au premier ministre, avant la fin novembre 2006. Pour cela, le CES préconiserait d'asseoir la représentativité des syndicats sur un vote de l'ensemble des salariés, par le biais d'élections professionnelles généralisées (cf. un article du Monde du 27 novembre 2006 intitulé 'Le CES veut asseoir la représentativité syndicale sur le vote des salariés' )
Cette réforme vise précisément à remettre en cause le mode de détermination de la représentativité des syndicats tel qu'il existe aujourd'hui, reposant notamment sur un arrêté du 31 mars 1966, qui fixe le caractère irréfragable (qui ne peut être ni contesté ni remis en cause d'aucune façon) de la présomption de représentativité dont bénéficient cinq organisations syndicales (CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC). Les autres organisations syndicales telles que notamment la FSU, l'UNSA et les Solidaires (Sud, G10) doivent prouver à chaque fois leur représentativité au sein de chaque entreprise où elles veulent pouvoir être représentée.
Cette présomption irréfragable de représentativité dont bénéficient cinq organisations syndicales trouve en fait son origine dans la reconnaissance de leur comportement au dessus de tout soupçon au cours de l'occupation allemande de la France au cours de la guerre de 1940-45. Les autres organisations syndicales n'en bénéficient pas parce qu'elles ont été créées après la parution de l'arrêté de 1966 (la CFDT provient cependant d'une scission de la CFTC postérieure à la seconde guerre mondiale, mais antérieure à la parution de l'arrêté). Il est clair que soixante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, il peut paraître bizarre d'asseoir la légitimité d'organisations syndicales sur des faits aussi anciens.
Les organisations syndicales sont membres du CES et prennent part au vote, de même que les organisations patronales. Elles n'ont pas toutes la même position sur ce projet de réforme. En effet, le débat n'a ni la même pertinence ni les mêmes conséquences pour toutes les organisations syndicales. Les plus puissantes des cinq vieilles organisations syndicales (CFDT et CGT) ne sont pas opposés à une telle réforme, qui leur reconnaîtrait un poids accru dans la signature d'accords dans les entreprises. En effet, jusqu'à la mise en place du droit d'opposition majoritaire (auquel certains voudraient substituer la notion d'accords majoritaires), tout accord signé par une des cinq organisations syndicales, même ultra-minoritaire, ne pouvait être remis en cause, même en justice. Les organisations syndicales ne bénéficiant pas de la présomption irrfragable de représentativité (notamment FSU, UNSA et Solidaires) y sont évidemment aussi favorables. Seules les deux autres vieilles organisations syndicales (CFTC, CGT-FO) en perte de vitesse en terme de nombre d'adhérents et en terme de représentativité dans les entreprises y sont farouchement opposés, car il est à craindre qu'elles respectent difficilement les seuils de représentativité qui pourraient être fixés.
L'UMP a aussi des vélléités de réformer le mode de détermination de la représentativité des organisations syndicales. L'idée apparemment développée par ce parti politique (selon les interventions de Dominique Paillé) serait de supprimer le monopole de présentation de listes de candidats au premier tour des organisations professionnelles dans les entreprises, en instaurant une 'liberté totale de candidature au premier tour des élections professionnelles' (comité d'entreprise et délégués du personnel notamment).
Quels sont les principaux risques de telles réformes ?
La proposition de l'UMP risque d'abord d'affaiblir les instances représentatives du personnel (comité d'entreprise et délégués du personnel) dans les entreprises en faisant apparaître des élus isolés, non présentés sur une liste syndicale, et plus sensibles à d'éventuelles pressions de la part des directions des entreprises. Cette proposition se comprend aussi par un souci de libéraliser la représentativité des organisations syndicales, et mettre fin au monopole dont bénéficient les cinq vieilles organisations syndicales. Les libéraux n'apprécient en effet guère les monopoles.
Concernant la proposition du CES, à laquelle adhèrent la CFDT et la CGT, elle dépassera malgré tout la présentation de listes de candidats au premier tour ou la signature d'accords collectifs. Elle concernera aussi notamment le droit de désignation de représentants syndicaux dans les entreprises. Et c'est là que se trouve le principal risque de cette réforme : la généralisation de la contestation de la légitimité des représentants syndicaux dans les entreprises privées. Actuellement, la désignation d'un délégué syndical par une des cinq vieilles organisations syndicales bénéficiant de cette présomption irréfragable de représentativité ne peut être contestée par les dirigeants d'entreprises. Mais il n'est pas rare que ces nouveaux représentants syndicaux fassent l'objet de sanctions disciplinaires dès leur nomination (qui peuvent aller jusqu'au licenciement) visant à les éliminer de l'entreprise. Cette réforme risque, me semble-t-il, d'accroître les possibilités de contestation de leur désignation, plutôt que d'améliorer la situation des syndicats, créant une insécurité juridique plus importante qu'aujourd'hui.
En somme, dans l'espoir d'améliorer la situation de quelques organisations syndicales telles l'UNSA ou Solidaires, est-il nécessaire de mettre en péril la grande majorité des représentations syndicales dans les entreprises privées ?
Mais il apparaîtra peut-être surprenant à certains que le patronat, et notamment le MEDEF, soit apposé à une partie de cette réforme, alors qu'il pourrait avoir tout à y gagner. Mais le patronat, notamment dans les grandes entreprises, largement représenté au MEDEF, voit d'un mauvais oeil la possibilité d'une représentativité de droit accordée à des syndicats tels l'UNSA ou les Solidaires ou SUD. Dans la majeure partie des entreprises où de tels syndicats essayent de s'implanter, les dirigeants attaquent en justice la désignation de représentants syndicaux de cette mouvance et ils l'emportent souvent. Par opposition aux syndicats réformistes (CFDT, CFTC, CGE-CGC) ou d'opposition (CGT et CGT-FO), l'UNSA et plus encore les SUD sont souvent des syndicats de confrontation avec les employeurs. Au final, la seule chose qui intéresse le MEDEF et les autres organisations patronales, c'est la disparition du caractère irréfragable de la représentativité des organisations syndicales.
Et puis, il y a pire comme critère de représentativité que le caractère de résistance et de non-collaborationnisme de ces syndicats au cours de la dernière guerre mondiale, au cours de la dernière invasion du territoire national par un état ennemi, totalitariste.
Le danger est bien le fait que pour satisfaire certains intérêts individualistes (UNSA, Solidaires, UPA ...) ou pour obtenir certaines évolutions du droit des accords collectifs (CFDT, CGT), on puisse en venir à mettre en danger le fragile équilibre du syndicalisme en France, où les salariés syndiqués ne représentent qu'une infime minorité des salariés. La raison ne vient pas d'une inadéquation des modes de représentativité des syndicats. Elle ne s'améliorera pas si les SUD ou l'UNSA devenaient représentatifs. Cette faiblesse de la syndicalisation s'explique aussi par une architecture du droit dans les entreprises différentes de nos collègues européens. Il n'existe aucune obligation en France d'embaucher des salariés appartenant à tel ou tel syndicat (hors secteur de l'imprimerie), alors que c'est la situation qui prévaut en Angleterre et aux Etats-Unis.
L'adhésion à un syndicat en France est avant tout un choix privé et éthique. Ce n'est pas seulement (ou uniquement) une mesure préventive de protection en cas de difficultés personnelles. C'est avant tout un choix individuel (et parfois familial) d'appartenir à une communauté de valeurs, et d'avoir la possibilité d'influer sur la situation de l'entreprise où l'on travaille.
Il y a un dernier argument qui, me semble-t-il, milite contre un tel projet de réforme. Je ne pense pas que les syndicats de salariés et le patronat aient la moindre légitimité à pouvoir influer sur la loi au travers du dialogue social (j'en ai déjà traité), même en réformant la représentativité de ces syndicats en l'asseyant sur des élections professionnelles régulières. Ou sinon, comme je l'ai déjà dit, il faudrait étendre cette même possibilité de faire la loi à toutes les organisations supposées représentatives dans un domaine particulier, ainsi dans le domaine du logement aux associations de locataires et de propriétaires, dans la santé aux associations de médecins et ainsi de suite ... Une telle situation reviendrait à vider le parlement de l'ensemble de prérogatives qui seraient alors dévolues à un ensemble de corps constitués à la légitimité contestable, revenant en quelque sorte à la situation de l'Ancien Régime.
(sources :
1. http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-839070,0.html
2. http://www.challenges.fr/business/art_80678.html)
Saucratès


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