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Un Gatsby qui en jette

Publié le 31 mai 2013 par Jlk

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Dans une version baroque et kitschissime, Baz Luhrmann se montre moins infidèle à la lettre qu'on aurait pu le craindre...

L'adaptation cinématographique des grands textes littéraires est souvent décevante, et c'est un peu à reculons que nous allions assister ce soir à la projection de Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann, mais une chronique de Sorj Chalandon, dans Le canard enchaîné, m'avait incliné à une curiosité qu'auraient pu décourager divers autres jugements très négatifs. Excès de paillettes et d'effets spéciaux, avais-je entendu dire, blockbuster hollywoodien tape-à-l'oeil noyant le récit au dam de tout romantisme. Bref à peu près ce que je déteste à l'ordinaire.

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Or curieusement, c'est justement le summum de l'artifice qui m'a intéressé dans cette version frisant parfois le surréalisme dans le kitsch visuel, comparable au parti pris esthétique hyper-kitsch du Querelle de Jean Genet adapté par Rainer Werner Fassbinder, autre exemple d'une transposition paradoxalement très proche du texte en dépit de sa féerie plastique. Car les mots du texte de Fitzgerald traversent le film de part en part, sous la plume de Nick Carraway le narrateur. 

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Je comprends, cela va sans dire, la frustration de ceux qui s'attendaient à une adaptation plus "classique" du Great Gatsby, tant par le décor que par l'atmosphère de l'époque. En l'occurrence, cependant le "décor" numérique de New York et des châteaux, évoquant plus le Las Vegas d'un cocaïnomane que les demeures patriciennes de la côte Est, touche au rêve éveillé par sa grandiose folie autant que par l'hyperréalisme de BD des scènes misérabilistes, constituant une sorte d'objet en soi et ressortissant plus à la manipulations d'images virtuelles qu'au cinéma ordinaire, dans lequel s'inscrivent les protagonistes.

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Cela étant, les personnages du drame sont bien là, physiquement présents et "dégageant" leur aura particulière, autant en ce qui concerne Jay Gatsby campé par le magistral Leonardo di Caprio, que l'adorable Daisy en son double rôle (Carey Mulligan) et le "narrateur" Nick Carraway (Tobey Maguire) dont la présence décentrée de témoin est bien rendue par un jeu distancié non dénué d'attention amicale.

Bref, la partie psychologique du drame reste assez bien cadrée dans les scènes de retrouvailles de Gatsby et Daisy, ou dans la confrontation des deux rivaux, et la fin du film, par-delà les assommantes cascades de voitures et autres zooms calamiteux sur Manhattan ou les étoiles filantes, rejoint le livre de Fitzgerald en douceur, non sans un filet d'émotion, par la seule vertu des mots. Après cela,on oubliera vite le film pour revenir au livre... 


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