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1er juillet 1876 | Mort de Mikhaïl Bakounine

Publié le 01 juillet 2013 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


Portrait-Of-Mikhail-Alexandrovich-Bakunin-
Source Le 1er juillet 1876 meurt à Berne, en Suisse, Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine. EXTRAIT D’ESPACE ET LABYRINTHES DE VASSILI GOLOVANOV Le 1er juillet 1876, Bakounine meurt. L’homme-légende qui, au moins dans les têtes russes, restera toujours le plus grand des rebelles, l’anarchiste numéro I quitte la vie. Il y a beaucoup d’étrangeté dans tout cela : véritablement anarchiste, professant une doctrine cohérente, c’est ce que fut Bakounine les neuf dernières années de sa vie. Parler de sa « vision du monde » avant est un non-sens, tant il s’est agi d’aspirations, de dessins et d’idées contradictoires. En revanche, il a toujours été un rebelle, avant et en dehors de toute adhésion. Spontanément. Organiquement. Les barricades et les insurgés suscitaient en lui une authentique émotion spirituelle, une « ivresse » véritable, il fonçait toujours aveuglément et, fatalement, il était incapable de se soumettre à la volonté d’autrui, c’était un réel génie de la destruction. La conversation qui avait eu lieu, en 1843, entre Bakounine et son ami le musicien A. Reichel est éloquente : à ce dernier qui lui demandait ce qu’il comptait faire, une fois tous ses plans réformateurs réalisés, Bakounine répondit : « Je les renverserai tous. »
Un homme témoigne de ce qu’il est par sa vie entière, pas seulement par les dernières années de vieillesse solitaire, les livres ou les mémoires de ses contemporains, dans lesquels son image se démultiplie, comme dans un jeu de miroirs. Dostoïevski n’a pas résolu l’énigme Bakounine (il ne s’était pas assigné cette tâche). Nos perceptions de la réalité ont trop changé. Désormais, avec la distance des années, nous ne sommes plus en mesure de découvrir qui était ce « politicard de comptoir », comme le considérait Marx, ou ce géant, ce titan, tel que le voyaient E. Malatesta, E. Reclus, M. Sajine et C. Cafiero. Certes, ce « tombé de tout, tombé de rien », comme l’était Mikhaïl Bakounine, pouvait inspirer dans le mouvement révolutionnaire autant d’amour que de haine. En Russie, Bakounine était perçu d’une tout autre façon qu’en Europe : plus tard, tous les premiers révolutionnaires russes authentiques, même aussi différents les uns des autres que S. Petrovskaya, A. Jelabov, P. Kropotkine et G. Plekhanov, ont été bakounistes. Son image était quasi mythique. O. Aptekman, parlant de Bakounine, écrit :

C’est le géant Sviatogor moderne, si lourd que la terre russe ne peut le porter. Sa nature fougueuse, son caractère volontaire, le discours passionné de Bakounine produisaient un effet imparable. C’était un révolutionnaire par tempérament, il agissait avant tout sur les sentiments des jeunes, « révolutionnait » leur état d’esprit, éveillait leur volonté […]

[…] Bakounine, c’est la croisée des chemins de la vie russe, selon A. Blok. Si je pouvais, je ferai remonter le temps jusqu’à ce carrefour, et j’emprunterais un autre chemin. La philosophie des jardins m’est plus proche que la rage bakouninienne, mais si Mikhaïl Bakounine parvient un jour à s’évader de son passé, ce ne sera que grâce au mot liberté, la marque de feu qu’il porte à son front. Tout le reste s’oubliera. Mais, dans ce futur dont nous ne connaissions pas le nom, elle restera. Car un futur sans liberté est inconcevable.


Vassili Golovanov, Espace et labyrinthes, Éditions Verdier, Collection « Slovo », 2012, pp. 145-146-149. Traduit du russe par Hélène Châtelain.


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