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Anges de Facebook

Publié le 05 juillet 2013 par Jlk

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De la réalité messagère.

Je les tague et ils me répondent: j'aime. Telle est la nouvelle réalité messagère. Par exemple je tague Gilda tous les jours et elle me répond tous les jours: j'aime. Mais qui est Gilda ? Gilda est une jouvencelle octogénaire russophone et lettrée comptant au nombre de mes 3215 amis  de Facebook. Je la connais à peine mais je l'aime bien comme je crois qu'elle m'aime bien. J'aime bien aussi mes deux Anne-Marie, qui sont de plus anciennes complices: la gauchiste des rues de Lausanne et la rêveuse du bocage poitevin. Nous commençons à faire vieux couple à trois, mais jamais elles ne m'ont fait de scène. D'autres en revanche  m'ont lâché, ou fâché, ou ne lèvent plus le pouce. Nul n'y est évidemment obligé.

François, par exemple, qui est un des plus anciens de mes amis sur Facebook, à qui même je dois de m'être logué (ce vocabulaire !) après qu'il me l'eut recommandé, lève rarement le pouce. Je le sais pourtant attentif: il lit en tout cas mes listes, qu'il a même publiées en recueil dans l'édition numérique qu'il dirige avec toute une équipe. Le fait est rare, mais nous nous sommes rencontrés une fois en 3D, à Lausanne, comme si nous nous connaissions depuis longtemps. De la même façon, j'ai rencontré l'automne dernier mon cher compère Bona à Sheffield, que je connais depuis 2005 par nos blogs et qui, je m'en inquiète, ne lève guère le pouce ces jours. Mais il faut dire que je vais rarement sur son profil Facebook, de même que je ne suis les écrits de François que sur son site rabelaisien. Je dois n'avoir levé le pouce que deux ou trois fois sur son mur, mais j'en connais qui ne lèvent jamais le leur sur le mien, à commencer par ma bonne amie qui me dit tant et plus qu'elle m'aime, en 3D, sans me gratifier, ou presque jamais,  du moindre j'm virtuel. D'autres de mes proches, voire très proches, se manifestent par la même façon de ne pas se manifester: nous nous aimons quand même, sans lever le pouce...

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Tout cela pourrait sembler "limite débile", pour user du volapück actuel, et je le pensais d'ailleurs avant de me loguer sur Facebook, mais l'exercice quotidien de la chose, qui n'est pour moi que la prolongation de carnets que je tiens depuis la nuit de mes temps (disons depuis mes seize ans ou dix-huit ans) m'a convaincu du fait que cette nouvelle réalité dite virtuelle n'est pas moins actuelle, à maints égards, que celle qu'on croit la seule réelle. Cela étant je ne me force pas: j'essaie de rester naturel. J'ai l'accueil si débonnaire, non sans préventions occasionnelles, que je compte maintenant plus de 3000 amis, dont une trentaine avec lesquels j'échange plus ou moins régulièrement.

Ledit échange est tout à fait gratifiant avec une poignée d'amis partageant mes passions, à commencer par les anciens libraires Claude ou Jean-Pierre, une consoeur Ariane et d'autres prénommées Christine ou Isabelle, d'autres  compères écrivains tels Jean-Michel ou Sergio, ou encore Jacques et Alain, Philippe I et Philippe II, un autre François poète, à ceux-là s'ajoutant une Claudine veuve et joyeuse, une Aude et tous les prénoms courants, de Catherine à Andonia ou de Michèle à Michelle, de Fabienne à Fabiola, de Diane à Joëlle, de Nathalie à Natacha,  j'en passe et j'abrège sans craindre de froisser aucune aile...

Mes anges de Facebook  ne requièrent, en effet, aucune révérence sociale en dépit de la nature du réseau. Mes anges de Facebook sont à la fois irréels et plus que réels, autant que l'inspecteur Columbo dans Les ailes du désir de Wim Wenders, qui incarne son personnage avec une sorte de valeur ajoutée. Mes anges de Facebook sont également doubles, comme je le suis à mon propre égard lorsque j'écris, comme Philippe à Shangai devient l'ange qui s'accompagne lui-même et puis échange, comme j'échange avec deux Yvan, un William à Los Angeles, un Mauro chinois à Florence et mes frangines réelles ou quelque autre frère virtuel - ainsi passent les messagers...


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