Magazine Humeur

Commentaire sur un livre : Veritatis Splendor

Publié le 25 juillet 2013 par Numero712 @No_712

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L’ENSEIGNEMENT MORAL DE L’ÉGLISE

Ce billet vient compléter ce que j’avais pu dire sur le sujet de la morale et de la cilpabilité suite à la lecture du billet d’Isabelle de Gaulmyn « Génération catholique spontanée » en écrivant le billet « Parallaxe de la morale Catholique« . Mais la lecture de cette encyclique m’a semblé un élément d’un intérêt capital pour réfléchir sur ces sujets. En effet cette encyclique aborde les origines de la question morale dans la conscience humaine et en quoi l’Église catholique, servante du Seigneur, se considère légitime pour aider l’humanité à discerner ce qui relève du Bien et du Mal.

Le titre de l’encyclique, qui comme habituellement reprend les premiers mots du texte de celle-ci, est « la Splendeur de la Vérité ». Cela semble curieux de mettre ainsi en avant la vérité alors que l’objet du texte est de parler de l’enseignement moral de l’Église. C’est parce que « les hommes […] se sanctifient par l’obéissance à la vérité » (n°1).

Dès le début du texte, Jean-Paul II nous indique :

Cette obéissance n’est pas toujours facile. A la suite du mystérieux péché originel, commis à l’instigation de Satan, « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), l’homme est tenté en permanence de détourner son regard du Dieu vivant et vrai pour le porter vers les idoles (cf. Th 1, 9), échangeant « la vérité de Dieu contre le mensonge » (Rm 1, 25) ; même la capacité de connaître la vérité se trouve alors obscurcie et sa volonté de s’y soumettre, affaiblie. Et ainsi, en s’abandonnant au relativisme et au scepticisme (cf. Jn 18, 38), l’homme recherche une liberté illusoire en dehors de la vérité elle-même. (n°1).

Le texte détaille alors les liens qu’il y a entre la vérité et la morale, comme la recherche de ce qui correspond le plus pleinement à notre nature.

Je vais passer outre un résumé détaillé de cette encyclique ; je laisse le lecteur intéressé lire ce texte qui est en accès libre sur le site du Vatican (lien). Je vous propose simplement de citer deux paragraphes qui m’ont particulièrement touchés et vous de les donner à votre méditation.

Premier extrait

La doctrine de l’Église et, en particulier, sa fermeté à défendre la validité universelle et permanente des préceptes qui interdisent les actes intrinsèquement mauvais est maintes fois comprise comme le signe d’une intolérable intransigeance, surtout dans les situations extrêmement complexes et conflictuelles de la vie morale de l’homme et de la société aujourd’hui, intransigeance qui contrasterait avec le caractère maternel de l’Église. Cette dernière, dit-on, manque de compréhension et de compassion. Mais, en réalité, le caractère maternel de l’Église ne peut jamais être séparé de la mission d’enseignement qu’elle doit toujours remplir en Épouse fidèle du Christ qui est la Vérité en personne : « Éducatrice, elle ne se lasse pas de proclamer la norme morale… L’Eglise n’est ni l’auteur ni l’arbitre d’une telle norme. Par obéissance à la Vérité qui est le Christ, dont l’image se reflète dans la nature et dans la dignité de la personne humaine, l’Eglise interprète la norme morale et la propose à tous les hommes de bonne volonté, sans en cacher les exigences de radicalisme et de perfection ».

En réalité, la vraie compréhension et la compassion naturelle doivent signifier l’amour de la personne, de son bien véritable et de sa liberté authentique. Et l’on ne peut certes pas vivre un tel amour en dissimulant ou en affaiblissant la vérité morale, mais en la proposant avec son sens profond de rayonnement de la Sagesse éternelle de Dieu, venue à nous dans le Christ, et avec sa portée de service de l’homme, de la croissance de sa liberté et de la recherche de son bonheur.

En même temps, la présentation claire et vigoureuse de la vérité morale ne peut jamais faire abstraction du respect profond et sincère, inspiré par un amour patient et confiant, dont l’homme a toujours besoin au long de son cheminement moral rendu souvent pénible par des difficultés, des faiblesses et des situations douloureuses. L’Église, qui ne peut jamais renoncer au principe « de la vérité et de la cohérence, en vertu duquel n’accepte pas d’appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien », doit toujours être attentive à ne pas briser le roseau froissé et à ne pas éteindre la mèche qui fume encore (cf. Is 42, 3). Paul VI a écrit : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l’exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17), il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes ». (n°95)

Ce premier extrait met en évidence un point parfois délicat, celui de parler du Bien et du Mal sans pour autant condamner nos frères et nos sœurs. Ne pas « appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien » tout en ouvrant toujours les bras vers les personnes. Un accompagnement toujours pour nous faire découvrir à quel point Dieu nous aime et à quel point il veut notre bien.

Notre société n’aime pas cela ; nombreux sont ceux qui préfèrent, aujourd’hui, réduire une personne à ses actes. Pouvoir condamner et non apporter un regard qui fasse grandir comme savent le faire des parents avec leurs enfants. Leur apprendre les bons gestes, les bonnes habitudes pour grandir. Combien de fois des parents répéteront à leurs enfant d’aller se laver les dents ? Et pourtant, même quand leurs enfants oublient, ils restent leurs enfants et ils sont toujours aimés. Et pourtant les parents peuvent leur dire qu’il est bien de se laver les dents. Pour protéger leur dentition lorsqu’ils seront grands (intérêt individuel) et éviter des dépenses pour l’assurance maladie (intérêt collectif). Cet exemple montre bien que l’apprentissage d’une notion de bien et de mal n’est pas incompatible d’une relation d’amour.

Second extrait

Dieu seul, le Bien suprême, constitue la base inaltérable et la condition irremplaçable de la moralité, donc des commandements, et particulièrement des commandements négatifs qui interdisent toujours et dans tous les cas les comportements et les actes incompatibles avec la dignité personnelle de tout homme. Ainsi le Bien suprême et le bien moral se rejoignent dans la vérité, la vérité de Dieu Créateur et Rédempteur et la vérité de l’homme créé et racheté par Lui. Ce n’est que sur cette vérité qu’il est possible de construire une société renouvelée et de résoudre les problèmes complexes et difficiles qui l’ébranlent, le premier d’entre eux consistant à surmonter les formes les plus diverses de totalitarisme pour ouvrir la voie à l’authentique liberté de la personne. « Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres… Il faut donc situer la racine du totalitarisme moderne dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et, précisément pour cela, de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer, ni l’individu, ni le groupe, ni la classe, ni la nation, ni l’Etat. La majorité d’un corps social ne peut pas non plus le faire, en se dressant contre la minorité pour la marginaliser, l’opprimer, l’exploiter, ou pour tenter de l’anéantir ».

C’est pourquoi le lien inséparable entre la vérité et la liberté — qui reflète le lien essentiel entre la sagesse et la volonté de Dieu — possède une signification extrêmement importante pour la vie des personnes dans le cadre socio-économique et socio-politique, comme cela ressort de la doctrine sociale de l’Église — laquelle « entre dans le domaine… de la théologie et particulièrement de la théologie morale » — et de sa présentation des commandements qui règlent la vie sociale, économique et politique, en ce qui concerne non seulement les attitudes générales, mais aussi les comportements et les actes concrets précis et déterminés. (n°99)

[… ] Dans de nombreux pays, après la chute des idéologies qui liaient la politique à une conception totalitaire du monde — la première d’entre elles étant le marxisme —, un risque non moins grave apparaît aujourd’hui à cause de la négation des droits fondamentaux de la personne humaine et à cause de l’absorption dans le cadre politique de l’aspiration religieuse qui réside dans le cœur de tout être humain : c’est le risque de l’alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l’acceptation de la vérité. En effet, « s’il n’existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l’action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire ».

Dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale, sociale et politique, la morale — qui est fondée sur la vérité et qui, dans la vérité, s’ouvre à la liberté authentique — rend donc un service original, irremplaçable et de très haute valeur, non seulement à la personne pour son progrès dans le bien, mais aussi à la société pour son véritable développement. (n°101)

J’ai choisi ce second extrait car il illustre la nécessité épistémologique d’une vision métaphysique pour l’édification de règles morales en général et pour l’édification de règles permettant de régir le vivre ensemble en particulier.

Ces deux paragraphes (n°99 et 101) montrent à mon sens le risque corollaire à la libre détermination contingente à l’exercice démocratique des règles morales.

Après ce constat qui a permis de mettre en évidence les fragilités de certaines structures politiques, il reste à proposer un mode d’exercice du pouvoir qui soit capable de servir le bien de l’homme. Je n’oublie pas que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».  Le pape ne nous propose ni constitution ni outil pour vivre l’exercice du pouvoir dans une démocratie. Il nous appelle à la vigilance, à réveiller nos consciences pour savoir écouter dans notre cœur ce que l’Esprit nous donne à voir comme Bien et comme Mal, pour fonder notre action au quotidien. Enjeu de discernement donc. D’où le soucis de la recherche de la Vérité qui pourra nous indiquer que nous sommes en cohérence avec le projet d’amour que Dieu veut pour chacun d’entre nous.

Enfin, pour conclure cette encyclique, Jean-Paul II nous rappelle la présence à nos côtés de Marie, Mère de Miséricorde. En effet, Marie est la mère de Jésus qui est venu « non pour condamner, mais pour pardonner, pour faire usage de la miséricorde (cf. Mt 9, 13). Et la plus grande miséricorde, c’est, pour lui, d’être au milieu de nous et de nous adresser son appel à venir à Lui et à Le reconnaître, en union avec Pierre, comme ‘le Fils du Dieu vivant’ (Mt 16, 16). Il n’est aucun péché de l’homme qui puisse annuler la Miséricorde de Dieu, l’empêcher d’exercer toute sa puissance victorieuse aussitôt que nous y avons recours. Au contraire, la faute elle-même fait resplendir encore davantage l’amour du Père qui, pour racheter l’esclave, a sacrifié son Fils 181 : sa miséricorde envers nous, c’est la Rédemption. Cette miséricorde atteint sa plénitude par le don de l’Esprit, qui engendre la vie nouvelle et l’appelle. » (n°118)

Cela m’évoque un enfant qui tombe et qui se fait mal. Quelle douceur il y a alors à avoir un câlin de sa mère pour le réconforter, combien plus doux est ce moment de tendresse donné par la mère que n’a été douloureux le choc de la chute. Et pourtant, aucun enfant ne se fait mal exprès (je ne dis pas pour ceux qui fond semblant de se faire mal) pour être consolé ; on ne recherche pas la chute pour le réconfort d’être soigné par sa mère. De même on ne recherche pas le péché pour la joie de la réconciliation. A chaque fois que l’on s’éloigne de l’amour de Dieu et des hommes, cela est une blessure dans notre cœur ; la miséricorde divine nous invite sans cesse à revenir vers le Christ, Vérité et Lumière véritable qui seul peut guider nos pas vers un amour absolu et intégral.

Reliure : Broché
Page : 186 p
Format : 21 x 11 cm
Poids : 189.00 g
ISBN : 2-7403-0147-2
EAN13 : 9782740301470


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