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Dhanush balaye les stéréotypes de Bollywood

Publié le 22 juillet 2013 par Dopalruka @DoPalRuka
Après être devenu en huit ans l'un des comédiens les plus populaires de Kollywood, l'industrie du cinéma du Tamil Nadu, l'acteur et chanteur Dhanush vient de faire une entrée fracassante à Bollywood. Une barrière entre nord et sud de l'Inde que peu d'acteurs ont jusque-là réussi à franchir.
Dhanush balaye les stéréotypes de Bollywood
L'année dernière, il a fait danser et chanter tout le pays avec son entêtante chanson « Why this Kolaveri Di ». Aujourd'hui, « Rhanjhaanna », son premier film à Bollywood est un véritable « hit » national. Pourtant, Dhanush n’a rien d’un Shah Rukh Khan ou d’un Salman Khan, rien de ces superstars de Bombay qui électrisent d’ordinaire les foules indiennes.
Il bouscule tous les stéréotypes de Bollywood :
  • Nord VS Sud. A l'inverse des superstars de Bollywood, purs produits du nord de l'Inde, Dhanush est un acteur du sud, originaire de Chennai. Il est avant tout devenu célèbre à Kollywood, l'industrie du cinéma du Tamil Nadu. Or beaucoup d'observateurs sont sceptiques quant à la carrière d'une star du sud dans le reste de l'Inde. Pour preuve, Priya Gupta et Sunayana Suresh dressent dans leTimes of India une liste de toutes les « tentatives infructueuses » des héros de films tamouls, telugu (Andhra Pradesh) ou malayalam (Kerala) pour percer dans les studios de Bombay. «Dhanush changera t-il les choses pour les acteurs du sud à Bollywood ? » s'interrogent-ils. Même si des actrices tamoules comme Hema Mailini ou Sridevi ont su conquérir le public en dehors de leur région, leurs homologues masculins, même très populaires à Chennai, ne font jamais long feu dans les salles obscures du reste du pays.
  • La peau claire, une obsession. Dhanush n’a pas la peau claire, critère ultime de beauté à Bollywood comme dans la société indienne. La couleur de peau joue sur les chances de succès à la scène, tout comme sur les opportunités de faire un bon mariage à la ville. Freida Pinto, l'actrice principale du film Slumdog Millionnaire l'avait déploré en 2011 dans une interview à The Independant« Les gens en Inde sont si fascinés par la peau blanche (...). Certains acteurs disent que plus vous êtes pâle, plus vous aurez de succès. La dose de crème sur leur visage est ridicule ». Une fascination qui tourne à l'obsession. La peau n'est jamais assez claire et s'éclaircit miraculeusement au cours d'une carrière, de films en campagnes publicitaires. A leurs débuts, le teint un peu plus hâlé de Kajol, Priyanka Chopra ou encore Deepika Padukone était pointé du doigt, presque comme une faute de goût.
  • L'hindi, langue officielle. Dhanush parle le tamoul. Il s'est mis à l'hindi, langue de Bollywood, pour tourner le film « Rhanjhaanna » aux côtés de Sonam Kapoor mais garde un accent du sud. Pour certains observateurs, il ne fait pas illusion. Néanmoins, maîtriser la langue et la prononciation ne suffit pas. Même l'acteur R. Madhanvan, né dans une famille tamoule mais parlant couramment l’hindi en plus de six autres langues, est encore relégué aux seconds rôles dans les films made in Bombay.

Dhanush balaye les stéréotypes de Bollywood

Dhanush à l'affiche de Rhanjhaana avec Sonam Kapoor


  • Le culte du corps. Dhanush fait figure de maigrelet à côté des gros bras de Bollywood comme Salman Khan ou Hrithik Roshan. Et dans un pays où les pauvres se comptent par millions, la minceur n’attire pas. Au contraire, l’embonpoint est synonyme de bonne santé, d’abondance... et de richesse. Et dans les films de Bollywood, un héros digne de ce nom doit se battre, danser et courtiser en jouant de ses muscles.
  • Extra ou ordinaire. Pour beaucoup d'observateurs, Dhanush n'a physiquement rien d'extraordinaire. Un homme « normal », celui que l'on peut croiser tous les jours dans la rue. Trop « banal » pour Bollywood. « Pourquoi les gens paieraient pour aller voir quelqu’un qui ressemble à un jamadar [ici, un serviteur] courtiser une fille dans un film commercial? Il y a des acteurs à la peau sombre à Bollywood, mais ce gars ressemble juste à un domestique », attaque un internaute sur le site de divertissement PinkVilla. Dans un article intitulé « Dhanush pourra t-il devenir célèbre à Bollywood? », un auteur du blog Naachgaana affirme avoir entendu un confrère s'exclamer : « Même les conducteurs de rickshaw de l’Uttar Pradesh sont plus beaux que lui ».
Et si ce dernier « défaut » était aujourd’hui son premier atout? Et s’il tirait son charme du fait que tout le monde a cette agréable impression de le connaître, tout comme le conducteur de rickshaw du coin de la rue, justement. Et si les Indiens voulaient maintenant que cet homme ordinaire prenne le pouvoir, y compris sur les écrans de cinéma?
Dhanush balaye les stéréotypes de Bollywood

Pas de doute, Dhanush ressemble bien plus à l’aam aadmi (homme ordinaire), celui que l’on croise tous les jours dans les rues indiennes, que les Shah Rukh Khan et les Ranbir Kapoor, toujours plus blancs, toujours plus sculpturaux, toujours plus lisses. Mais aujourd’hui, « vous n’avez pas besoin de ressembler à un dieu grec pour être charmeur et attachant, estime Himanshu Sharma, scénariste du film “Tanu Weds Manu” dans une interview à The Hindu. Et combien de ces dieux voyons-nous autour de nous ?» 
Le cinéaste affirme que c’est désormais l’histoire de ces hommes simples qu’il veut raconter et non plus celle des fils de bonne famille. « J’ai besoin d’acteurs qui paraissent extraordinaires en étant ordinaires », affirme t-il. Mais les clichés ont la vie dure. Même en défendant les acteurs comme Dhanush, Himanshu Sharma ne fait que réaffirmer les critères discriminatoires de Bollywood : « Nous avions besoin d’un acteur auquel n’importe quel garçon puisse s’identifier. Il doit même pouvoir ressentir qu’il est plus beau que Dhanush ou Kundan, le personnage qu’il joue ». Le journaliste de The Hindu observe lui aussi que « dans les films hindi, il ne s’agit plus seulement de personnes séduisantes dans des endroits séduisants. » On admet et analyse volontiers que Bollywood change pour désormais accepter ceux qui n’ont pas la chance de ressembler à des dieux vivants. On n'ira pas jusqu’à remettre en cause les canons de beauté et affirmer – quelle idée ! - que Dhanush est beau.

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