Ankeet Chavan, soupçonné de corruption, entouré de ses coéquipiers des Rajasthan Royals
9 mai 2013. Stade de la Punjab Cricket Association, à Chandigarh. Indian Premier League (IPL). Rajasthan Royals contre King’s XI Punjab. Sur le terrain, le Rajasthani Ajit Chandila remue ostensiblement son poignet. Au même moment, alors qu’il va entamer son deuxième over, son coéquipier Shanthakumaran Sreesanth rentre une serviette dans son pantalon et fait quelques exercices d'échauffement. Puis, tout au long de cette manche de six lancers consécutifs, il ne semble pas aussi agressif que d'habitude face au batteur punjabi.
Stress? Fatigue? Irritabilité? La police indienne établit un autre diagnostic. Sreesanth et Chandila joueraient délibérément en-dessous de leurs capacités. Leurs gestes inhabituels seraient des signaux envoyés à leurs complices bookmakers pour qu'ils placent des paris conséquents en faveur de l'adversaire sur cet over. Des soupçons confirmés par une soudaine et étrange performance médiocre de leur coéquipier Ankeet Chavan, le 15 mai contre les Mumbai Indians. Les trois joueurs sont arrêtés dès le 16 mai. Contre 1 crore roupies (environ 141 000 euros), ils auraient ainsi offert des points aux équipes de Mumbai, de Pune et du Punjab.
S. Sreesanth aurait placé une serviette dans son pantalon
pour donner le signal aux bookmakers
Dans le merveilleux monde du cricket, les plus grandes performances sont accueillies par les millions de supporters indiens comme des miracles et les joueurs sont élevés au rang de divinités vivantes. Quand sera t-il si la confrontation tant attendue prend la forme d'un scénario de Bollywood, écrit à l’avance? Si les demi-dieux du cricket s'apparentent aux politiciens véreux, englués dans des scandales de corruption? Dans un sport qui suscite tant de passions - et même de dévotions -, les écarts des joueurs du Rajasthan Royals sont vécus comme des péchés impardonnables. De rage, les supporters n'ont pas hésité à enflammer les effigies de leurs idoles d'hier.
Le portrait de S. Sreesanth brûlé par des supporters en colère(Photo : TOI)
Pour beaucoup de commentateurs, ce sont les sommes d’argent extravagantes qui sont déversées dans le monde du cricket qui favorisent la corruption. L’économie du "sport du gentleman" se développe, mais sans la transparence et les contrôles nécessaires à cette évolution. L’Indian Premier League, créée en 2008, serait un terrain particulièrement propice à ces pratiques. Plus que des moments de communion sportive, les matchs se sont transformés en véritables shows de prime-time. Les joueurs sont devenus de véritables stars, les vedettes de Bollywood se pressent dans les gradins et les poms-poms girls se déhanchent à chaque point gagnant. Alors que les matches de cricket pouvaient s’étaler sur plusieurs jours, ils ne durent lors de ce tournoi que trois ou quatre heures. Parfait pour que des millions de téléspectateurs puissent quotidiennement suivre le spectacle, entrecoupé d’incessantes pages publicitaires. Parfait pour engranger toujours plus de revenus. Et à mesure que l’argent coule à flot, l'avidité des businessmen, des bookmakers et désormais des joueurs semble de plus en plus inextinguible.Mais les scandales qui entachent désormais les maillots de certains joueurs pourraient coûter cher à l'IPL. Entre 2010 et 2012, ses revenus ont chuté de 4.13 milliards à 2.92 milliards de dollars, en partie à cause de ces affaires, qui ont porté durement atteinte à la crédibilité des "gentlemen".