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A Tara, demain est un autre jour

Publié le 22 février 2013 par Dopalruka @DoPalRuka
Dans un quartier du sud de New Delhi, Pascal, un éducateur français, a fondé deux maisons pour accueillir et élever des enfants des rues. Quarante protégés qui peuvent à nouveau rêver d'un futur.

A Tara, demain est un autre jour

Zahid, 9 ans, a rejoint Tara en 2011 (Photo : DR / Tara)


Zahid s’est tracé un avenir. Dans son journal, qui n’a d’intime que le nom, il a noté de sa plus belle écriture : « Je veux devenir une superstar et aider les pauvres ». Le nom de Bill Gates ne lui évoque rien. Pourtant, du haut de ses 9 ans, il projette lui aussi de donner la moitié de sa fortune aux plus démunis. Dans un anglais à faire pâlir d’envie un étudiant français, il expose son plan avec détermination : il deviendra acteur et voyagera autour du monde. Difficile d’imaginer qu’il y a à peine deux ans, ce garçon aux yeux rieurs et au sourire éclatant partageait le sort terrible des 18 millions d’enfants des rues indiens*. Selon l’ONG Save the children, à Delhi, plus de la moitié d’entre eux subissent des violences verbales, physiques et sexuelles.  
Un petit miracle qui porte le nom de Tara ("étoile" en hindi). Deux foyers créés par Pascal, un éducateur français, pour accueillir des enfants brisés par la vie. Dans un quartier du sud de New Delhi, la maison des Tara Boys accueille 20 garçons âgés de 6 à 18 ans depuis 2008. A quelques pas de là, Tara Tots a ouvert ses portes à 20 filles et garçons de 5 ans et moins en 2012. 
C’est en 2006 que Pascal prend le virage indien. Son travail auprès d’adolescents délinquants à Paris lui semble vain. Il a le sentiment d’ « arriver trop tard et de ne pas avoir les bons outils ». Lors d’un séjour à New Delhi, il trébuche sur un enfant de 4 ans dans la rue. Une « rencontre » bouleversante qui redonne sens à sa vocation. « Je n’avais jamais vu un tel niveau de vulnérabilité, se souvient-il.. Ce gamin était tout seul, sans aucune protection, tellement sale qu’il se confondait avec le trottoir. Cette vision m’a poursuivie. Je me suis dis que si je devais faire quelque chose pour des gosses, c’était ici ».
Avec l'aide d'associations de femmes, Pascal repère les enfants en danger. Issus de familles très pauvres, ils ont perdu un ou deux parents, se sont enfuis de chez eux ou ont été abandonnés. Ils ont été livrés à eux-mêmes et ont été soumis à une grande violence physique et psychologique. A Tara, ils sont entourés par une équipe de nannies, d'éducateurs et de veilleurs de nuits indiens formés en interne. Ils trouvent enfin des repères. Et oublient peu à peu les réflexes et les postures d'une vie qui ne les a pas épargnés. « Nous avons installé une rangée de matelas plutôt que des lits superposés dans la chambre des Tots pour qu'ils soient plus à l'aise, raconte Annick, co-fondatrice de Tara. Mais ça n'a pas suffi! Les premiers temps, ils retournent s'allonger sur le sol pendant la nuit ». 

A Tara, demain est un autre jour

Depuis février 2012, Tara accueille aussi des filles, âgées de 2 à 5 ans (Photo : DR / Tara)


A Tara, on apprend à se reconstruire... et cela passe d'abord par une solide éducation. « Si j’étais resté chez moi, je serai devenu un bad boy, parce qu’il n’y avait pas de règles à la maison, raconte Kishan, 12 ans. Et on m'aurait sans douté forcé à travailler dans une usine ». Depuis qu’il est arrivé dans la maison des Tara Boys, il a pu rattraper son retard scolaire puis intégrer une des meilleures écoles de Delhi. Après la classe du matin, il enchaîne sur des cours de yoga, de danse ou de français enseignés dans la maison par des volontaires indiens et étrangers. Plus essentiel encore, Kishan a appris le respect, la non-violence, l’honnêteté et la capacité à exprimer ses sentiments. « Tara a un effet stabilisant. Les enfants viennent d’une telle situation de violence que cet endroit où ils sont respectés, cet univers sécurisant est en lui-même thérapeutique », explique Pascal.
Avec 20 enfants par foyer, Tara recrée naturellement un modèle familial. Dans les maisons, on partage tout. Chaque nouvelle arrivée est toute une affaire, chaque départ est un drame. Evoquer le nom de « Pascal Sir » suffit à provoquer un débat animé dans la chambre des boys. Finalement, la tribu s’accorde sur la même formule : « Il veut faire de nous des hommes biens. On sait qu’il n’est pas notre père, mais il est comme notre père ». Pascal tient à ce que les garçons fassent la nuance. Le foyer ne doit pas leur faire oublier leurs familles, quelle que soit leur histoire. Les enfants rencontrent régulièrement leurs proches. A Tara, on ne tire pas un trait sur son passé mais on regarde vers le futur. «  Je voudrais offrir un meilleur avenir à ma famille », confie Rajesh, 11 ans. Son acolyte Mohid, 8 ans, a déjà élaboré un projet ambitieux : « Quand je serai grand, j’emmènerai ma mère en Amérique ».
Pour se donner toutes les chances d'y parvenir, les enfants de Tara suivent un emploi du temps bien rempli, sur le pied de guerre dès 5 ou 6 heures et jusqu'à l'extinction des feux à 21h. Pour Pascal aussi, la journée commence très tôt et s'achève tard, avec un coup de téléphone. Du matin au soir, le grand chef est sur le qui-vive pour régler les grands et petits soucis des boys et des tots dans les deux maisons. « J’ai un niveau de responsabilité gigantesque mais c’est aussi extrêmement gratifiant », assure t-il. Pour faire vivre Tara, il dépend des subventions, de dons privés dont ceux de 60 familles françaises et de l’aide d'associations comme Main Tendue, formée par des expatriés français à Delhi. Pour subvenir aux besoins des enfants, les parrains et marraines de la maison s’engagent à payer des forfaits mensuels aux noms improbables : « Forfait Basmati » pour la nourriture, « Bruce Lee » pour les cours de Tae Kwon Do ou encore « E.T » pour téléphoner à leurs familles. Si Tara Boys et Tara Tots tiennent debout financièrement, Pascal espère bientôt prendre sous son aile des petites filles de 6 ans et plus. Tara Girls pourrait voir le jour dès cette année.
*selon les estimations de oneworld.net

> Pour découvrir le quotidien des enfants de Tara et les soutenir, c'est par ici : leur site Internet (version française)


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