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La lucidité, roman de José Saramago

Publié le 18 septembre 2013 par Pigiconi
La lucidité, roman de José SaramagoC’est en 2006 que paraît, en France, ce savoureux (il faut apprécier toutes les digressions sarcastiques du narrateur) et  génial petit roman de José Saramago, Prix Nobel de littérature, La Lucidité. Communiste, altermondialiste, il se lance ici dans une fable politico-policière. Aux élections municipales, 83% des électeurs de la capitale ont voté blanc. Branle-bas de combat au gouvernement : c’est une injure faite à la démocratie. Tous les moyens sont bons pour y répondre et déjouer les forces subversives et malfaisantes : abandon de la capitale par les membres du gouvernement et leurs administrations ; attentat à la bombe, ourdi par le ministre de l’intérieur qui veut  faire porter la responsabilité des morts à ces rebelles qui insultent la démocratie ; tentative d’infiltration du groupuscule  « anarchiste » soupçonné et, faute de preuve, accusé d’être à l’origine de cette sinistre provocation ; assassinat de sa responsable, parce qu’en la matière, il faut bien des coupables et ça ne peut pas être ceux qui nous gouvernent et nous dirigent. La lucidité, ce sera celle du commissaire envoyé par le ministre pour réunir les éléments (il n’y en aura pas !) de la culpabilité des innocents suspectés, qui démissionnera de sa fonction avant que les forces armées ne donnent l’assaut au repère des « terroristes » de la démocratie. Ce sera aussi celle du peuple de la capitale qui, au bout du compte, alors même que les institutions gouvernementales ont déserté le terrain, battant minablement en retraite, s’organise et parvient à bien vivre ensemble. En tout cas, ce ne sera pas celle du gouvernement et pouvoir en place qui, se dévouant à la cause commune ne cherche pas à comprendre (imaginez les apparitions, sur les écrans télévisés, d’un premier ministre ou président de la république – par respect pour Saramago, ces personnages, du haut de leur fonction, n’ont pas de majuscules – grondant ce peuple inculte et immature qui se laisse aller à la plus vile subversion qu’est le vote blanc).
Allégorie sur la comédie du pouvoir, elle dit bien un peu comment fonctionnent nos institutions : dialoguez, discutez, opposez-vous aussi et contestez telle ou telle décision (d’un air poli, on consentira à vous laisser la parole, mais une fois la chose dite, on n’en tiendra peu compte, pas plus que les arguments développés), mais Nous qui sommes en responsabilité, nous savons ce qui est bon pour vous, pour l’ensemble de la communauté. Et ce que nous montre le peuple de la capitale, c’est qu’il faut sacrément manquer de lucidité pour les croire, Eux, si lucides. En tout cas, face à un système qui ne reconnaît pas le rejet, il y a autant de clairvoyance dans le personnage du commissaire qui s’oppose à son supérieur hiérarchique que dans ce peuple silencieux. 

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