Magazine Humeur

Le nom du concessionnaire

Publié le 08 mai 2008 par Steveproulx

Media_radio Vous vous souvenez peut-être de ce jingle publicitaire:

"Christin, sur Sherbrooke Est, mon concessionnaire GM.

C'est moé le roi dans l'Est, pis j'te fais des prix que t'aimes.

Viens chez Christin! Pour payer moins, viens chez Christin!"

Cette ritournelle promotionnelle est collée dans ma mémoire depuis presque 20 ans. Ineffaçable. Je l'ai attrapée à la radio à l'âge de 12 ou 13 ans.

À l'époque, je travaillais les week-ends au nettoyeur de mon père, sis rue de la Montagne à Valcourt, juste devant la shop de Ski-Doo.

La radio était toujours allumée et l'aiguille bloquée à 96,9 FM, "CKOI, LA PUISSANCE MUSICALE À MONTRÉAL".

Ne me demandez pas qui étaient les animateurs à l'époque, et encore moins ce qu'ils avaient à dire. Ne me demandez pas non plus de me souvenir du titre et de l'interprète du hit de l'été.

Mais demandez-moi de vous réciter le sonal de "Christin, sur Sherbrooke Est" et je m'exécute sans fausse note.

On peut bien déplorer le manque de diversité musicale ou l'insignifiance des animateurs qui sévissent sur les ondes de ces stations, il faut cependant reconnaître une chose: pour imprégner dans la mémoire à long terme le nom d'un concessionnaire automobile, il n'y a pas mieux qu'une radio commerciale.

Or, c'est exactement pour cette fin qu'elles existent. Rien d'autre.

Les stations hyperactives qui promettent plus de hits et plus de fun sont là pour vendre un public à des annonceurs. Un public aussi large que possible, appâté par un contenu aussi bon marché que possible.

Ainsi, depuis longtemps, des comiques qui déconnent entre deux chansons pop et un combo circulation/météo s'avèrent une recette gagnante pour les radios commerciales.

Le CKOI 96,9 FM que j'écoutais lorsque je travaillais au nettoyeur de mon père est à peu près le même que celui que j'ai écouté la semaine dernière pour les besoins de cette chronique.

Après une heure d'écoute, j'avais compté 30 messages publicitaires.

Disons que j'ai compris assez vite que Brault & Martineau paie la TPS et la TVQ pour un temps limité sur ses ensembles de cinéma maison.

La recette fonctionne encore. Mais pour combien de temps?

Avec l'arrivée des radios en ligne, de l'iPod, de la radio satellite, du réseau Galaxie de musique continue, les auditeurs ne sont plus forcés d'encaisser 30 pubs à l'heure pour pouvoir entendre les mêmes quatre chansons diffusées en boucle. Le compromis n'est plus satisfaisant. Beaucoup décrochent.

Résultat: les stations commerciales piquent du nez. À Montréal, la station Énergie 94,3 FM a perdu depuis un an 3,4 points de part de marché (selon BBM). Elle a attiré cet hiver 9,4 % de l'auditoire francophone. Son concurrent, CKOI 96,9 FM, a perdu 1,3 point pendant la même période (7,1 % de part de marché).

Les radios-matantes aussi pâtissent. Rythme FM (12,3 %) a perdu 2,2 points au cours de la dernière année et RockDétente (10,2 %) a baissé de 1,2 point.

En revanche, les radios parlées gagnent du terrain. La Première Chaîne de Radio-Canada est la station la plus écoutée par les francophones à Montréal (14,2 %, une croissance de 2,9 points depuis un an). Vient ensuite le FM parlé 98,5 (12,7 %, +2,3 points depuis un an).

Pour freiner leur recul, les radios commerciales préfèrent demander au CRTC d'abaisser ses quotas de musique francophone, car les chansons françaises "empêcheraient de rejoindre les jeunes". Peut-être.

Mais à mon avis, les problèmes des radios commerciales sont plus lourds qu'une simple question de quotas.

Les nouvelles technologies ont soufflé sur le château de cartes que les radios commerciales ont érigé en modèle d'affaires.

Désormais, pour graver le nom du concessionnaire dans l'esprit du public, les CKOI de ce monde devront faire entendre autre chose. Quelque chose de neuf, de rafraîchissant, d'original, de mieux que ce qui est offert ailleurs (et sans publicités).

Les radios commerciales entrent dans un processus de destruction créatrice. Elles devront se réinventer.

Et le plus tôt sera le mieux.

Texte original paru dans l'hebdomadaire Voir, 24 avril 2008


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