Magazine Journal intime

L'Art du mot juste

Publié le 19 janvier 2014 par Gborjay

Aujourd'hui, las de voir la langue française assidûment défigurée par les apprentis auteurs dont il lui arrive à ses heures perdues de feuilleter la production, Gustave Borjay est prêt à amputer d'une précieuse heure son emploi du temps surchargé afin de vous donner les bases en la matière. Place au Maître.

Tout d'abord, méfiez-vous - exhorte l'Ecrivain - des journaux. La faune journalistique a le petit travers d'avoir été élevée à la mamelle du Lieu Commun Littéraire (LIL dans l'armée), et en conséquence s'affirme comme un vecteur de distribution de mots valises au sens démesurément élargi et du coup démesurément dilué. Souvent ces mots concernent seulement quelques-uns de ce qu'un professeur de français n'hésiterait pas à appeler champs lexicaux. Quelques exemples (à noter que certains mots sont franchement à banir, mais que d'autres nécessitent seulement d'être maniés dans le sens le plus pur) :

♦ champ lexical journalistique standard : standard, focalisé, motivé, basique, culture de quelque chose (la haine, l'entreprise), éclairant, signifiant, etc. ;

 champ lexical professionnel : qualité de vie, pouvoir d'achat, gérer, manager, etc. ;

 champ lexical freudien / psychologie : libido, refoulement, dépression, coincé, empathie, pervers, fantasme, fusionnel, décomplexé, haine, démence, etc. ;

 champ lexical de la lutte contre les discriminations : misogynie, machisme, racisme, intolérance, discrimination, etc. ;

 champ lexical sportif : mental, au forceps, troisième mi-temps, etc.

Libre à vous de compléter. Les deux catégories freudienne et discriminations sont peut-être celles qui créent le plus de dégâts, car sitôt utilisées elles empêchent de pouvoir développer avec finesse la psychologie des personnages.

La règle générale que Gustave Borjay vous donne afin d'éviter cet écueil : dès lors qu'une expression ou qu'un mot vous paraît rebattu ou un brin journalistique, tâchez de trouver votre propre expression, vos propres mots, vous gagnerez en pertinence et en finesse.

Surtout, soyez précis, vérifiez le sens de chacun de vos mots et la justesse de toutes vos métaphores. Un mot qui ne convient pas tout à fait heurte et rompt la fluidité de la phrase, il enlève également à l'oeuvre sa perfection stylistique qui la place au-dessus de la jungle des écrits maladroits.

« Mais focalisons-nous de nouveau sur Sammy. C'était un de ces blacks que tout le monde aurait voulu avoir comme ami. Contrairement à sa mère, perverse dans son délire de toute puissance, il était tolérant. Quant à son père, qui était d'une génération où il était courant d'être misogyne et raciste, il ne le voyait plus. Il en avait assez de cette culture de la haine. Il préférait croquer la vie à pleines dents. »

A défaut d'y arriver, tâchez au moins de créer.

Gustave Borjay vous salue.

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Pourquoi Sammy était-il cuisinier ? Parce qu'il avait toujours
fantasmé sur les variations culinaires autour des têtes de cochon.


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