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Créer c’est résister, résister c’est créer

Publié le 03 février 2014 par Thierry Gil @daubagnealalune

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Je suis un homme de gauche. Je crois qu’il n’existe pas d’autre définition pour désigner celles et ceux qui ne s’accommodent pas d’un système qui a rompu les amarres avec toute notion d’humanité et qui navigue désormais en eaux troubles. Un système qui non seulement concentre les richesses de la planète entre les mains d’une infime minorité de la population mondiale mais qui, de surcroit, menace chaque jour le fragile équilibre écologique. C’est un système dévastateur et les promesses de régulation des uns et des autres ont été balayées, tel un fétu de paille, par les gardiens de l’orthodoxie libérale, cette dictature qui ne dit pas son nom. Son pouvoir est tel qu’aujourd’hui des peuples entiers sont mis à genoux et des millions d’individus condamnés à être les esclaves des temps modernes à seule fin d’accroître les profits de multinationales. La démocratie est elle-même menacée partout dans le monde, y compris dans cette Europe libérale soumise aux diktats des marchés financiers. Je ne peux pas me satisfaire de cela. Des expériences sont menées, notamment en Amérique latine, pour renverser la vapeur et trouver des alternatives inédites au libéralisme. Chez nous tout semble figé, au point mort.

Je ne crois pas au « grand soir » mais je suis convaincu que les solutions sont là, à portée de mains, pour redistribuer les cartes et créer un rempart contre les violences générées par les inégalités, la faim et l’obscurantisme. Ce changement appelle une prise de conscience citoyenne. Il réclame de la volonté.

Je sais qu’il y a ici, à Aubagne, des hommes et des femmes qui partagent le même sentiment d’urgence et qui ne renoncent pas devant cet immense chantier. Des expériences sont menées ici. La gratuité, je l’espère, fera son chemin pour irriguer, à travers les services à la population qu’il faut continuer à défendre, tous les pans de nos activités, de l’accueil et de la protection des jeunes enfants à celle des seniors eux aussi fragilisés par la crise systémique. Évidemment tout cela a un coût et comporte une part de risque. Ce risque si nous le prenons, c’est celui de construire une ville qui place l’humain au cœur de son projet. Est-ce que ça ne vaut pas le coup d’essayer ? A contrario, quel autre risque prendrions-nous à ne rien faire ? Celui de voir notre société se déshumaniser, perdre ses repères et renoncer à offrir à nos enfants un monde meilleur que le nôtre.

Il n’y aurait pas d’autre chemin que celui tracé par les laquais du libéralisme, ces chiens de garde de la pensée unique ? Le savant Galilée a payé cher son opposition au géocentrisme. La société était alors persuadée que la terre était au centre de l’univers et l’Église veillait à ce que personne ne remettre en cause ce dogme. Et pourtant la terre tourne bel et bien autour du soleil…

Aujourd’hui il nous faut virer les marchands du Temple néo-libéral et faire la démonstration qu’un autre monde est possible, que rien n’est inéluctable, que le système capitaliste peut être dépassé (ne l’est-il pas déjà en quelque sorte?).

Lors du 60ème anniversaire du programme du Conseil National de la Résistance, adopté dans la clandestinité en 1944, 13 résistants de la première heure – Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, George Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, George Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant et Maurice Voutey ont lancé un message à notre pays et, tout particulièrement à sa jeunesse. En ces temps de rigueur et d’offensive généralisée contre les services publics, la sécurité sociale et les retraites, ils ont rappelé opportunément qu’on ne saurait prétendre qu’il manque aujourd’hui de l’argent pour le maintien et le prolongement des conquêtes sociales, alors que ces conquêtes ont été instaurées dans une période où l’Europe était ruinée.

Mais il est vrai que le programme du Conseil national de la Résistance prévoyait aussi « une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent… ». Créer c’est résister, résister c’est créer, lançaient ces combattants de la liberté qui à l’âge où la vie vous invite à l’insouciance ont choisi de lutter contre la barbarie. Ils avaient foi en l’avenir et n’étaient pas résignés.

Aubagne est une ville de résistances et de solidarités. Elle intrigue, elle surprend, elle suscite admiration ou convoitise mais ne laisse pas indifférent. Ni ses amis. Ni ses prétendants qui voudraient nous faire marcher dans les clous. Pourtant rien n’est simple et tout est loin d’être parfait. Le contraire serait d’ailleurs aussi surprenant qu’inquiétant. Il n’existe pas de meilleur des mondes et comme Aldous Huxley, je me méfie des camelots qui prétendent avoir toutes les réponses à nos interrogations et tous les remèdes à nos maux.

Débattons, disputons-nous s’il le faut comme l’a écrit mon ami Elvas mais surtout ne lâchons rien. N’attendons rien d’en haut si nous ne retroussons pas nous-mêmes les manches pour faire le job. Notre révolution est là, blottie dans nos cœurs à l’ouvrage. Nous la ferons sans attendre aucune permission. Elle sera citoyenne et républicaine. Elle est déjà en marche.

Thierry GIL


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