Magazine Journal intime

Premiers pas dans la Mafia

Publié le 13 mai 2008 par Corcky


Aujourd'hui est un jour un peu spécial.
D'abord, Poupon la Peste fête ses quatre ans.
Ce que ma femme a bien martelé ce matin, au petit déjeuner, pendant que le monstre trépignait en dévorant ses céréales chimiques, attendant le moment où elle aurait enfin l'autorisation de déballer l'énorme paquet jaune qu'elle avait repéré depuis des jours en haut du placard.
- Poupon, t'as quatre ans. Tu sais ce que ça veut dire?
- Oui! Que je vais ouvrir mes cadeaux.
- Ouais. Mais encore?
Plissement des yeux, froncement de sourcils. Vite, chercher la réponse qui n'engagera pas à grand-chose et qui fera plaisir à moindres frais.
- Heu...ça veut dire qu'on pleure plus et qu'on fait plus de caprices.
- C'est ça. T'as quatre ans, donc t'es plus un bébé.
- Ok, ok. Maintenant j'peux ouvrir mon cadeau?
- Nan. Tu termines tes Machin-Pic d'abord.
Je te jure qu'elle n'a jamais bouffé aussi vite, alors que d'habitude, c'est la croix et la bannière pour ne pas finir à la bourre, vu qu'elle se prend pour Picasso et qu'elle fait des constructions interminables avec ses putain de céréales ("oh, t'as vu, j'ai fait un papillon dans le lait!", "oh, t'as vu, j'ai fait une coccinelle dans le lait!", "oh, t'as vu, ça c'est ma main que tu vas prendre dans la tronche si tu mets pas un coup d'accélérateur!")
Et qui c'est qui s'est tapé le grand déballage de plastique, mmmm?
C'est Bibi.
Sans rire, ils devraient rajouter encore plus de fil de fer et de couches de polystyrène dans les boîtes. Tu passes vingt minutes à libérer trois conneries et en plus, c'est limite s'il faut pas avoir fait Polytechnique pour comprendre dans quel sens ça se tourne, ces sécurités à la con.
Bon.
Môme déposée à l'école ("n'oubliez pas que le 15, c'est grève, prenez vos dispositions", t'inquiètes, on commence à avoir l'habitude, on a pris un abonnement chez Mère-Grand à tarif préférentiel).
Retour au bercail.
Reprise du boulot à 13h (le compte à rebours a commencé) avec une certaine appréhension, d'une part parce que j'ai rencontré un de mes gars près de l'école et que le week-end, semble-t-il, a été chaud ("Faudra que vous parliez à Patrick, il a coursé le vigile à poil l'autre nuit"), et d'autre part à cause de l'arrivée de la stagiaire.
Oui, ami lecteur, aujourd'hui, on me colle une stagiaire pour quatre semaines.
Une élève infirmière.
Quelle plaie.
J'imagine bien une fille de vingt ans, complètement cruche, aussi niaise que si elle sortait d'un épisode de La Petite Maison dans la Prairie, bonne comme le bon pain, désireuse de bien faire, peut-être même qu'elle a la vocation, cette nana, et celles qui ont la vocation, ben c'est les pires, imagine que tu doives te fader un croisement de Soeur Emmanuelle et de l'abbé Pierre, avec eau bénite et goupillon...
Ou alors, c'est une inconditionnelle d'Urgences, et elle va tomber de haut.
- Je voudrais faire un pansement.
- On fait pas de pansements.
- Je voudrais faire une injection, alors.
- On fait pas d'injections.
- Ben une pose de perfusion?
- On fait pas de perfusions.
- Ben alors qu'est-ce que je peux faire?
- Tu peux toujours aller poser ton cul à la cafétéria et écouter monsieur B. te raconter son divorce, ses bouteilles, son clébard à la SPA et le flingue de la Grande Guerre qu'il garde sous son lit et dont il a juré de se servir pour anéantir le monde.
- ....
- Alors, heureuse?
Si c'est une neuneue de première classe, va falloir que je la garde à l'oeil en permanence, hein, parce que c'est pain béni pour les loustics, ça.
Tiens, j'imagine bien monsieur L lui faire sa grande scène du Trois.
Monsieur L, il est accro aux antalgiques. Il se bouffe entre cinq et sept plaquettes de Diantalvic par jour, il peut pas s'en empêcher, il tuerait sa mère pour une boîte de Dextropropoxyphene, d'ailleurs un jour, il a fracturé la tirelire d'un gosse pour trouver les deux euros qui lui manquaient (il s'est fait gauler à la pharmacie par le papa qui était un peu en colère, du coup il a fallu rajouter une bande, du désinfectant et de la crème apaisante sur sa liste).
Monsieur L, il se pointe environ toutes les trois heures dans mon bureau, au bord des larmes, en boitant, ou en se tenant les côtes, ou en se frottant la joue.
- J'ai mal, l'emmerdeuse, vous pouvez pas savoir!
- Allons bon. Vous avez mal où?
- Au dos, putain, c'est insupportable!
- Mais bien sûr. Vous voulez aller voir un toubib?
- Nan, c'est pas à ce point-là, donnez-moi un médicament pour la douleur, et ça ira, j'vous jure.
- C'est ça. Vous me prenez pour une imbécile?
- Mais j'vous jure, j'ai mal, je crois que j'me suis cassé le bras!
- Je croyais que c'était le dos?
- ....
- ....
- Si je dis que j'ai une rage de dents, vous me croyez?
- ....
- Bon. Et la migraine? C'est mortel, une migraine!
- ....
- Une sinusite?
- ....
- Une carie?
- Allez foutez-moi l'camp.
- Un furoncle? Un furoncle infecté?
- Tirez-vous, avant que je m'énerve.
- Un oncle incarné?
- MAIS TU VAS TE BARRER, BORDEL!
J'ai mis du temps, avant de cerner le personnage.
Alors imagine la stagiaire...
Va falloir organiser un briefing.
Quelque chose de lourd.
Du sérieux.
Quasi militaire.
Et si elle est vraiment lourdingue? Si elle est conne comme un manche? Si elle croit vraiment que Les noces de Figaro, c'est l'édition "spécial chiens" d'un célèbre quotidien de droite?
Eh! Tu sais quoi?
Finalement, ça peut être sympa, d'avoir une gamine aux basques pendant un mois.
Elle payera pour tous les autres.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Corcky 6 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte