Magazine Journal intime

On A Echangé Nos Mamans.

Publié le 14 mai 2008 par Mélina Loupia
(Ce qui est exactement le concept inverse, voire opposé, voire sans aucun rapport avec l'émission présentée par la petite chaîne qui monte qui monte, mais comme le dit si bien Mry dans les choses qu'il a vues, il faut donner des titres pertinents à ses notes,  et citer ses sources en lien vers des blogs influents, sans quoi le top du classement Wikio des blogueurs influents ne sera qu'un lointain souvenir.) En fait, hier, j'ai moi aussi maintenu les relations cordiales entre la France et L'Allemagne, un peu comme Nicolas et Angela, à la différence que j'ai réussi à faire la bise aux petits teutons, moi, et sans me faire repousser. J'ai donc hérité un enfant. Qui n'est pas le mien, comme le veut le cours naturel de la vie. Mais un enfant tout de même. Avec un tout petit détail auquel près qu'il n'est pas vraiment du coin. Qu'il a dû passer une frontière, puis toute la France pour venir se présenter à moi. Qu'il a dû se taper tout ce périple en bus. Autant dire qu'il n'était pas forcément de première fraîcheur à son arrivée. Mais il faisait certainement partie des lots les plus fringuants. Mais, revenons à nos teutons. L'an dernier, mon aîné, alors qu'il était encore malléable et corvéable à souhait, que l'acné n'était pas monté au front et que ses cordes vocales n'étaient pas encore effrayantes, a fait un long voyage initiatique. Deux mois au cours desquels il a rencontré l'Allemagne et sa peuplade gutturale, sportive et...Réglementée. Une expérience qui n'a pas été sans ses travers quotidiens que sont entre autres tracasseries le mode et le niveau de vie, l'alimentation et le rythme scolaire très enviable. Mais mon enfant m'a été rendu en pleine forme, entier et grandi. Quant à son allemand, il était passé du statut d'apprenti à celui d'ouvrier confirmé. C'est donc à présent à mon tour de recueillir un petit poussin de l'Est. Me voilà à quelques minutes de la révélation, assise devant le collège, avec deux de mes gaillards, fondus dans la masse adolescente qui devait elle aussi accueillir le reste du convoi, et quelques autres qui squattent les lieux, désoeuvrés, la canette de Panach' dans une main, la cigarette planquée dans la paume de l'autre, le portable allumé et braillant de la TCK, en accord avec le vocabulaire urbain du moment. Je n'ai même pas besoin de tenter de me faire discrète, je suis aussi grande que la plus jeune des merdeuses et en plus, j'ai des Converse. Ainsi, derrière mes lunettes, je les ai écoutés et j'ai appris "Comment comprendre les ados", en une heure de temps. Morceaux choisis, en respectant l'anonymat des protagonistes. "Tiens, salut, je te voyais pas derrière ton vélo, il a grandi plus vite que toi? -Mais t'es pas venu en skat? -On dit skate. -Ah non, on dit skat, c'est le prof de physique qui nous l'a dit. -Ce tâchon? -Tu m'en file un gloups de ton Ice Tea, c'est pour avaler mon Doliprane. -Et la clope, on la fume maintenant? -T'es folle, y a ta mère en face. -Mais laisse tomber, d'ici, elle capte rien, allez allume-la.Fais pas ta salope. -Tain Jéjé, t'as trop de la gatte avec ta corres', elle est top tankée. -Elles ont besoin de hurler pour se parler les poulardes? -Elles ont les oreillettes de leurs portables, c'est pour ça. -En même temps, elles sont littéralement collées les unes aux autres, fait pourtant pas froid. -Oui, mais vu la superficie de couverture de leurs fringues, je peux comprendre qu'elles aient un peu frais. -ON S'ARRACHE MA CHERIE, ON VA S'ACHETER A GRAILLER EN HAUT? -OUAIS, MAIS SI Y A ICHAN, J'Y VAIS PAS, TROP LA HONTE LA DERNIERE FOIS. -MAIS TU T'EN CAGUES DE CE BATARD. -OUAIS MAIS T'AS PAS ETE DISCRETE L'AUTRE JOUR. -Ah parce que tu l'es là? -Ta gueule le nabot. -Mais il manque pas un pote à toi là? -Si, il est absent depuis vendredi. -Il a fait le pont? -Oué, sur le trône. -Oué, c'est vrai il a la chiasse. -Il a la chiasse? -Oué. -En tous cas, je le préférais avec les cheveux courts, il était plus mignon. -Bé toi, il te trouve immonde, même depuis qu'il a les cheveux longs. -Tain, cramée là. -Laisse faire, ce petit merdeux s'est jamais tapé autre chose que sa main. -Mais vous vous causez toujours aussi librement? -Oué. -C'est bien la première fois que j'entends qu'un de tes potes a la chiasse et que tout le collège en parle sans vergogne, c'est tout de même curieux, sociologiquement. -Bon, qu'est-ce qu'ils foutent? -En tous cas, vivement qu'ils arrivent, j'ai trop soif. -Ahhhh, les voilà. -Tiens, y a même des chiens à l'arrière du bus. -Mais non, c'est des filles. -Oué, des canuches. -Penses-tu, le canuche est une nouvelle espèce en voie d'apparition, un croisement entre le caniche et la nunuche. -Mort de rire. -Bon, elle est où ta corres? -Tain elle m'a vue, ayé, elle vient vers moi, putain la honte. -Trop dégoûtée, la mienne a trop changé, elle est farcie de boutons et t'as vu le cul qu'elle a pris? -Ben le foot demain aprèm, c'est mort, laisse tomber, chuis trop dégoûtée. -T'as vu ses lunettes, tain ma mère, cette tâche, elle veut pas me les acheter, elle dit que deux cents Euros, c'est trop cher, la honte. -Bon allez, on suit le troupeau de blonds et on va boire un coup, après, on va faire quatre courses et on rentre. Toute le melting pot s'engouffre bruyamment vers la salle de réunion, dans un joyeux yaourt sonore. Le proviseur entame son discours d'accueil et de bienvenue, entrecoupé de interprétation de la collègue de l'enseignante d'allemand de mes enfants. La spontanéité est à l'image des gros blancs qui suivent les dires de l'un, les traductions des autres, et la fatigue des mômes qui viennent de se taper environs une demi-journée de bus, si j'en crois les arrières des crânes ébouriffés qui me font face. Vient la remise des cadeaux d'usage, auxquels le proviseur ne prête qu'une attention toute relative, dans la mesure où il ne remarque pas qu'elle n'est pas en train de traduire, mais bel et bien de s'adresser  à lui, les mains tendues et chargées de présents emballés. "Tain, comment elle a pris un vent là la prof, je suis morte de rire. -T'as vu, devant nous, on a un sumo, un seul de ses mollets fait la taille de mon torse. -Arrêtez madame, elles sont deux fois plus grandes que moi, elles vont me taper. -Oué, encore que t'as pas vu leurs mains. -Putain que c'est long, je sais pas où je pourrais mettre mon sac là. -Je sais pas moi, t'as essayé DTC? -Ils sont si lourds que ça vos sacs? -Tiens madame, soulevez le mien, vous comprendrez pourquoi je grandis pas. -En effet. -Tu parles, il grandit pas parce qu'il a une petite bite. -Ta gueule, toi, vas chercher ton corres. -Ah voilà mon pote. -Salut, alors, t'as plus la chiasse? -Oué, ça va mieux oué, alors vous avez fait quoi vendredi et aujourd'hui? -Comme d'hab, on a tenté de bosser et on s'est fait engueuler par tous les profs. -Me dis pas que t'es sur les chiottes depuis vendredi? -Si, enfin presque. -Et tu t'es pas trop fait chier? -Ayé Jéjé, c'est à toi." Je décide alors d'avoir trente-quatre ans à nouveau et de me comporter en mère responsable. Je m'avance avec mon fils pour accueillir sa correspondante comme il se doit. Qui a visiblement subi un ravalement de façade express et poussé en moins de dix minutes. Désormais, elle se prénomme Philip, et possède une magnifique paire de mollets solides mais plutôt proportionnels à sa virilité et à sa voix de Roger en mue. Un fâcheux contretemps a poussé les organisateurs à échanger les filles et les garçons avec mon garçon. Dire qu'il était déçu est un euphémisme, à en voir les yeux de sa promise qui tombent par terre alors qu'elle s'éloigne, avec dans sa main, sa nouvelle hôtesse acnéique. "Tain tu vois, maman, c'est tout le temps le bordel avec moi, y a rien qui va, et ça tombe toujours sur ma gueule. -Mais non Jérémy, tu n'y es pour rien, en fait, la correspondante habituelle de ta copine de classe s'est désistée et ta copine était très déçue de n'avoir personne. Et comme elle refusait d'avoir un garçon, on lui a donné ta correspondante et on t'a choisi un que tu connais de l'an dernier. -Oui, je le connais mais je la connaissais mieux elle. -Mais tu vas la voir tous les jours au collège et vendredi soir à la fête et c'est peut-être mieux qu'elle ne te voit pas au réveil. -Oh c'est bon maman hein. -Wilcommen, Philip, ich bin Mélina, und er ist Nicolas. -Hallo!...Bonjour, madam'!" J'ai gagné, je laisse retomber la pression et visiblement, mes fils sont satisfaits de ce lot de consolation. Ce petit est gentil comme tout, mignon à souhait et très sociable. Et en plus, il aime les nouilles et tout le reste. Nous partons sans nous faire remarquer, puisque mon bonsoir est noyé dans un brouhaha linguistique, les cris d'adieu et les larmes chaudes de ces mômes cuits de fatigue, déracinés, déshydratés et déjà en mal du pays. "Et en plus, il nous a fait des cadeaux maman, regarde, il nous offre sa saucisse. -Non, je crois plutôt qu'il s'agit de la saucisse de son pays, faudrait voir à bien lui apprendre le français hein. Das is nicht dir wurst, aber das wurst deines region. -On va faire un petit jeu maman, tu lui parles en allemand pour réviser tes vieux cours du lycée, et il te répond en français, et moi, je traduis. -Ok. Euh... Einverstanden. Merci pour les cours que tu traites de vieux, tu t'améliores." Ce midi, alors que j'attendais mon convoi franco-allemand au bus, et que je révisais mes déclinaisons, j'en étais au datum et l'accusatif me posait toujours autant de problèmes quand la porte s'ouvre, laissant échapper un troupeau mixte. "Bon, Jéjé, tu traduis ok? Voilà, ma corres et sa corres veulent absolument se voir cet aprèm et moi, je veux pas, j'ai pas envie de me taper cinq bornes en moto pour qu'elle passe sa vie avec sa cops. C'est ma corres et elles, elles se voient toute l'année. -Oué, enfin, franchement, si j'étais toi, je l'amènerais quand-même, c'est pas loin et tu vois bien qu'elles ont besoin de se voir. -Putain Jéjé, je t'ai demandé de traduire, pas de donner ton avis, bordel, allez laisse tomber t'es vraiment bidon. -Franchement, maman, hein, bon, on se casse, sinon,elle prend des baffes. -Hallo, bonjour madam' -Hallo Philip, hunger? -Ya! -Gut, es ist nudeln. -Gut! -Ebé heureusement qu' y a des nouilles, ça me calmera de ces pétasses en furie là. -Mais y avait pas ton ex-corres dans le lot? -Si, mais on s'en fout là. -Pourquoi tu vas pas la chercher et l'amener chez sa cops cet aprèm? -Avec mon vélo? T'es con ou quoi toi, je la mets où, sur le guidon? -Bon, on se calme, on ne se dispute pas bien le ventre vide. Prenez des forces, vous pourrez mieux vous insulter ensuite et vous apprendrez plein de mots nouveaux à Philip." L'entente franco-allemande n'est pas une utopie.

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