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Le dessin du dimanche

Publié le 12 avril 2014 par Ctrltab

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« De la bouche entrouverte une respiration sort, revient, se retire, revient encore. La machine de la chair est prodigieusement exacte. Penché sur elle, immobile, vous la regardez. Vous savez que vous pourriez disposer d’elle de la façon dont vous voulez, la plus dangereuse. Vous ne faites pas. Au contraire, vous caressez le corps avec autant de douceur que s’il encourait le danger du bonheur. Votre main est sur le dessus du sexe, entre les lèvres qui se fendent, c’est là qu’elle caresse. Vous regardez la fente des lèvres et ce qui l’entoure, le corps entier. Vous ne voyez rien.

Vous voudriez tout voir d’une femme, cela autant que puisse se faire. Vous ne voyez pas que cela vous est impossible.

Vous regardez la forme close.

Vous voyez d’abord les légers frémissements s’inscrire sur la peau, comme ceux justement de la souffrance. Et puis ensuite les paupières trembler tout comme si les yeux voulaient voir.

Et puis ensuite la bouche s’ouvrir comme si la bouche voulait dire. Et puis ensuite vous percevez que sous vos caresses les lèvres du sexe se gonflent et que de leur velours sort une eau gluante et chaude comme serait le sang. Alors vous faites vos caresses plus rapides. Vous percevez que les cuisses s’écartent pour laisser votre main plus à l’aise, pour que vous le fassiez mieux encore.

Et tout d’un coup, dans une plainte, vous voyez la jouissance arriver sur elle, la prendre tout entière, la faire se soulever du lit. Vous regardez très fort ce que vous venez d’accomplir sur le corps. Vous le voyez ensuite retomber, inerte, sur la blancheur du lit. Il respire vite dans des soubresauts de plus en plus espacés. Et puis les yeux se ferment encore plus, et puis ils se scellent plus encore au visage. Et puis ils s’ouvrent, et puis ils se ferment.

Ils se ferment.

Vous avez tout regardé. A votre tour enfin vous fermez les yeux. Vous restez ainsi longtemps les yeux fermés, comme elle.

Vous pensez au-dehors de votre chambre, aux rues de la ville, à ces petites places écartées du côté de la gare. A ces samedis d’hiver entre eux pareils.

Et puis vous écoutez ce bruit qui se rapproche, vous écoutez la mer. »

- Marguerite D.


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