Magazine Journal intime

Madeleine de Proust

Publié le 25 avril 2014 par Mirabelle

Mon cher Victor,

Samedi dernier, j'ai vécu un moment un peu étrange, comme un retour sur mes propres pas. Ah ? Je suis revenue un peu vers Lui, celui que j'ai aimé, longtemps, le Premier. Tu l'as revu ?! Non ! Mon Dieu, non, pas du tout ! Et tu sais bien, Victor, que si jamais cela se produisait, lui et moi passerions notre chemin, tout bonnement ! Eh bien alors ?

Eh bien alors il est curieux de constater comme l'on garde la mémoire de certains endroits. C'est un puissant torrent de souvenirs qu'ils sont capables d'éveiller en nous... Mirabelle, je ne te suis pas !

Autrefois, nous étions quatre. QUATRE ?!? Enfin quatre... Ne commence pas à imaginer n'importe quoi ! 2 couples d'amis : Lui et moi, C. et J.B. On était quatre, et on s'entendait bien. Et puis un jour, voilà, tu sais bien, il est parti, sans vraiment partir, sans oser le dire franchement sans doute, on passait la nuit ensemble ce soir-là, il rentrait tout juste du ski, le matin il me disait que "la balle était dans mon camp", me disait qu'il m'aimait, puis silence radio : trois jours plus tard, c'était fini, il y en avait une autre, j'avais eu le courage de le lui demander, et lui celui de me raccrocher au nez. J'ai refusé tous ses appels. Je n'ai pas revu C. et J.B, du moins pas tout de suite, j'ai juste appris que la "transition" entre elle et moi avait été très vite faite d'après ce que j'ai compris, et puis j'ai senti aussi qu'il me faudrait du temps, beaucoup de temps, avant de revoir, de pouvoir revoir, ces deux personnes que j'appréciais, ces deux amis, sans le voir Lui à travers eux. Ils ont eu un enfant. Je ne l'ai pas vu enceinte. Le temps a passé. L'eau a coulé sous les ponts. L'année dernière, elle a de nouveau attendu un bébé. Cette fois, je l'ai vue, splendide, le ventre bien arrondi, elle est venue à la maison avec son mari, leur petit garçon...

Samedi dernier, j'ai vu leur petite puce toute belle toute neuve. Je suis allée chez les parents de l'heureux papa. Parents que je n'avais pas vus depuis près de dix ans peut être. Ils ne souvenaient pas de moi bien sûr. Moi, par contre, je me suis aperçu que, malgré moi, je me souvenais de beaucoup de choses. Il y avait un bureau, et un ordinateur dans le coin à gauche, en entrant dans le salon. Maintenant, c'est un meuble. Je me suis revue assise à la grande table, sur ses genoux, je me suis presque souvenue du son de sa voix. De loin, j'ai vu le jardin, à travers les fenêtres, je nous ai revus, tous les quatre, on avait vingt ans peut être, un peu plus, tous les quatre, à profiter du barbecue, les chips, le lapin qui gambadait dans l'herbe...

Je croyais avoir oublié tout ça.

Sur le pas de la porte, en la remerciant de m'avoir invitée, alors que C. me disait qu'"ici, il y avait peut être pour moi de mauvais souvenirs", je me suis entendue dire qu"il y en avait aussi des bons".

Je crois que c'était la première fois que je le disais aussi clairement, pour moi comme pour les autres, tout haut.

A ce moment-là, on aurait pu être, elle et moi, au coin du feu, sur nos rocking-chair, nos tricots sur les genoux, à évoquer la douceur du temps passé... Je vieillis, non ?

Oui... Enfin, tu le savais, quand même, que c'était la vie, n'est-ce pas ma Mirabelle ?


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