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Don Onfray de la Mancha

Publié le 03 mai 2014 par Rolandbosquet

Onfray_Don_Quichotte

   Mon chat César ne tient en général que fort peu de cas de mes remontrances. Il lui est par exemple formellement interdit de s’installer sur le canapé. Il prend néanmoins un malin plaisir à s’y étaler pour sa longue toilette matutinale dès que j’ai le dos tourné. Quant à mon fauteuil préféré qui lui est absolument prohibé, il n’a de cesse de l’accaparer au moindre relâchement de ma part. C’est ainsi que, ce matin, il s’est tout simplement couché en boule sur le dernier opus de Michel Onfray, "Le réel n’a pas eu lieu. Le principe de Don Quichotte". Certes, il m’est arrivé maintes fois de brocarder l’auteur du "Crépuscule d’une idole". Mais c’est plus pour sa manie de publier à tout crin au risque de se répéter que par réelle antipathie et je n’invite certainement pas mon chat à m’imiter. D’autant plus qu’une fois encore, je ne puis que partager la détermination de notre philosophe à traquer les contre-vérités ou les abus de position dominante jusque dans les replis les plus secrets des idéologies en cour. Dans le cadre de sa démarche contre-culturelle, il ne pouvait ignorer "L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche" de Miguel de Cervantès. Non seulement le fameux roman est une cinglante critique de l’Église sous le couvert de nous conter les aventures d’un nostalgique des récits chevaleresques, mais c’est surtout un ébouriffant constat de refus de l’évidence. Le chevalier à la triste figure prend ses désirs pour des réalités.Et lorsque le réel devient inévitable, il n’est plus pour lui que le produit d’un enchantement malveillant et le complice d’une machination. Les moulins deviennent des géants envoyés par ses ennemis pour l’abattre et l’empêcher de dire la vérité vraie. Le pauvre Sancho Pansa peut bien s’étonner et s’alarmer de cet aveuglement, il ne saura pas faire redescendre la lumière du bon sens sur son maître échevelé. Mais le bon sens ouvre-t-il vraiment sur la lucidité ? Mais c’est à contrario et sans jamais l’évoquer que Michel Onfray nous montre combien ce chef-d’œuvre peut nous éclairer aujourd’hui sur le fonctionnement de notre société paralysée par la paranoïa du complot venu de l’extérieur et si nostalgique des exploits du passé. Ainsi, il se contente, une fois encore, d’enfoncer une porte ouverte et son ouvrage aurait peut-être gagné à être un peu plus fouillé et travaillé. Mais sans doute avait-il grande hâte de nous rappeler que Miguel de Cervantès nous apprend, en tout état de cause, que nul sauveur ne montera jamais sur sa rossinante, avec ou sans dulcinée, pour nous épargner l’avenir. C’est pourquoi je n’ai que mollement sermonné mon chat César pour l’affront fait à Onfray. Mais jusqu’à quel point en avait-il la réelle intention ? On voit par là qu’un chat et un philosophe, fut-il normand, ne sauraient à eux seuls faire tourner le monde un peu moins de guingois.

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