Magazine Journal intime

Avec vue sous la mer – Slimane Kader

Publié le 09 mai 2014 par Anaïs Valente

« Je rêve de La croisière s’amuse et j’ai droit au remake des Misérables ».

Par un beau matin, ou plutôt par un bel après-midi, une amie Facebook m’a indiqué qu’elle avait repéré un livre qui pourrait me plaire, chez sa coiffeuse. Qu’elle en soit remerciée sur six générations, car elle avait mille fois raison.

J’ai adoré Avec vue sous la mer, qui m’a permis de me replonger, pour quelques heures, dans le monde de la croisière que je venais à peine de quitter, mais cette fois, de l’autre côté, du côté obscur de la force, sans doute.

J’avoue avoir eu un peu de mal au début avec le langage de l’auteur. Pas du mal genre « ça me saoule », mais du mal genre « moi pas comprendre ce que toi vouloir dire ».  Passque y’av du verlan, beaucoup beaucoup, alors je dois me la jouer « lecture à haute voix » pour comprendre. Juste un exemple, j’ai cru durant 56 pages que keum c’était flic (alors que c’est keuf), et de me demander ce que c’était tous ces flics sur le bateau… Oh ça va, riez pas, ça arrive hein, d’être blonde…

Un chtit exemple du style de cet ouvrage pas comme les autres : « Dream Island, c'est un autre trip. C'est un parc d'attractions en petit, style maquette... Des tyroliennes qui te balancent dans l'eau turquoise. Tu peux louer du matos pour faire de la plongée et voir des poissons. Des vrais ! Avec des écailles ! Quand tu sais qu'un Américain sur deux pense qu'un poisson est carré avec des miettes de biscotte collées autour... t'imagines leurs tronches ! »

Autre exemple : « La tristesse, je vais lui mettre sa race sous une tonne de bouffe. Elle va pas la ramener longtemps. Où elle est, cette putain de cafèt ? » Un bon résumé du ton aigre-doux de cette histoire.

Et une fois qu’on s’y habitue, ce langage, il est totalement savoureux. Parce qu’immédiatement, l’auteur nous plonge dans son monde, grâce à cette façon si particulière de s’exprimer. Et sa façon de parler anglais, on s’y croirait.  Savoureux je vous dis, plein d’humour, malgré une situation souvent désopilante, malgré ses petits côtés cocasses.

C’est sans doute car j’ai vu, durant sept jours, tourbillonner autour de moi des serveurs, des barmen, des « hommes de chambre », et surtout des hommes d’entretien, le matin, à l’aube, sur le pont, que j’ai pu réaliser quelle fourmilière c’était, et m’imaginer combien ils trimaient comme des bœufs, sans doute pour un salaire misérable. Misérable pour nous, Européens, mais une fortune pour eux, issus de tous ces pays lointains d’Asie ou d’Amérique du Sud. Je me suis sentie mal, par moment, d’avoir ces personnes à mon service, de par ce que j’imaginais.  Je n’ai aucun scrupules à aller au resto, me faire servir, moi aussi je bosse pour d’autres personnes, et je suis à leur service (certaines me l’ont d’ailleurs déjà fait sentir « j’ai passé la matinée à essayer de régler votre dossier » « ben vous êtes payée pour ça non ? »). Mais là, ça pue quand même l’exploitation, faut pas avoir fait une licence en gestion de personnel pour s’en rendre compte. La rumeur dit d’ailleurs que le personnel Costa aurait vu son salaire diminuer, depuis le naufrage du Costa Concordia, vu les pertes financières de la compagnie. Va savoir… Bon, c’est vrai que quelle que soit la destination de vacances, il y a toujours du personnel, là pour servir les vacanciers, mais sur le bateau, ça sonnait usine exploitante, je sais pas vous expliquer pourquoi. J’ai d’ailleurs tenté d’être toujours bien polie et gentille avec le personnel, histoire de ne pas avoir l’air de les croire « à mon service », avec tout ce que ça implique de « je me la pète en tong pendant que tu sues ta race » (Slimane Kader, sors de mon corps). Quand le monsieur de chambre a mis tout mon matos sur le rebord du bureau pour nettoyer, je l’y ai laissé, pour pas trop déranger. Quand j’ai eu vidé ma valise j’ai gentiment replié la protection en quatre. J’ai participé au programme écolo en ne jetant pas mes serviettes au sol comme des déchets, mais en les gardant le plus possible (sauf que vu que je m’étais teint les cheveux avant le départ, elles étaient toutes orange vif, ces serviettes blanches, alors on me les reprenait, même si je refusais). Bref, j’ai pas fait ma chieuse quoi. J’espère qu’ils l’auront senti.

A noter que l’action se passe en Floride et autour, soit aux States, et que tout semble un chouia plus démesuré qu’en Europe : la taille du bateau, la quantité de personnel, et la façon de l’exploiter. Et puis les passagers, ces fatties à crocs, comme les appelle Slimane Kader.

Chapeau Monsieur, vous réussissez le pari de faire rire votre lectorat, tout en lui offrant une bonne prise de conscience. Sans oublier l’émotion, avec Flucky, la mascotte du bateau. Une très chouette lecture de « vacances », avec l’envers du décor offert sur un plateau en bonus.

 Acheter Avec vue sous la mer

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« Je rêve de La croisière s’amuse et j’ai droit au remake des Misérables ».

Par un beau matin, ou plutôt par un bel après-midi, une amie Facebook m’a indiqué qu’elle avait repéré un livre qui pourrait me plaire, chez sa coiffeuse. Qu’elle en soit remerciée sur six générations, car elle avait mille fois raison.

J’ai adoré Avec vue sous la mer, qui m’a permis de me replonger, pour quelques heures, dans le monde de la croisière que je venais à peine de quitter, mais cette fois, de l’autre côté, du côté obscur de la force, sans doute.

J’avoue avoir eu un peu de mal au début avec le langage de l’auteur. Pas du mal genre « ça me saoule », mais du mal genre « moi pas comprendre ce que toi vouloir dire ».  Passque y’av du verlan, beaucoup beaucoup, alors je dois me la jouer « lecture à haute voix » pour comprendre. Juste un exemple, j’ai cru durant 56 pages que keum c’était flic (alors que c’est keuf), et de me demander ce que c’était tous ces flics sur le bateau… Oh ça va, riez pas, ça arrive hein, d’être blonde…

Un chtit exemple du style de cet ouvrage pas comme les autres : « Dream Island, c'est un autre trip. C'est un parc d'attractions en petit, style maquette... Des tyroliennes qui te balancent dans l'eau turquoise. Tu peux louer du matos pour faire de la plongée et voir des poissons. Des vrais ! Avec des écailles ! Quand tu sais qu'un Américain sur deux pense qu'un poisson est carré avec des miettes de biscotte collées autour... t'imagines leurs tronches ! »

Autre exemple : « La tristesse, je vais lui mettre sa race sous une tonne de bouffe. Elle va pas la ramener longtemps. Où elle est, cette putain de cafèt ? » Un bon résumé du ton aigre-doux de cette histoire.

Et une fois qu’on s’y habitue, ce langage, il est totalement savoureux. Parce qu’immédiatement, l’auteur nous plonge dans son monde, grâce à cette façon si particulière de s’exprimer. Et sa façon de parler anglais, on s’y croirait.  Savoureux je vous dis, plein d’humour, malgré une situation souvent désopilante, malgré ses petits côtés cocasses.

C’est sans doute car j’ai vu, durant sept jours, tourbillonner autour de moi des serveurs, des barmen, des « hommes de chambre », et surtout des hommes d’entretien, le matin, à l’aube, sur le pont, que j’ai pu réaliser quelle fourmilière c’était, et m’imaginer combien ils trimaient comme des bœufs, sans doute pour un salaire misérable. Misérable pour nous, Européens, mais une fortune pour eux, issus de tous ces pays lointains d’Asie ou d’Amérique du Sud. Je me suis sentie mal, par moment, d’avoir ces personnes à mon service, de par ce que j’imaginais.  Je n’ai aucun scrupules à aller au resto, me faire servir, moi aussi je bosse pour d’autres personnes, et je suis à leur service (certaines me l’ont d’ailleurs déjà fait sentir « j’ai passé la matinée à essayer de régler votre dossier » « ben vous êtes payée pour ça non ? »). Mais là, ça pue quand même l’exploitation, faut pas avoir fait une licence en gestion de personnel pour s’en rendre compte. La rumeur dit d’ailleurs que le personnel Costa aurait vu son salaire diminuer, depuis le naufrage du Costa Concordia, vu les pertes financières de la compagnie. Va savoir… Bon, c’est vrai que quelle que soit la destination de vacances, il y a toujours du personnel, là pour servir les vacanciers, mais sur le bateau, ça sonnait usine exploitante, je sais pas vous expliquer pourquoi. J’ai d’ailleurs tenté d’être toujours bien polie et gentille avec le personnel, histoire de ne pas avoir l’air de les croire « à mon service », avec tout ce que ça implique de « je me la pète en tong pendant que tu sues ta race » (Slimane Kader, sors de mon corps). Quand le monsieur de chambre a mis tout mon matos sur le rebord du bureau pour nettoyer, je l’y ai laissé, pour pas trop déranger. Quand j’ai eu vidé ma valise j’ai gentiment replié la protection en quatre. J’ai participé au programme écolo en ne jetant pas mes serviettes au sol comme des déchets, mais en les gardant le plus possible (sauf que vu que je m’étais teint les cheveux avant le départ, elles étaient toutes orange vif, ces serviettes blanches, alors on me les reprenait, même si je refusais). Bref, j’ai pas fait ma chieuse quoi. J’espère qu’ils l’auront senti.

A noter que l’action se passe en Floride et autour, soit aux States, et que tout semble un chouia plus démesuré qu’en Europe : la taille du bateau, la quantité de personnel, et la façon de l’exploiter. Et puis les passagers, ces fatties à crocs, comme les appelle Slimane Kader.

Chapeau Monsieur, vous réussissez le pari de faire rire votre lectorat, tout en lui offrant une bonne prise de conscience. Sans oublier l’émotion, avec Flucky, la mascotte du bateau. Une très chouette lecture de « vacances », avec l’envers du décor offert sur un plateau en bonus.

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