Magazine Humeur

Sauvons les loups, bouffons du préfet

Publié le 13 mai 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

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A l’origine, cette chronique devait être consacrée à un énième exposé de la stupidité insondable des élus de droite. C’est un sujet maintes fois ressassé, et par de bien meilleurs que moi, mais si la France n’a pas de pétrole, elle peut se vanter d’avoir deux ressources intarissables. La première d’entre elles est la nullité absolue de ses chanteurs de variété, comme le prouvent quotidiennement les diffuseurs, annuellement l’Eurovision, et à chaque instant les gens qui ne peuvent pas s’empêcher de vouloir partager leurs goûts déplorables. C’est bien simple, la variété française est tellement nulle que même le zéro se sent pousser des décimales à l’écoute d’Indochine ou de Bénabar.

La seconde de ces ressources est, donc, la profonde bêtise des élus et des représentants des partis de droite, comme le Front National et l’UMP l’ont prouvé avec brio. Dans un premier temps en reprochant à Christiane Taubira de ne pas avoir chanté la Marseillaise, et ensuite en couinant contre la seule mesure d’économie du gouvernement contre laquelle je ne protesterai pas, à savoir la réduction du budget du Ministère de la Défense. En ces temps de commémoration de la « Grande Guerre », les militaires devraient s’estimer heureux d’être amputé du budget plutôt que d’un membre ou de la moitié de la tronche comme à la belle époque. Bref, j’allais écrire à l’intention de tous ces casse-couilles un bréviaire sur la « bonne façon d’être français » en temps de paix, quand une actualité encore plus urgente m’obligea à repousser ce brillant projet.

Alors que je maugréai contre cette chienne de vie qui nous oblige parfois à prendre parti pour des socialistes pour remplir une chronique (parce qu’en vrai, je m’en fous, qu’ils se démerdent entre eux), mon téléphone retentit. C’était Jean-Eudes, un loup que j’avais rencontré l’hiver dernier lors d’une randonnée dans les Vosges.

« - Tiens, salut Jean-Eudes, quel bon vent t’amène?

- Aaaaaahouuuuuuuuu!

- Non, t’es pas sérieux?

- Aaaaaahouuuuuuuuu!

- Ah les enfoirés de leur mère patrie! Ca va pas se passer comme ça!

- Aaaaaahouuuuuuuuu!

- Ouais, toi aussi! La bise à la meute! « 

Pour la bonne compréhension de ce dialogue, et comme je n’ignore pas que la plupart de nos lecteurs ne parlent pas le loup, voici en substance les propos de Jean-Eudes. En bref, poussé par la faim et la destruction progressive de son habitat naturel, la meute dut se résoudre à quitter les Vosges. Aussi indésirable dans nos sous-bois que le Rom à la périphérie de nos cités, les loups sont encore trop régulièrement victimes de la cruauté du berger qui est toujours aussi con que dans les premières chroniques que nous avons consacré à cet épineux problème, et les préfets de tous les départements où un loup a bouffé un mouton ont autorisé les ploucs à des tirs « de défense ». Et donc Jean-Eudes et sa famille ont dû se résoudre à partir dans la Meuse. Dans la Meuse, bordel de merde! Ca ne vous déchire pas le coeur que de voir l’une des espèces les plus splendides de la création aller se planquer dans le 55 pour échapper à la cruauté des bipèdes, et sans doute aussi à la chanson française? (les Roms sont heureusement encore à l’abri de cette justice sommaire mais si les Français continuent de voter comme des cons, ça finira par arriver).

Qu’est-ce au fond qu’un préfet? C’est un avatar grossier, à l’échelon local, de Claude Guéant ou de Manuel Valls qui répartit les flics là où il estime opportun d’en placer, qui décide quelle manifestation est légitime et sur quel trajet elle a droit de défiler; c’est quelqu’un qui accorde des permis de séjour avec la rapacité d’un patron pendant une réunion de « partenaires sociaux », bref c’est une personne qui a autorité sur ta liberté de circuler, qui est censée être un droit inaliénable. Mais c’est bien fait pour ta gueule, t’as qu’à apprendre à faire la différence entre un droit et une liberté. Comme nous venons de le prouver, le préfet est l’ennemi de l’homme, de la femme, de ceux qui n’ont pas envie de choisir entre les deux, et encore plus du loup.

Comme il n’y a pas de consulat du loup en France, et comme la malheureuse bestiole est moins conne qu’un membre du Front National, elle n’estime pas utile d’avoir une nationalité, un drapeau, un uniforme et autres fariboles aussi inutiles que désuètes. Or, pour le préfet, ne pas avoir de titre de séjour équivaut à n’avoir point d’existence légale. Ne pas avoir au moins une pièce d’identité, c’est un crime contre la République. Et ne même pas avoir de pays où on peut t’expulser, c’est du terrorisme. Donc le plouc, avec l’appui du préfet et même des ministres de l’Environnement (pouf, pouf) peut dégommer des loups, tant il est vrai que le berger est l’horizon et la gloire de l’espèce humaine.

Et donc, ce qui devait arriver arriva. Le loup, à qui on a rarement la bonté d’offrir des croquettes, s’est attaqué à trois ou quatre moutons meusiens. Il aurait sans doute préféré des enfants de préfet, pour justifier la réputation mensongère qu’on lui fit aux temps anciens, mais bon. Le pâtre meusien, guère plus compréhensif que son homologue montagnard râle comme un putois, et la préfète de la Meuse autorise des tirs « de défense » qui portent aussi bien leur nom que le ministère de la Défense, dans le même élan d’hypocrisie qui appelle ministère du Travail ce qui devrait s’appeler ministère de la Précarité, et ministère du Budget ce qui devrait s’appeler ministère du Remboursement des dettes des banquiers.

Le loup, canis lupus de son nom savant, est protégé par la convention de Berne, et la décision de la préfète de la Meuse pourrait être attaquée devant un tribunal administratif. Mais d’ici là, bien des loups auront été abattus par des tirs « de défense ». Les chasseurs continueront de se prendre pour les régulateurs de l’écosystème, et les toreros seront toujours couverts par le Conseil Constitutionnel. Comme quoi, le droit et la liberté, hein….

Bref, je hais les préfets, je hais les bergers, j’aime pas trop la Meuse et j’aime de moins en moins les gens.


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