Magazine Journal intime

Ma rupture du col du femur

Publié le 16 mai 2014 par Thegiao2001

1355.- Confucius disait : "On a deux vies et la seconde vie commence lorsqu'on réalise que l'on n'en a qu'une".
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Je suis totalement étranger au monde de l'hôpital, j'en éprouve une certaine crainte et un malaise lorsque je suis obligé de m'y rendre pour visiter une amie en fin de vie qui a une tumeur au foie ou pour voir ma marraine qui se fait traiter pour sa dégénérescence musculaire.

En temps normal on se dit toujours méfiant des mauvaises aventures qui pourraient nous arriver : se faire escroquer, tomber, se blesser, rester vigilant. Les malheurs et les accidents cela n'arrive qu'aux autres mais parfois il arrive qu'un concours de circonstances fasse que l'on se fasse entrainer dans un tourbillon d'événements qui nous conduisent à l'inévitable.

Je venais de passer la journée avec le papa de mon amoureuse à l'aider à terminer l'installation d'une cuisine IKEA quand je me rendais en fin d'après-midi à Simplon pour voir mes locataires et mettre un coup de joint au-dessus du rideau de fer pour éviter que la pluie ne s'infiltre jusque dans l'appartement. Le rideau de fer étant situé à une hauteur de 3m50, aucun escabeau n'était assez grand pour y parvenir, en tout cas pas un disponible au Bricorama de la Porte de Clignancourt. J'avais donc pris une échelle de 4m50 la même prêtée par Olivier mon beau-frère pour monter au niveau du rideau de fer il y a plus d'un an.

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En 43 ans d'existence j'ai eu la chance de ne jamais être tombé gravement malade, d'avoir été hospitalisé ou opéré. Il y a bien eu un plâtre au bras gauche quand j'étais enfant et quelques points de sutures à l'arcade sourcilière suite à un mauvais coup de raquette lors d'un match de tennis à Montmagny mais rien de très marquant jusqu'à ce jour du 3 mai 2014.

Pressé par le temps, j'oubliais les règles élémentaires de sécurité. J'avais une foultitude de choses à faire, prenant congé de ma moitié j'avais une heure à passer à Simplon pour faire un constat et mettre un coup de joint Rubson sur le rideau de fer pour prévenir l'infiltration de la pluie dans l'appartement. Lorsque que je dépliais l'échelle, je la voyais vibrer quelque peu et cela me titillait mais pas tant que cela. Je décidais de ne pas solliciter mon locataire qui avait tenu l'échelle la dernière fois, c'était une affaire de cinq-dix minutes, rien du tout dans un agenda hyper chargé comme le mien puisque je devais aller chez Toto, faire un bon brin de nettoyage inZeSentier et quelques autres menues courses.

Une famille passa à côté de moi, un couple et leur enfant en poussette qui se demandait se que faisait le monsieur sur son échelle. Son papa lui dit : "Il répare le toit le monsieur !" et il me demanda exactement la nature des travaux que j'étais en train d'exécuter.

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J'étais tranquille, bien dans ma tête bien dans mon cœur, les locataires restaient cordiaux, mon amour se reposait paisiblement à la maison et j'allais bientôt la rejoindre pour une soirée en amoureux pour fêter nos 18 mois de vie commune.

Je mettais un dernier coup d'éponge après un dernier avec le pistolet à joint et m'apprêtais à fignoler mon travail quand les vibrations firent bouger la base de l'échelle. Elle ne tenait que sur deux points, l'appui sur lequel j'étais penché et le sol où il y avait pas mal de petits caillous. L'échelle se souleva et ma vie bascula en un quart de seconde. Elle glissa en arrière et soumis aux lois de la pesanteur, je sentis mon appui se dérober sous moi, j'eus à peine le temps de réaliser ce qui se passait que ma jambe fut emprisonnée entre deux barres de l'échelle.

Lorsque je touchais le sol, j'entendis distinctement deux bruits le choc de l'échelle contre le sol et un os qui se brisait en moi. Je criais de rage puis de douleur. En un flash j'espérais de tout mon être ne pas finir tétraplégique.

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Heureusement je n'avais pas perdu connaissance, ni ma tête ni ma colonne vertébrale n'avaient touché le sol en premier. Je commandais donc désespérément mes membres inférieurs et mes orteils des deux jambes pour voir s'ils répondaient toujours aux ordres de mon cerveau. C'était le cas. J'étais rassuré. Je savais que quelque chose était cassé mais quoiqu'il en était, je pouvais remarcher et pourquoi pas un jour recourir.

Je continuais à hurler à la mort tellement j'avais mal quand très vite je fus entouré de clients du bar voisin. Mon locataire appela immédiatement le 15 pour faire venir le SAMU et me demandait si je voulais prévenir une personne en particulier. Je lui donnais le numéro d'Amandine, il me tendit son mobile et je laissais un message à ma bien-aimée qui était encore endormie.

Quelques minutes plus tard, le SAMU, les pompiers, des spectateurs arrivèrent tout autour de moi et on me tendit à nouveau le téléphone, c'était ma chérie. Elle ne voulait pas que l'on me transfère à Bichat comme il était prévu mais à Cochin. Les équipes du SAMU fonctionnent par secteur et on me transporta donc à l'hôpital Lariboisière non loin de la Gare du Nord. Auparavant, les secouristes me déshabillèrent, m'équipèrent d'une minerve pour bloquer mon coup et m'immobilisèrent dans la position de ma chute grâce à un matelas pneumatique. Le voyage se passa sans encombre, je ne ressentais aucune douleur malgré ma facture et malgré le fait que l'on ne m'avait administré aucun calmant.

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Arrivé aux urgences de Lariboisière, j'eus le temps de poster une photo pour alerter mes proches et dire que cela n'allait pas.

Quelques minutes plus tard, ma chérie arriva et réconforta mon cœur. Le médecin de garde aux urgences vint me rendre visite et comme j'étais tout tordu il entreprit de me redresser en me disant que j'allais avoir de la morphine si j'avais mal.

D'un coup sec, sans aucune hésitation il redressa ma jambe droite et j'entendis mon os craquer dans ma jambe droite au niveau du genou, c'était insoutenable. Je hurlais comme jamais.

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On me mis sous morphine et ca allait mieux. Quelques heures plus tard, même manipulation pour la radio car il fallait prendre des clichés de face et de profil.

Vu l'état de ma fracture on allait me conduire directement au bloc pour une intervention immédiate.

Je vis l'interne qui me confirma le diagnostic, une fracture du fémur et on allait me poser un clou. Le Docteur Emmanuel de Panafieu heureusement était un brillant chirurgien aguerri à la technique d'ostéosynthèse. Je le vis quelques secondes après le docteur anesthésiste, une jeune femme qui m'interrogea pour savoir si j'étais allergique à la Betadine ou si je suivais un traitement particulier pour ma goutte.

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(Crédit photo : Clinique Esquirol Saint Hilaire Agen)

Le chirurgien me décrivit l'opération qu'il allait pratiquer : pose d'un clou gamma appelé ainsi à cause de sa forme, attaché à des agrafes à mon fémur, étant donné que ce dernier était fracturé au niveau du col légèrement en-dessous. On appelle cela une fracture per-trochantérienne car elle ne coupe pas directement le col du fémur mais juste en-dessous. J'ai appris que le fémur est l'os le plus solide de tout le corps humain, le plus long c'est l'os unique de la cuisse, il fait un quart de la hauteur du corps et peut supporter les pressions les plus élevées jusqu'à 280 kg/cm2 lors d'un saut, c'est dire si ma chute a été violente. Lors de la radio, les docteurs semblaient dire que le choc avait été violent.

J'arrivais au bloc à moitié rassuré car l'opération se déroulait très tard dans la nuit et je disais au médecin anesthésiste que j'avais peur de ne pas me réveiller, qu'ils oublient une compresse ou un appareil dans ma jambe ou bien qu'ils soient sur les rotules. Elle me rassura en me disant que l'infirmière anesthésiste venait juste de prendre son service et était toute fraiche.

Un docteur vint m'injecter un analgésique dans le nerf fémoral pour faciliter mon réveil post-opératoire car même si l'opération se déroulait en anesthésie générale, j'allais tout de même déguster au réveil sans anesthésie locale.

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L'opération a duré 2h30 sur une petite table, quand on m'a fait respirer de l'oxygène dans un masque puis un gaz destiné à m'endormir, je ne me suis souvenu de rien, je n'ai absolument rien senti. Pourtant on m'a intubé, mis sur le côté, bougé dans tous les sens et on m'a fait passer tout un tas d'instruments dans la jambe droite sur une petite table en fer.

Un premier flash, j'étais dans le potage quand j'ai réouvert les yeux, j'étais revenu en salle de radio et j'entendis l'opérateur : "Et une radio en post-op, une !". Yeux fermés.

Un deuxième flash, j'étais en salle de réveil et une infirmière me parla vaguement je ne me rappelle plus de ses paroles, j'allais être transféré dans une chambre du service orthopédique.

Le dernier flash à 5h du matin, j'ouvre les yeux une dernière fois j'arrive dans une chambre et le patient dit à l'infirmière : "encore un nouveau client !" et l'infirmière de répondre "non monsieur Martinho, c'est un patient". Et je me rendormis jusqu'au petit matin.

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A mon réveil je vis le chirurgien qui m'expliqua que l'opération s'était déroulée sans complication, que j'allais pouvoir récupérer en quelques mois mes fonctions motrices. A ma question de savoir si l'on pouvait me retirer le clou, il me dit : "on en rediscute mais de toute façon pas avant un an et cela nécessite une intervention chirurgicale". Etant donné que je pourrai marcher et courir avec mon clou en titane dans la jambe, je ne voyais plus l'obligation de retirer ce corps étranger de mon organisme.

A partir de ce moment, la deuxième partie de mon séjour à Lariboisière commença. Après le personnel spécialisé à proprement parler dans la chirurgie orthopédique : chirurgien, IBODE (infirmier de bloc opératoire diplômé d'Etat), IADE (infirmière anesthésiste diplômée d'Etat), médecin anesthésiste, je rencontrais une nouvelle catégorie de personnel.

Dans le jargon hospitalier le jour de l'opération est dit "J0" (Ji-zéro) pour moi c'est le début de ma seconde vie. Lorsque le Docteur Emmanuel de Panafieu m'a mis un clou de titane pour soutenir mon fémur fracturé au niveau du col et m'a donné toutes mes chances de remarcher et de courir un jour.

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Je passais les trois jours suivants au service hospitalier dans une chambre. Je faisais connaissance avec les infirmières, aides soignantes, femmes de ménage, quelles personnes adorables toujours au petit soin pour que l'on se sente au mieux compte tenu des circonstances. Tant que l'on reste hospitalisé et alité c'est parce que l'on ressent des douleurs. Je l'ai compris quand on m'a proposé de partir au bout de 3 jours lorsque j'étais débarrassé de mes perfusions, de ma sonde urinaire et que j'arrivais à marcher avec des béquilles.

L'anesthésie locale était si puissante que j'avais beau envie de faire pipi, mes muscles ne répondaient pas. On fit passer une sonde par l'urètre jusqu'à la vessie et je puis me vider, ne plus ressentir de douleur à ce niveau. Je pouvais la supporter 24h mais 48h était mon maximum et ce fut un soulagement lorsque l'infirmière la retira.

Le premier jour de mon réveil j'avais droit à la visite de ma famille : ma chère et tendre Amandine et mes parents venus tout droit de Sarcelles. Ils me firent bien plaisir en venant me rendre visite.

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Les jours suivants les amis nombreux se succédèrent à venir me remonter le moral : Giao, Adrien et Baptiste Marlault, Anna, Gilbert, Ben, Pascal, Gilbert, Monique, Roland, Maya, Alexis, Gérald, Muriel. Ils ont fait vite puisque je ne suis pas resté longtemps.

Sur Fessebouc j'eus tellement de mots d'encouragement que je ne pouvais pas baisser les bras bien que c'était dur de ressentir la jambe gauche comme un poids mort, ne pas pouvoir la lever tellement il me manquait des muscles.

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Grâce au kiné les progrès furent rapides car il m'enseigna les exercices et la technique pour marcher avec les cannes anglaises.

Je devrais pouvoir marcher sans béquilles d'ici quelques mois voire faire mon premier footing dans 4 mois le 6 septembre 2014.

Le rendez-vous est pris, en attendant je me reconstruis peu à peu et vais revenir grâce à ma chérie que j'aime tant et qui prend si bien soin de moi.


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