Magazine Journal intime

Du bon usage du téléphone

Publié le 18 mai 2008 par Beatrice29

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, souvent, quand le téléphone sonne, ça tombe un jour où on est particulièrement occupé, on ne s'ennuie pas, on va bien et là, paf, coup de fil... Un ami qui appelle c'est toujours une grande joie (oui, je précise, je ne parle que des appels d'amis, pas des pots de colle qui veulent vendre des trucs) et on est évidemment ravi de cet appel. Et souvent, ces jours-là, plusieurs personnes vous appellent, comme si elles s'étaient donné le mot. Vous vous sentez important soudain, vous vous sentez même aimé... et ça fait un bien fou.
Mais, j'ai remarqué que c'est valable aussi quand on n'est pas occupé ou qu'on ne se sent pas bien du tout. Juste au moment où vous auriez besoin de parler, de tout, de rien, du temps qu'il fait juste pour entendre une voix familière et rassurante, pour vous sentir un peu important et aimé, personne n'appelle. Alors, vous me direz qu'on n'a qu'à appeler dans ces cas-là... Et vous avez raison, bien sûr ! Mais quand on n'a pas trop le moral, on se dit qu'on va déranger, on ne trouve rien à dire et on se voit mal appeler pour dire "Ben c'était juste pour entendre ta voix et me sentir un peu moins seul."... ça fait con comme phrase d'intro. On est trop pudique pour le dire, ça.
En plus, si par miracle dans ces moments-là le téléphone sonne, ça nous laisse entendre qu'on n'est pas complètement oublié et que quelqu'un à qui on tient (ou pas d'ailleurs) a pensé à nous... et ça fait plaisir, non ? Et dans ces cas-là, on n'attend que ça pour se sentir un peu mieux. Sauf que quand ça va pas, y'a jamais personne comme s'ils s'étaient tous donné le mot là aussi... Un hasard malencontreux. Les jours où on s'ennuie, où on n'est pas en forme, on en a marre de la vie, des fois, il suffirait d'un appel, un seul et tout irait peut-être un peu mieux. Ou bien il suffirait d'avoir le courage de prendre son téléphone et d'appeler soi-même, oui, je sais. Il m'arrive de le faire mais très rarement parce que je me dis que ça ne se fait pas d'appeler les gens pour leur imposer comme ça, alors qu'ils ne demandaient rien, des problèmes ou des angoisses qui ne regardent que nous...
Imaginons... votre ami est peinard en train de regarder un beau film, il a décidé de laisser de côté toutes ses emmerdes, il a décidé que ce soir-là il voulait être tranquille, heureux, ne pas se prendre la tête... ou bien pire encore, il est avec l'être aimé, il ne veut que du bonheur, des mots doux, des câlins, de la tendresse et là, PAF, comme un cheveu sur la soupe ou un chien dans un jeu de quilles, vous débarquez avec votre moral plus bas que le ras des paquerettes... En plus, vous n'avez rien de spécial à lui dire à part "Salut, j'appelais comme ça... Ouais, ça pourrait aller mieux... non, rien de neuf et toi ?"... Ben lui oui !!! Justement il en a du neuf ! Et il avait décidé d'en profité avant que vous ne veniez lui plomber sa soirée avec vos conneries !!! Et puis même s'il n'en a pas il avait décidé d'être TRANQUILLE... vous vous rappelez ? Tranquille !
Alors, déjà que vous n'aviez pas le moral, vous avez entraîné votre pote dans ce délire, comme un alcoolo qui refuse de boire tout seul et qui saoule les copains. Et puis, après, pour couronner le tout, vous vous sentez coupable... Vous vous dites que vous n'auriez jamais dû appeler, qu'il va vous en vouloir à mort de lui avoir foutu sa soirée romantique (ou sa soirée film) en l'air ! Donc, ça vous mine le moral encore plus... vous vous dites que la prochaine fois, vous ne lui téléphonerez plus parce que vous ne savez plus où vous mettre avec vos problèmes existentiels qu'il n'a pas à subir... juste parce que vous avez peur de le perdre et de vous sentir encore plus seul et plus mal parce qu'un jour, c'est certain, il en aura ras la coquille de vos désespoirs.
Et vous vous enfoncez un peu plus dans votre canapé, jetant de temps à autre un oeil au téléphone en espérant qu'il sonne parce que si on vous appelle c'est qu'on accepte l'idée de vous écouter, du moins en théorie, c'est qu'on ne sera pas dérangé par vous puisqu'on a fait la démarche de venir vers vous. Eh oui, logique. Alors, bon... bien sûr des fois, y'en a qui raccrochent quand ils comprennent que ce soir c'est pas le moment, qu'on va sans doute pas rigoler... ils trouvent une excuse qui sent bien le bidon (un rôti au four, quelqu'un qui sonne à la porte, un rendez-vous urgent qu'ils avaient oublié) et là, vous vous sentez coupable (encore) de n'avoir pas été aussi drôle que d'habitude, de n'avoir pas su distraire votre ami qui, peut-être ne rappellera plus parce que vous l'aurez prodigieusement gonflé avec vos jérémiades... et vous, vous vous dites qu'une fois de plus vous n'avez pas été à la hauteur. Votre ami appelait pour se distraire et vous l'avez fait fuir. Pas bien. Mais comme vous êtes déjà au 36e dessous, la hauteur, y'a longtemps que vous ne savez plus trop à quoi ça ressemble.
Silence total, le téléphone ne sonne plus ni dans un sens ni dans un autre. Vaut mieux attendre d'aller mieux ou d'avoir un truc à dire... ou bien, penser que la prochaine fois que le téléphone sonnera il ne faudra pas oublier de prendre la voix de circonstance qui dira "Ahhh, salut, ouais, ça va super et toi ??? Ouh la la, oui du neuf, y'en a plein... par où commencer ?"...


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