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Jean-Marie Le Clézio, Tempête

Publié le 31 mai 2014 par Rolandbosquet

 

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      Je suis invité une fois par mois à présenter un livre aux fervents de la lecture de la "médi@thèque" de mon village. Un bien grand mot pour une petite salle attribuée jadis au tri du courrier postal et dévolue aujourd’hui à la culture. Quelques rayonnages judicieusement répartis pour donner l’impression d’abondance accueillent quelques ouvrages en provenance du Département et de la "maison-mère" sise au chef-lieu de la communauté de commune. Dans un recoin, patientent quelques sièges par toujours très confortables à destination de quelques lectrices assidues. J’ai choisi de mettre en exergue, ce matin, le Tempête de Jean-Marie Le Clézio. J’aurais certes pu porter mon dévolu sur de nombreux autres titres récemment publiés tels que le Central Park de Guillaume Musso, Les invasions quotidiennes de Mazarine Pingeot ou les Muchachas de Catherine Pancol. Mais mon cahier des charges rencontre pour l’occasion mes préférences : la littérature. Alors pourquoi ne pas évoquer un livre sans doute déjà bien connu mais qui le vaut bien autant que tous les précédents réunis ? Mais comment parler du travail d’un prix Nobel ? Qui suis-je pour deviser gravement sur son style ou son vocabulaire par exemple ? Quoi qu’il en soit, deux "novellas" (longues nouvelles avec unité de temps de lieu et de ton) se partagent les deux cent trente pages de ce livre à  l’écriture puissante, qui n’avance qu’à petits pas, lourds et mesurés. Rongé par le remord, un ancien journaliste de guerre revient sur une île coréenne où il vécut un grand amour aujourd’hui disparu. Il rencontre une jeune adolescente dont la mère risque régulièrement sa vie pour pêcher des d’ormeaux sur les fonds marins. L’amour qu’il suscite chez la jeune fille le ramène peu à peu à la vie tandis que celle-ci, au contraire, s’enfonce dans les affres d’un amour impossible. C’est à une véritable quête d’identité que se livre l’héroïne de la seconde nouvelle. Rachel découvre un jour qu’elle n’est que le produit d’un viol d’une mère qui l’a abandonnée. Une descente aux enfers l’entraîne alors de détresse en détresse jusqu’à la banlieue parisienne d’où elle est expulsée vers son pays d’origine. Le hasard la conduira jusqu’au dispensaire où elle est née. Mais les intrigues ne sont que d’intérêt secondaire et ne servent qu’à entraîner le lecteur dans le véritable sujet de ces deux courts romans : une quête de soi impitoyable où ni les héros ni les lecteurs ne sont assurés de trouver la rédemption. L’auteur semble par ailleurs observer avec un recul certain les réflexions et les questionnements du journaliste. Comme s’il redoutait d’en paraître complice. Il montre cependant plus d’empathie et de délicatesse envers les héroïnes qui se trouvent confrontées, avec une grande lucidité, à la violence et à l’irresponsabilité du monde des hommes et des adultes. C’est ainsi qu’il fait dire à Rachel : « Avant, j’étais une enfant, je ne connaissais pas la méchanceté des grands. Après, j’ai été adulte et je devenue méchante moi aussi. » Et à travers ses personnages, J.M. Le Clézio retrouve les thèmes qu’il affectionne : la mer, dure et indifférente, les îles, leur étroitesse et leur finitude, l’Afrique, sa violence et ses migrants, Paris et ses banlieues écartées ; des mondes d’errance pour une humanité bafouée bien éloignée des lieux chatoyants de la mode ou des médias. Il est de bon ton d’encenser les écrivains aux cheveux blancs. Il est de bon ton d’encenser les écrivains reconnus dans les plus hautes instances de la littérature. Il arrive parfois que ce soit à juste titre. (Tempête, J.M.G. Le Clézio, Gallimard)

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