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Savoir mourir en temps et en heure

Publié le 20 mai 2008 par Cameron

Ce sont les galets tout au fond qui l'ont attirée. Les galets ronds et froids comme un lit de pierre, au chevet duquel l'eau se tenait immobile.

Bien sûr, elle ne pouvait les voir, mais il lui suffisait de les imaginer, patiemment amassés là par le temps qui passe, dépôt calcaire des heures perdues et des regrets non exprimés. Ils n'attendaient qu'elle, les galets de la rivière. Et les atteindre était si facile.

Alors il fallait remiser tout. Les mots en cours, et l'envie de désillement qui la poursuivait encore, et la vague intérieure qu'elle gardait en elle depuis le plus précieux de l'enfance sans être jamais parvenue à la contraindre au réel. Il fallait imposer silence dans son esprit comme dans sa vie, pour s'ouvrir au courant des choses tues, pour accepter de faire de la renonciation une victoire sur soi.  

D'autres allaient nommer cela mourir, d'autres qui ne savaient pas l'appel des galets ronds et froids, tout au fond, d'autres qui n'entendaient pas le murmure de l'eau comme une humeur de l'esprit emporté. Et on jugerait de son acte, et on y apposerait un sceau qui ne serait pas le sien. Pourtant, c'était si facile. Il suffisait de tendre l'oreille. Il suffisait de tendre la main.

Sur son lit de pierre, serait-elle lestée du poids de ces lignes raturées qu'elle avait ciselées avec tant d'acharnement ?


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