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Ombres et lumières

Publié le 03 septembre 2014 par Jlk

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Notes en chemin (126)

 

Droit de réserve. - « Sils-Maria me permet de dire FUCK » a déclaré, sur je ne sais quelle estrade médiatique,  l’actrice Kirsten Stewart à propos du film dans lequel elle tient le second rôle.

Quant à Juliette Binoche, dans le même beau et lent film d’Olivier Assayas cristallisant la mélancolie de l’âge glissant en nous son serpent de brume, elle dit à un moment, en anglais, « I had a dream », relançant la formule de Martin Luther King.

Avant la projection du film, le publicité dela firme ORANGE s’exclame, comme Barack Obama un jour déclaré historique par les médias, « Yes we can », ou quelque chose dans ce goût-là. Formules d'époque...

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Le serpent de  brume descend des hauteurs de la Maloja et se coule sur « l’un des plusbeaux paysages du monde », autre formule rebattue par la pub, et l’on voit Chloë Grace Moretz, incarnant une jeune star devenue célèbre dans les films de SF, et réputée trashy sur Internet, se conduire en fille stylée lors d’une aubade de musique de chambre dans un salon du prestigieux Waldhaus de Sils où Thomas Mann reluquait de jolis grooms, ainsi qu’il le consigne dans son Journal. La jeunote craquante pense FUCK de tous ses  yeux, au milieu de l’assistance « la plus guindée du monde », comme ne le dit pas la pub, mais elle n’en dit rien..

Au droit  désormais imprescriptible de dire FUCK s’associe ainsi,dorénavant, le droit non écrit de ne pas dire FUCK…

Souvenir du val Fex. – Nous avons failli perdre notre première petite fille, il y a trente ans de ça,  à l’hôtel du Val Fex dont l’absence de barreaux d’une barrière de la terrasse du deuxième étage permettait à un enfant de deux ans de s’aventurer sur la corniche surplombant une dalle de béton, cinq mètres plus bas : mort assurée au milieu de « l’un des plus beaux paysages du monde ». La mère et le père, ce jour-là, s’avancèrent sur des patte de colombe pour cueillir leur merveille au dam du dieu maléfique.

Dans le film d’Assayas, l'aura du paradisiaque val Fex revêt également sa part d’ombre, et c’est en redescendant sur Sils-Maria que Maria Anders (Juliette Binoche à la ville) perd son assistante et jeune amie qui a découvert (ou cru découvrir) sa liberté en lâchent le (trop) fameux FUCK. Le film pourrait s’achever à ce moment-là. Mais la vie continue…

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Ombre et lumière. – Friedrich Nietzsche, philosophe et poète génial mais homme de constitution physique plutôt fragile (d’où ses cantilènes au dieu solaire et à l’Athlète surpuissant à venir), pourrait dire FUCK en découvrant le culte convenu qui lui est voué, lequel lui vaudrait le déboulé des paparazzi en cas de retour. Mais ce furieux fils de pasteur se comportait selon son époque, comme la Maria quadra du film se comporte selon la sienne, qui éclate de rire lorsque Valentine lui parle du jeu « surpuissant » de la jeune star délurée qui va lui donner la réplique.

Dans la peinture chinoise, le philosophe et poète se trouve toujours en position mineure, tout enveloppé par la grandeur de la Nature. C’est ce que rend aussi, à sa façon, le film probe et mélancolique d’Olivier Assayas, dont la « musique » s’accorde si bien à la majesté splendide, mais ombrée d’ombre,  de Sils-Maria…


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