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Eric Reinhardr, L'Amour et les forêts.

Publié le 27 septembre 2014 par Rolandbosquet

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   « Elle s’était sentie autorisée à attendre beaucoup de l’existence, car elle avait toujours suivi son chemin avec foi et ferveur, guidée par l’idée simple que si l’on vit les choses sincèrement, avec droiture, sans dévier, concentrée, au plus près de ses intimes convictions, sans se parjurer ni se mentir ni faire de concessions, la réalité n’est pas en mesure de vous décevoir : même, elle ne peut qu’exaucer vos volontés les plus secrètes et vos rêves les plus fous. » La réalité de Bénédicte Ombredanne, l’héroïne d’Éric Reinhardt, ne sera pas aussi bienveillante qu’elle le croyait. Après s’être longuement, trop longuement, apitoyé sur ses doutes et ses angoisses d’écrivain, l’auteur va, au fil des pages, démonter une à une toutes les vaines espérances de cette jeune agrée de lettres et professeur de lycée, belle et cultivée comme il se doit et admiratrice de Villiers de l’Isle-Adam et de son dix-neuvième siècle. Confrontée au sadisme d’un mari manipulateur, elle se révèlera trop fragile pour tenir allumée cette flamme qui illuminait son enfance. Elle risquera bien une tentative de rébellion à l’issue d’une trop longue et inutile séquence sur un site de rencontres pour adultes consentants. Elle connaîtra même, à l’orée d’une forêt où s’entremêlent émotions et chênes centenaires, un bonheur immense qui lui révèlera ce qu’aurait pu et pourrait être sa vie. Il ne sera qu’un ultime et bref feu d’artifice. Comme les spectateurs de ces déluges de lumière, elle retombera dans la nuit terrible qui engloutit son existence et ne pourra plus que s’y enfoncer toujours plus loin, inexorablement. Dans une langue longuement, trop longuement parfois, travaillée et chantournée comme un meuble du XVIIIème siècle, Éric Reinhardt nous décrit malgré tout, non pas l’avilissement de l’âme d’une martyre qui demeure lumineuse jusqu’au bout, mais le projet pervers d’un homme qui croit pouvoir compenser son insignifiance et se hisser à sa hauteur en la rabaissant et en l’humiliant par un harcèlement continuel et obscène. Sa victime, en définitive, trouvera la liberté. Lui devra continuer de vivre, si tant est que l’on puisse appeler cela vivre, avec ses fantasmes et ses insuffisances. Et les dernières pages de ce récit poignant sont à mettre sans attendre entre les mains de toutes ces femmes, tous milieux confondus, qui subissent elles aussi de semblables tentatives de destruction et entre les mains de leurs bourreaux, en espérant qu’ils décident enfin de s’amender. Lorsque c’est encore possible. (Éric Reinhardt, L’Amour et les Forêts, roman, Gallimard)


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