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Claude Louis-Combet, Radeau de la première femme, III

Publié le 06 octobre 2014 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

RADEAU DE LA PREMIÈRE FEMME, III

Comme petite monnaie et pacotille
Tous les mots sont tombés en chemin
Le souffle a pris le relais de la parole
L’un après l’autre
Les gestes se sont rendus

Dans le regard de l’un comme de l’autre
Chacun l’amant comme l’amante
Coule son âme et son désir
Les mêmes eaux emportent le temps
L’existence est immersion

Femme première
Au cœur de tout instant
Est celle qui flue sans jamais changer
Celle qu’étreinte noue à elle-même
Hors de quoi rien ne serait

Elle a marché comme une seule troupe
Elle s’est trainée sur les genoux
Elle a rampé
Elle a pris possession de sa faille
À coups de griffes à coups de poing

Elle a traversé son enfance femelle
Et sa jeunesse d’affamée
Elle a tranché dans ses désirs
Ni la sainte ni la démone
Mais l’une et l’autre dans l’amante

Elle est allée droit au phalle
Par les chemins qu’elle inventait
Il n’était pas d’autre amant
Celui qui venait à sa rencontre
La suivait depuis toujours

L’un de l’autre l’un par l’autre
De la même étreinte ils sont nés
D’inépuisable amour et d’incessant désir
Jalons d’un mythe qui les dépasse
Et qui les fonde

L’existence est immersion
Dans cette fluidité sans interstice
Où la chair épouse la chair qui l’épouse
La bouche a pris le relais du sexe
Pour prier à l’adresse du néant

Amour, que votre volonté soit faite
Et que rien ne vienne disjoindre
Ceux que le désir a choisis
Faites qu’en partage la mort nous soit accordée
Gisants flottants tels nous viendrons au monde

INSÉPARÉS

Claude Louis-Combet, « Radeau de la première femme », III, in Dérives, Fata Morgana, 2013, pp. 93-94-95. Photographies d’Elizabeth Prouvost.

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NOTE : Dérives de Claude Louis-Combet est directement inspiré de photographies d’Elizabeth Prouvost, qui consacre une grande partie de son travail à la composition de puissantes scènes, dramatiques et symboliques, animées dans leur structure comme dans leur désolation, par l’image du Radeau de la Méduse de Géricault. De cette série des Radeaux, Claude Louis-Combet a retenu cinq figurations dont chacune, à la façon d’une vision complètement intériorisée, a suscité un récit où l’horreur épouse le sublime.
Dérives



CLAUDE LOUIS-COMBET

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Eric Toulot, Portrait de Claude Louis-Combet
Source

■ Claude Louis-Combet
sur Terres de femmes

Celle par qui la ténèbre arrive
→ Depuis le temps que la chair s’épure
→ Hiérophanie du sexe de la femme
→ Isula, insula
→ « J’écris du désir comme du désert »
→ Mala Lucina
→ Noyau central
Suzanne et les Croûtons (note de lecture d’AP)

■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur le site de Fata Morgana) la page de l’éditeur sur Dérives
→ (sur YouTube) Les radeaux d’Elizabeth Prouvost




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