Magazine Journal intime

J'ai beaucoup cru, dans cette vie là. J'ai parié sur l'im...

Publié le 17 octobre 2014 par M.
J'ai beaucoup cru, dans cette vie là. J'ai parié sur l'immensité, sans trop risquer les yeux sur mes chaussettes, enfoncées dans une flaque d'eau jonchée de clopes à demi fumées. Un jour, j'ai eu froid aux pieds. J'ai cru qu'en allant plus loin on repoussait ses propres limites, j'avais négligé de compter que la terre est ronde et qu'on finit inévitablement par revenir au point de départ. J'ai pensé me passer de toi, tirer un trait sur les questions, j'ai pensé honorer ta mémoire, sans me rappeler qu'au contact de l'hiver je ne fais que me changer en monstre. Il est regrettable qu'aucune pause ne soit prévue sur le trajet ; je n'ai pas le temps de refaire ma peau qu'elle est déjà arrachée. Il n'y a que le rictus pour ne pas changer. Il n'y a que la rage pour me taper sur l'épaule et dire : allons, est ce que c'est une façon d'accueillir les vieux amis ? Je range le cri sous clé, le sourire de circonstance toujours à portée, de toute façon personne ne regarde au delà de son propre verre. Je suis fatiguée d'entendre la foule qui exulte, la foule défoncée, la foule bourrée mais la foule qui ne s'arrête pas, j'aimerais les aligner contre le mur, sur le trottoir, en leur disant : si tu parles, si tu bouges, alors... Alors rien. Le vide aura ta peau. Maintenant, casse toi. Maintenant, barrez vous tous. J'attends l'incendie au delà de l'eau qui entoure mon monastère. ça ne me rendra pas la vie, mais pendant un temps, le monde et moi, on aura exactement la même chose en bouche : ce hurlement informe qui ne sait pas se taire. Tu aurais pu m'aimer, ç'aurait été plus simple ; j'aurais joué le jeu. Mais tout était déjà clair à l'aube et rien n'a bougé, le berger se traîne, au bout de son outre, au bout de son rire, dépouillé du troupeau de ses sentiments. Il n'y a jamais eu de créneau pour les génies de la connerie, alors pourquoi s'en faire ? On rentre exactement dans les statistiques du silence. Nous sommes sauvages et nous voulons aimer, ignorants que nous avons mal compris. Il n'y a rien qui corresponde aux consignes, à l'adresse indiquée. Ce monde exact, dans lequel nous avons beaucoup cru, n'a jamais été que l'image encadrée au dessus de la porte. Quand on jette un oeil dehors, ça n'a plus rien à voir. Béni soit l'aveugle. Nous sommes sauvages, et nous voulons brûler, brûler, brûler. Allons, lève les yeux. Tu me dois au moins ce regard, parce que j'ai cru en ton impunité. Eh ! Peut être que tout a commencé bien avant moi. Je ne sais rien de la mer immense et des guerres si bleues. Je n'ai que cette douceur unique à te donner, je n'ai que ce bruit blanc qui me monte aux lèvres. Puis je te confier cet enfant pour qu'il s'endorme, il suffit que tu lui joues cette chanson, et puis, ça va aller.

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