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Chers crétins…

Publié le 15 novembre 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

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« Ils ne seraient dans un autre quartier ni moins rapaces, ni moins bouchés, ni moins lâches que ceux d’ici. Le même pinard, le même cinéma, les mêmes ragots sportifs, la même soumission enthousiaste aux besoins naturels, de la gueule et du cul, referaient là-bas comme ici la même horde lourde, bouseuse, titubante d’un bobard à l’autre, hâblarde toujours, trafiqueuse, malveillante, agressive entre deux paniques. » (Louis-Ferdinand Céliné)

« Putain de foule anonyme toujours prête à lyncher quelqu’un, à lapider ses victimes, à tondre la femme du voisin. » (Renaud)

J’ai clôturé hier l’exposé d’observations que j’ai pu faire concernant les gens de ma génération dans le cadre d’un travail de figuration sur un tournage de cinéma : je vous disais en substance que cette expérience m’avait fait prendre conscience de réalités socioculturelles concernant mes semblables dont j’avais certes entendu parler mais auxquelles je n’avais pas pu avoir un accès direct dans le cadre feutré de mes études universitaires. Jusqu’alors, je n’y croyais qu’à moitié ! Mais je n’étais pas au bout de mes surprises…

En effet, à peu près dans le même laps de temps, j’eus l’occasion de feuilleter cet ouvrage, dont vous avez peut-être entendu parler, intitulé Chers voisins et recueillant des photographies de mots que les habitants d’un immeuble laissent dans les couloirs à l’intention de leurs voisins ; je vous le dis tout net, ça ne m’a pas fait rire du tout ! Au contraire, je trouve ça franchement déprimant, ces gens grossiers et agressifs, toujours prêts à menacer leurs voisins d’appeler la police voire de leur tirer dessus pour un peu de raffut, qui adressent souvent à l’aveuglette, de préférence à tout ce qui ressemble à un jeune, mais sans jamais avoir aucune preuve, leurs messages de haine qu’ils écrivent en faisant six fautes d’orthographe par ligne… Je ne suis pas du genre à vivre dans le passé, mais sincèrement, quand on compare aux Français qui apparaissaient dans la caméra invisible, l’émission avec Jacques Legras, qui étaient si polis, aimables et patients et qui parlaient un français parfait, ça rend nostalgique…

Le mot qui revient le plus souvent dans les messages de ces lyncheurs en puissance est « respect » : un respect qu’ils veulent pour eux-mêmes, point barre, à l’exclusion de toute autre personne, exactement le contraire de ce qui est requis pour une vie en communauté. Quand ils le sortent, soyez certains que ça signifie « soyez inexistants, renoncez à vivre pour que nous puissions continuer à nous ennuyer en toute quiétude ». En somme, ce livre m’a fait toucher du doigt la médiocrité tranquille de la France profonde dans toute son horreur : tous ces mots sentent à plein nez la manif pour tous, les soutiens au bijoutier de Nice, les électeurs du FN, les fans de Michel Sardou, les téléspectateurs de Jean-Pierre Pernault, les pécores qui réclament la peine de mort à chaque fait divers un tant soit peu sordide, les gros beaufs qui gobent sans sourciller les conneries dont la télé et Internet les abreuvent… Il y a quelque chose de néo-pétainiste dans l’attitude de ces bons français qui ne conçoivent pas le paradis autrement que silencieux comme un cimetière et seraient toujours prêts à dénoncer à la kommandantur comme « juifs » ou comme « clandestins » les voisins qui les dérangent ou dont ils convoitent l’appartement plus beau que le leur…

Conclusion : ce livre est certes une photographie malheureusement assez fidèle de la France d’aujourd’hui, mais ne venez pas me dire que c’est un bouquin d’humour, il m’a donné envie de me flinguer ! Et je vous promets que si un jour je vis en appartement, je compte bien pourrir la vie de ceux qui oseront laisser des messages aussi haineux, même s’ils ne me sont pas adressés : je sais que rendre coup pour coup, ce n’est pas l’idéal, mais je n’ai pas de pitié pour les cons.

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