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4-Ma drogue, l’écriture

Publié le 05 novembre 2014 par Lucie Léanne @lucieleanne75

 Camée des mots

«Le pouls est faible, le teint blême, les oreilles beaucoup trop décollées…ça ne me rassure guère.

 Le docteur d’un geste nerveux, se gratte la joue.

-Depuis combien de temps est-elle dans cet état ?

-Depuis que j’ai fini d’écrire mon roman, PATATE ! »

Je me réveille en sursaut, couverte de sueur. Toujours le même rêve quand un roman est terminé. Toujours le même tourment. Ah ! Comme je souffre. Une angoisse effroyable me tenaille le cœur. Adieu univers poétique, personnages, mon refuge…Tout ce que j’ai bâti pendant des mois s’est évanouit avec la phrase finale. O lecteur, méditez bien ceci ! Un écrivain est un camé des mots. Sans sa drogue, il se meurt. Quelle injustice ! Quelle agonie ! Pauvre ère, isolé dans sa coquille, incompris.

drogue

On l’invite parfois à un diner, à une promenade entre amis. Son esprit vagabonde ailleurs, loin du monde. Des soupirs de regret souvent s’échappent de sa poitrine. Il s’ennuie ; le temps ne passe pas. Quand le soir tombe, il parle à ses escargots bien qu’ils soient sourds. Et le fou littéraire, de  sa petite voix que lui seule entend, lui rappelle constamment le vide, l’absence d’écrits que rien ne peut combler.

Ecrivain : un métier délirant

Le roman est terminé ? Comme d’habitude, j’envoie le manuscrit aux maisons d’éditions. Les semaines passent et trépassent ; aucune réponse. Comme d’habitude, je coagule mais cette fois-ci un peu trop; le sang peine à circuler dans mon cerveau. Fébrilement je m’approche du vivarium où dorment les escargots, les observe absorbée dans une béate contemplation. « Petites bêtes à spirales, avec leurs couettes sur la tête:  » Oh ! Mes mignons…C’est difficile de rester sans écrire…Je pourrais vous apprendre mais ça prendrait un temps fou…Attendez ! Maman revient dans cinq minutes. »

Je suis allée voir la gardienne de l’immeuble, lui ai dit de ne pas plus me déranger car désormais je suis un escargot. Lorsqu’ elle a appris ça, elle a ouvert de grands yeux, bredouillant quelque chose d’inaudible et a failli mourir de peur : pauvre femme….sans doute n’a-t-elle jamais parlé à un gastéropode.

L’hôpital psychiatrique : une référence

Grosse fatigue. Je suis dans un hôpital psychiatrique, je me repose. Comment ai-je pu croire un instant que j’étais un escargot ? Nous autres écrivains, sommes des êtres très fragiles, très sensibles. Sans notre univers, sans notre drogue , nous tombons vite dans les ténèbres, la folie. D’ailleurs les plus grands écrivains ont effectué un séjour à l’asile : Antonin Artaud, Virginia Woolf, Hemingway, Romain Gary, Valérie Valère…(d’ailleurs mon roman La Frontière parle de ça). C’est un passage obligé qui force le respect, un peu comme un pèlerinage à la Mecque.
Tous les grands écrivains sont-ils fous ? La folie décuplerait-elle le talent, voire le génie créatif ? Peut-on être un grand écrivain sans être mentalement perturbé ? Et qu’est-ce qu’un grand écrivain ?

Un écrivain talentueux se démarque des autres car :

-Il a son propre style, reconnaissable entre mille : le style durassien diffère radicalement de celui de Le Clézio, d’Amélie Nothomb ou encore de Christian Bobin.
-Son intention première n’est pas de plaire au public à tout prix. Il écrit avec ses tripes, crache sa douleur, sans voyeurisme ni vulgarité.
-Il sait évoluer, se renouveler, n’aborde pas toujours le même sujet.
-Il ressent  un besoin d’écrire qui est vital; sans cette drogue, il dépérit
-Il sait durer, publie régulièrement des romans de qualité, qui se font attendre.
-ENFIN un grand écrivain n’est pas forcément publié même s’il a du talent. Regardez…MOI par exemple ; je n’ai été publiée que deux fois et pourtant mon talent saute aux yeux. Et sur internet, comme ailleurs il y a des écrivains très doués.

Les grand écrivains ont toujours souffert de la folie à des degrés moindres, de troubles psychiques (dépression, angoisses, bipolarité…). L’art, en l’occurrence l’écriture, leur sert d’exutoire face à cette folie qui les rongent. Elle leur permet d’interpeller, de faire rire, rêver ou d’émouvoir.

Bien sûr qu’il existe de très bons écrivains, sains d’esprits, sans antécédents psychiatriques. Comment les reconnait-on ? Ils ne portent pas d’entonnoir sur la tête.


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