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Histoire-fiction : l’attentat du 7 janvier 1970

Publié le 13 janvier 2015 par Legraoully @LeGraoullyOff

Je suis Hara-Kiri

7 janvier 1970, 20 heures : Léon Zitrone, présentateur du journal de la première chaîne de l’ORTF, annonce aux téléspectateurs français qu’un attentat d’une violence rare a été commis dans les locaux du journal satirique L’hebdo Hara-Kiri : deux individus cagoulés et armés de fusils automatiques sont entrés de force dans la salle de rédaction de l’hebdomadaire, où l’équipe, au quasi-grand complet, préparait le prochain numéro. Les intrus ont fait feu sur les collaborateurs du journal, tuant sur le coup le directeur du journal, Georges Bernier, plus connu sous le nom de professeur Choron, le rédacteur en chef, François Cavanna, et les dessinateurs Pierre Fournier, Jean-Marc Reiser et Georges Blondeaux dit Gébé. N’en ont réchappé que le très célèbre Georges Wolinski et le chroniqueur Delfeil de Ton, qui ne furent que blessés. Suite à un réveil tardif, le dessinateur Jean Cabut, dit Cabu, n’était pas présent, de même que l’artiste hollandais Willem, absence qui leur fut salutaire. Les deux individus ont réussi à s’enfuir : d’après le rapport de la police, il s’agirait de deux anciens combattants d’Algérie rattachés à l’OAS. L’hebdomadaire satirique aurait déjà reçu des menaces de mort mais n’avait pas souhaité s’en remettre à la protection de la police.

21 janvier 1970 : Quinze jours après les faits, le président Georges Pompidou n’a toujours fait aucune déclaration publique sur l’attentat du 7 janvier, pas plus que le premier ministre Jacques Chaban-Delmas : toute tentative des journalistes d’arracher à l’exécutif un mot à ce sujet s’est heurté à un mur d’indifférence dédaigneuse. Silence radio aussi du côté de l’opposition, même le général De Gaulle n’a pas jugé utile de sortir de sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises pour commenter l’événement. Seul le ministre de l’intérieur, Raymond Marcellin, a consenti à répondre « laissez la police travailler ». Au terme d’une enquête bâclée, la police a déjà classé le dossier, le déclarant sans suite. Les assassins, qui n’ont été ni localisés ni identifiés, courent toujours sans que cela provoque la moindre émotion populaire ; les Français, déjà traumatisés par les événements de mai 68, semblent même plutôt soulagés d’avoir été débarrassés d’une bande d’empêcheurs de roupiller en rond. Choron, Cavanna, Fournier, Reiser et Gébé ont été enterrés dans la plus stricte intimité, leurs familles n’ont fait aucune déclaration publique et auraient même reçu de la part de la police l’ordre de se taire. Quelques lecteurs de L’hebdo Hara-Kiri ont bien tenté d’organiser une manifestation de soutien à leur journal, aux cris du slogan « Je suis Hara-Kiri », mais elle fut aussitôt réprimée par les CRS ; de toute façon, faute d’argent et de collaborateurs, L’hebdo Hara-Kiri a déjà disparu des kiosques, de même que le mensuel Hara-Kiri dont il était le prolongement hebdomadaire. Cabu, Wolinski, Willem et Delfeil de Ton poursuivent leurs activités dans l’hebdomadaire Pilote qui n’avait consacré que deux pages à l’attentat du 7 janvier et n’en fait déjà plus état, suite à la demande du directeur, René Goscinny, de « ne pas insister lourdement sur un sujet qui n’intéresse visiblement pas les gens ». De fait, les journaux préfèrent consacrer leur « une » à la visite annoncée du prédisent égyptien Nasser à Moscou et aux débuts d’un jeune chanteur promis à un brillant avenir, un certain Michel Sardou…

Conclusion : Non, tout n’était pas mieux avant.

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