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La guitare

Publié le 27 mai 2008 par Civmat
C’est marrant comme le même objet lorsqu’il change de main peut devenir un objet de plaisir ou un objet de souffrances.
Prenez la guitare par exemple. Eh bien, c’est sûr qu’entre les mains de feu Hendrix, de P. Paul Fenech, Jack White, Franck Black ou mon copain Mourad on peut vraiment prendre son pied à écouter le musicien tirer des sons de cet instrument. Et je ne cite que les premiers noms qui me viennent à l’esprit, je ne recherche pas l’exhaustivité. Non, c’est vrai, il y a plein de gens qui savent se servir de la guitare et sont capables durant un petit moment, sauf si on prend en même temps qu’on écoute des substances illicites — ce qui n’arrive jamais — de nous faire oublier notre triste réalité. On se dit que non seulement l’instrument a des formes sensuelles, mais les sons qui en sortent sont en accord avec sa plastique.
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Quand c’est un Joe Satriani ou un Mark Knopfler qui a l’instrument en main, je reconnais que techniquement il n’y a pas grand-chose à dire, mais j’ai du mal à réprimer un bâillement, genre je sais que tu peux tirer les sons que tu veux de ton instrument, mais quand tu découvriras que c’est pas juste une technique tu n’hésites pas, tu m’appelles. Quoi de pire que ces mecs qui imaginent qu’il faut atteindre la perfection technique et vous assomment en cherchant à vous prouver leur talent ?
Ben de pire, y’a des gens comme mon copain. Je ne l’appellerais pas parce que déjà j’ai perdu son numéro et qu’on ne sait jamais s’il tombait par hasard sur ma prose, il ne serait sans doute pas content. En tout cas, quand il prenait la guitare, c’était terrible. On parle souvent des enfants qui torturent leur auditoire forcé en apprenant le violon, du cri redoutable du porc qu’on égorge, eh bien essayez d’imaginer pire.
Marc+Police+front.jpgCeux qui me connaissent dirons que c’est l’hôpital qui se fout de la charité, certes, à la différence cependant que j’ai compris que je ne savais pas jouer et que je n’ai jamais infligé à qui que ce soit l’écoute de mes méfaits. Mon ami se prenait pour un technicien hors pair. Il possédait d’ailleurs un matériel à donner envie à de vrais guitaristes. Un de ses plaisirs était de nous faire la démonstration de son talent. Je me souviens d’une soirée où nous dînions chez lui. Après le repas, alors que nous nous apprêtions à prendre un digestif — c’était il y a quelques années et la lutte contre l’alcool au volent était encore balbutiante — il glissa une cassette dans le lecteur en nous disant :
— Vous allez écouter, je suis particulièrement satisfait. J’ai trouvé le son. Et c’est une composition à moi ! »
Cette précision était superflue, aucun musicien même amateur n’aurait pu composer un tel fatras de notes. Nous nous regardions, cherchant une issue pour fuir. J’étais prêt à avouer n’importe quel crime pour que ça s’arrête. Ca s’est arrêté et le pire a commencé :
— Alors, comment avez-vous trouvé ?
Nous étions encore bons amis, on a trouvé des périphrases alambiquées pour dire que ça faisait du bien quand on entendait la dernière note. Dans ces moments, je serais prêt à brûler toutes les guitares sur Terre pour éviter à des gens comme lui de saloper ce qui peut être si bon. Je serais prêt à jurer de ne plus écouter que du Mark Knopfler, à ne lire que du Marc Lévy (il y a des prénoms qui portent la poisse quand même…). Mais bon, je repose un vieux Lou Reed sur ma platine et mon désamour passager s’éloigne vite.

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