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Pour les musulmans

Publié le 24 janvier 2015 par Jlk

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Publié en août 2014, cet essai-manifeste revêt aujourd'hui une actualité nouvelle, pour une réflexion et une discussion de bonne foi alors que les discours d'exclusion et de de haine se déchaînent à nouveau...

 

 

Edwy Plenel. Pour les musulmans. La Découverte, 134p.

 

-   Première lance rompue contre Alain Finkielkraut. Qui déclarait en juin 2014 à la radio qu’ »il y a un problème de l’islam en France ».

-   Un lundi de Pentecôte où l’Evangile parle des langues de feu descendant sur les apôtres et faisant d'eux  d’eux des polyglottes.

-   EP y voit, dans le christianisme originel, l’écho de la diversité et le souci des autres.

-   À quoi il oppose la « langue bienséante de discrimination » du nouvel académicien, « complice en régression xénophobe » d’un Renaud Camus.

-   Rappelle les propos de Finkielkraut dans le journal israélien Haaretz, en 2005, évoquant une« révolte à caractère ethnico-religieux » et la « barbarie à nos portes ».

-   Finkielkraut fustigeant l’antiracisme comme une nouvelle idéologie dangereuse.

-   En phase avec un Sarkozy dénonçant la « dictature des bons sentiments ».

-  EP rappelle que nous avons connu un autre Finkielkraut à l’époque du Juif imaginaire.

-  La phrase de Finkielkraut, et le préjugé qu’elle accrédite dans les grandes largeurs du public, l’a décidé à écrire Pour les musulmans.

-   Rappelle ensuite qu’en 2013 la commission consultative des droits de l’homme a pointé « la montée de l’intolérance anti-musulmane », précisant que « si on compare notre époque  à celle de l’avant-guerre, on pourrait dire qu’aujourd’hui le musulman, suivi de près par le Maghrébin, remplace le juif dans la représentation et la construction d’un bouc émissaire ». (p.19)

-   Note qu’un an plus tard le même CNCDH observait la résurgence d’un « racisme brutal, biologisant, faisant de l’étranger un bouc émissaire », accompagné d’une forte hausse d’actes anti-musulmans.

-   Pointe la banalisation de l’islamophobie au nom de la laïcité.

-   Désormais l’islamophobie relèverait de la liberté d’expression, au contraire de l’antisémitisme ou du racisme ordinaire.

-   Cite l’historienne Valérie Igounet, auteur d’un livre sur le Front national, qui a constaté que pour celui-ci l’ennemi n’était plus le juif mais le musulman. 

-   Le vice-président du Front national, Louis Aliot, confirme d’ailleurs que « la dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme », vu que celui-ci coûte des voix au parti…

-   EP pense que du sort fait aux musulmans en France dépendra le rapport du pays au monde.

-   Constate que l’essentialisation identitaire passe par l’essentialisation xénophobe.

-   En appelle à un sursaut de conscience et en revient alors à l’affaire Dreyfus, symbole d’une injustice ancrée dans l’antisémitisme de la fin du XIXe siècle.

-  Rappelle qu’avant son J’accuse, paru le 13 janvier 1898, Zola avait publié un premier papier intitulé Pour les Juifs, en 1896.

-  Il visait en priorité l’antisémitisme mondain de la France d’en haut, notamment encouragé par La France juive de Drumont, livre abject paru la même année.

-   Les juifs y étaient présentés comme une communauté sans racines, inassimilable et adonnée au culte de l’argent.

-   EP : « De même qu’aujourd’hui, entre argent et terrorisme, richesse de régimes obscurantisteset violence des radicaux intégristes, les musulmans de France sont embarqués dans une réprobation universelle, rendus coupables de méfaits et de crimes qui leur sont lointains et étrangers, par simple délit d’appartenance, d’origine ou de croyance ». 

-   En 2012, Claude Guéant déclarait que « toutes les civilisations ne se valent pas ».

-   Le député de la Martinique Serge Letchimy lui rentra alors dans le cadre devant l’Assemblée nationale, lui reprochant une « injure faire à l’homme » et lui rappelant quecertaines civilisations supérieures ont aussi produit les camps nazis…

-   Les propos du député furent considérés comme un « dérapage » et le gouvernement quitta l’Assemblée alors que son président faisait taire l’insolent insulaire…

-   EP rappelle en outre la façon du même Claude Guéant de « relativiser » la notion d’égalité en matière de droits de l’homme.

-   Estime aussi bien que la question coloniale reste un fantôme dans le placard de la droite française.

-   Constate que le travail de deuil de l’imaginaire colonial français n’a pas été fait.

-  Rappelle les termes d’Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme, affirmant que l’aventure coloniale a « décivilisé »le colonisateur et « ensauvagé » l’Europe.

-   Rappelle l’hommage hypocrite de Sarkozy à Césaire - enfin mort…

-   Revient ensuite sur le séminaire prospectif du pouvoir socialiste, en 2013, où Manuel Valls entrevoyait 3 problèmes des plus urgents : 1) l’immigration découlant de la démographie africaine, 2) la compatibilité de l’islam avec la démocratie et 3) le problème du regroupement familial des immigrés.

-   EP prétend que ces priorités relèvent de l’obsession xénophobe.

-   « L’islam fait ici lien pour fabriquer un ennemi global ».

-   Le discours de Valls revient à dire que, d’un côté, ils risquent de nous envahir (immigration) et que del ’autre ils profitent de nos lois (regroupement familial », désignant bientôt un « ennemi intérieur »

-   Rappelle la prédiction de MichelFoucault à propos de « la purification permanente qui sera l’une des dimensions fondamentales de la normalisation sociale ».

-   Passe ensuite au thème de la déchéance de la nationalité.

-  Sarkozy , en 2010, en a menacé les délinquants d’origine étrangère, faisant fi du 1erarticle de la Constitution.

-  Puis furent désignés les Roms ,par Valls aussi, l’hebdo Minute titrant : « L’arbre rom qui cache la forêt arabe ».

-   Analyse (p.77) la distinction entre assimilation et intégration.

-   La première est négation de soi et la deuxième seule préserve les composantes sociales et culturelles de l’individu.

-   Cite Edouard Glissant :« Tu échanges, changeant avec l’autre sans pour autat te perdre ni te dénaturer ».

-   « L’impératif de l’assimilation est une euphémisation de la disparition. Une façon de souhaiter que les musulmans de France, à quelque degré qu’ils le soient, ne le soient plus »…

-   Pointe la surenchère médiatique liée à la visibilité des musulmans dans l’espace public.

-   Estime que la focalisation excessive sur la question du voile occulte la question sociale.

-   Critique une laïcité qui vire (!) à l’intégrisme.

-   Rappelle (p.80) ce que Marx entendait par « opium du peuple » à propos de la religion.

-   « Marx juge plus important ce que les hommes font ensemble que ce qu’ils croient séparément ».

-   Remet en cause la haine de lareligion qui s’est emparée de la gauche, extrême compris.

-   Rappelle l’opposition de Robespierre au « totalitarisme athée », telle que l’a montré Guillemin.

-   Revient à la position de Jaurès en 1910 : « Je ne suis pas de ceux que le mot Dieu effraye ».

-   Jean  Jaurès : « Tout acte de bonté est une intuition du vrai, tout effort dans la justice une prise de possession de Dieu ».

-   Cela qui recoupe, selon moi, la position de Victor Hugo. 

-   EP relève alors qu’être musulman en France est aussi légitime et compatible avec un idéal de progrès qu’être ouvrier ou étudiant chrétien à d’autres époques…

-   Critique ensuite, par opposition aux voltairiens d’hier, l’attitude des voltairiens d’aujourd’hui et leurs incantations laïques camouflant des positions d’exclusion.

-   Rappelle alors l’origine de la loi de 1905, marquant la séparation des Eglises et de l’Etat.

-   « La loi de séparation est un achèvement plutôt qu’une rupture ».

-   Cite Victor Hugo à l’Assemblée en 1850 déjà : « L’Eglise chez elle, l’Etat chez lui »…

-   En revient aux fondateurs (Briand, Jaurès et de Pressensé)  pour lesquels l’Etat n’est ni hostile ni indifférent aux religions, mais leur est extérieur, son action relevant de ce monde et d’aucune transcendance.

-   Une phrase qui ferait très plaisir à mon ami Jean Ziegler : « Sous toutes les latitudes, le sort fait aux minorités dit l’état moral de la société ».

-   EP dit écrire contre la guerre des mondes dont la religion est l’alibi.

-   Citation d’actualité :« Jamais les crimes commis par de prétendus musulmans ayant eux-mêmes sombré dans ces guerres sans fin ne justifieront qu’en retour nous persécutions les musulmans de France ». (p.101-102)

-   Et cela : « Tandis que la question palestinienne restait en insupportable souffrance, malgré la reconnaissance de l’Etat d’Israël par les forces majoritaires du mouvement national palestinien, Européens et Nord-Américains n’ont cessé de soutenir, alternativement ou parallèlement, des pouvoirs laïcistes dictatoriaux ou des régimes religieux obscurantistes qui, sous leurs différences, partageaient l’indifférence aux droits de leur peuples.

-   Tous CHARLIE le 11 janvier !

-   Dénonce la politique catastrophique des nations occidentales depuis 1979, après l’entrée en lice de l’islam politique de Khomeiny.

-  Signale ensuite l’essai d’Edward W. Saïd sur L’islam dans les médias, où l’intellectuel palestinien installé aux States constate que les cultures arabo-musulmanes sont systématiquement dépréciées dans les médias sans heurter le politiquement correct.

-   Comme s’il était désormais établi qu’islam= intégrisme= terrorisme possible.

-   Rappelle ensuite que les fondements de la culture européenne ne sont pas que judéo-chrétiens.

-      Et que sous l’égide de la« civilisation chrétienne », des guerres de religions sans fin se sont déchaînées.

-   Les Suisses, ajouté-je, se sont tapé sur la gueule pendant des siècles au nom de leurs confessions respectives, etc.

-  Conclut en évoquant le livre Cet autre, de l’écrivain-journaliste-voyageur polonais Richard Kapuscinski, qui écrit : « Pour la première fois, l’Autre devient réellement un problème interne à la culture européenne, unproblème éthique concernant chacun de nous ». 

-   Affirme que notre véritable adversaire est la peur.

-   « Hier comme aujourd’hui, la peur du monde est toujours au ressort des xénophobies et des racismes.

-   Rappelle la dure réalité néo-libérale : « L’oligarchie qui, depuis une trentaine d’années, a pris ses aises dans la dérégulation et la financiarisation veut des pauvres (c’est-à-dire tout ce qui est moins riche qu’elle) qui la laissent tranquille en se faisant bataille les uns les autres plutôt qu’en retrouvant ce qui les rassemble – leur condition sociale, leur situation salariale, leur habitat commun, leurs conditions de vie, etc ».

-   Rappelle enfin son parcours personnel de natif de Bretagne (de père catholique et de mère protestante) qui a grandi outre-mer jusqu’à 18 ans (en Martinique et en Algérie) et qui a construit sa propre famille avec une compagne de culture juive.

-   Se dit a-religieux, tout en récusant la haine de la religion professée dans notre génération.

-   Cite pour conclure, en beauté,les mots d’Aimé Césaire dans le premier numéro de sa revue Tropiques :« Ah ! tout l’espoir n’est pas de trop pour regarder le siècle en face ! Les hommes de bonne volonté feront au monde une nouvelle lumière. »

-  Voilà : c’est le salutaire manifeste d’un homme de bonne volonté, précisément, que Pour les musulmans, qui vient à point nommé nourrir une réflexion indispensable au lendemain de la tragédie des 7 et 8 janvier 2015.


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