Magazine Journal intime

La solitude du coureur de fond

Publié le 28 mai 2008 par Corcky


Aujourd'hui, lecteur, je suis bien contente, car je vais te balancer la comparaison la plus pourrie que tu aies pu entendre depuis cette fameuse phrase de Forrest Gump (film qu'on aurait pu sous-titrer "les débiles parlent aux débiles"):
La vie, c'est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
Qui dit mieux?
Moi.
Attention:
L'amour, c'est comme un marathon, ce qui compte, c'est de tenir la distance.
Alors?
Hein?
C'est-y pas de la phrase de merde, ça? Mmmmm?
Tu permets que je pose un copyright sur cette tirade, que j'enregistre immédiatement comme "la comparaison la plus merdique du mois de mai".
Pourquoi je te dis ça?
Merde.
Je sais plus.
Le matin, je suis comme toi, lecteur: j'ai la tête dans le cul, le poil hérissé, l'haleine chargée, et les neurones qui font grève (ce qui peut poser problème, parce que j'en ai assez peu, mes neurones étant inversement proportionnels, en quantité, aux grossièretés que j'utilise quotidiennement).
C'est encore plus vrai quand la pluie joue du djambé sur les vitres, que le ciel est aussi plombé qu'une dent pourrie au dernier stade de la dévitalisation, et qu'un vent de Sibérie vient saloper ma belle terrasse avec tout ce qui peut raisonnablement être déposé par une bourrasque soudaine, depuis les pétales de fleurs jusqu'aux vieux kleenex, en passant par deux feuilles de salade moisies venues d'on ne sait où.
Comme ce matin.
Pourtant, ça va te sembler mièvre et digne d'un épisode de Docteur Quinn, femme médecin, mais il me suffit de jeter un regard à ma femme, et aussitôt, comme dans la pub pour cette ignoble barre chocolatée spécialement créée pour transformer le Français moyen en obèse yankee, eh ben ça repart.
Oui.
Alléluia.
Joie dans les coeurs.
Noël.
Ma femme, elle a beau avoir la tête dans le cul tout pareil (mais dans le sien, lecteur, ne va pas t'imaginer des pratiques inavouables et particulièrement répugnantes), les yeux tout collés de sommeil, le pif semblable à un camion de pompier et la goutte qui frémit sur le bord de la narine, elle a sur moi l'effet d'une Juvamine.
D'un Guronsan.
D'un comprimé d'amphétamine.
D'un rail de coke.
Tiens, ce matin, rien que de la voir débarquer dans la salle de bains, uniquement vêtue d'un jean, le cheveu encore humide et la peau toute parfumée à la pêche, ça m'a donné le genre de coup de fouet que peut ressentir le coureur de fond quand, au bout du rouleau, épuisé après un marathon de quarante kilomètres, déshydraté au point de ressembler à un sachet de bouffe lyophilisée pour célibataire pressé, sur le point de s'écrouler comme une merde à deux mètres seulement de la ligne d'arrivée, il entend soudain la voix de son sponsor, célèbre marque de chaussures ou de couches pour adultes, qui lui souffle à l'oreille, telle la voix de Dieu sur le Mont Sinaï:
- Ecroule-toi maintenant, et ton contrat, tu peux en faire des cocottes en papier, espèce de raclure de sous-merde de nain hydrocéphale.
Ah ben voilà pourquoi je te parlais de marathon, au début de ce billet!
Bon sang mais c'est bien sûr!
L'amour, donc, c'est comme un marathon.


Ce qui me fait penser qu'une copine me demandait, l'autre jour, au hasard d'une conversation:

- Et toi, c'est quoi, la pire chose qu'on ait pu te dire? 
- Heu...Je sais pas. Les insultes, ça compte?
- Nan. Un truc qui ne voulait pas être méchant, mais qui t'a fait un mal de chien.
- Bon..."Je te quitte parce que je t'aime"...ça compte?
- Pffffff! C'est d'un banal! T'es lesbienne, tu te souviens? 
- Ah oui...t'as raison. Je crois que j'en tiens une pas mal, alors. Attends...

La pire chose qu'on ait pu me dire?
Un délit de "coups et blessures au coeur ayant entraîné la mort affective sans intention de la donner" ?

Facile.

Une fille dont j'étais mordue...Mais mordue-mordue, hein! Pas "vaguement amoureuse", ni "un peu attachée". Mor-due.  Qui, bien entendu (et pour ceux qui l'ignorent, c'est souvent un classique chez les lesbiennes, comme le parricide dans les tragédies grecques et le pet sonore dans la comédie franchouillarde), avait DEJA une copine.  Qui, évidemment, jurait ses grands dieux qu'elle allait trèèèès bientôt la quitter, promis-juré-craché, si je mens, je vais en enfer me taper les rediffusions de la Chance aux chansons ad nauseam.Et qui, of course, ne l'a jamais fait. Et qui, au bout de deux ans de clandestinité (genre "guérilleras du sentiment", embusquées dans la jungle de l'adultère, planquées dans la Sierra Maestra des relations extra-conjugales), a fini par me demander, avec une innocence désarmante (qui, rétrospectivement, me donne envie de lui coller la baffe du siècle):
- Dis...tu veux bien être mon porte-avion?

Hein?
Ma qué porte-avion?

- Quoi, tu veux que je me transforme en Charles de Gaulle ? Un énorme machin qui marche pas, un gouffre à fric qui rouille sur place? T'essaies de me dire que je devrais faire un régime, c'est ça?

- Mais non!

Et de m'expliquer...


Que pour elle, je suis comme une oasis en plein désert.
Que je suis un havre de paix.
Que nos petits moments volés (volés, quand même, à une tierce gonzesse qui n'a rien demandé, la pauvre) sont autant de trésors inestimables qu'elle chérit dans son petit coeur (et mon cul, c'est du poulet).
Et que, donc, en fait, pour résumer, sans digresser davantage, allant droit au but, sans plus tergiverser:
Elle voudrait bien qu'on continue comme ça.
Comme ça?
Oui, comme ça.

- Tu comprends...Je voudrais bien pouvoir venir me poser, de temps en temps...faire le plein de sens...

D'accord. Tu serais donc un mirage 2000? Pire, un Rafale?
Un petit n'avion voyageur, un oiseau de métal sans port ni attaches, qui viendrait se reposer un peu sur ma carlingue placide, faire "le plein de sens", avant de redécoller pour de nouvelles aventures.
Mouais.
Ou bien, moins poétiquement, une putasse égocentrique qui veut le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière?

Voilà pour le théorème du porte-avion. 
Une philosophie de vie, quoi.
Accessoirement, une réplique honteusement piquée à Daniel Pennac, vu que c'est un dialogue entre l'inénarrable Malaussène et la belle Julie.

Bref.

Des coups comme celui-là, je sais pas pour toi, mais moi, ça m'est finalement arrivé plus souvent qu'à mon tour.

Un marathon, je te dis.Avec, en prime, pas mal d'obstacles à te farcir, une épuisante course de haies, et pour la dimension religieuse, j'ajouterais même: Un véritable chemin de croix.

Alors moi je dis que quand tu tombes sur quelqu'un qui arrive à te faire démarrer du bon pied rien qu'en se trimballant à moitié à poil dans une salle de bains mal éclairée, quelqu'un qui te fait gonfler le palpitant à tout moment de la journée en te déposant un chaste baiser dans le creux de l'oreille, quelqu'un qui accepte même de te laisser jouer à GTA 4 pendant des heures sans que ne l'éffleure l'idée d'aller illico demander une rupture de PACS pour  incompatibilité d'humeur et de quotient intellectuel...

Eh bien, tu l'as presque gagné, ton marathon à la con.


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