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9-Venez visiter mon quartier…avec un bouclier.

Publié le 21 octobre 2014 par Lucie Léanne @lucieleanne75

Un choc culturel

J’habite le 18 ème arrondissement de Paris, coté pauvre, vers Barbès. Un quartier populaire bagarreoù se côtoient plusieurs ethnies avec différentes cultures: français, africains, algériens et chinois. Ça se mélange plutôt bien; de jolies couleurs. Quelquefois, il y a des bagarres, la tension monte vite mais redescend presque aussitôt : question de dosage, de jour aussi. Par exemple, le samedi c’est l’effervescence: entre le marché rue de Torcy : «Elle est belle ma salade! 1 euros. Eh cousine! Si tu viens chez moi à minuit, je te la donne gratis !», les bazars des Mille et Nuits où l’on trouve tout, des casseroles à de l’eau en poudre à diluer, et les restaurants chinois ouverts 26h /24h, il y a là un vivier formidable pour l’écrivain que je suis.

Avec de grands coups

Rue Marx Dormoy. Comme tous les samedis après-midi, je fais mes courses, sors du Franprix le cabas bien rempli. Des cris soudain attirent mon attention. Au loin, il y a un attroupement. Je m’approche, doucement me faufile parmi la foule : deux hommes se disputent:
-Quoi? T’es pas content ? Tu veux que je t’éclate la tête?
-Oui, viens ! Qu’est-ce que tu attends ? Poule mouillée !
Et je commence à rêver, des phrase défilent dans ma tête. En hâte, je sors mon calepin,  commence à écrire…
Quel combat aujourd’hui? Mohamed Ali contre George Foreman: beau spectacle. Les deux hommes, deux africains, s’échauffent verbalement.
-Enfoiré ! Mon téléphone portable, tu ne me l’as jamais rendu! Je suis sûr que tu l’as revendu !
-C’est faux ! Je te l’ai rendu hier soir, au bar mais tu étais tellement bourré que tu n’en te souviens plus !
-Et tu crois que je vais avaler ça ?!?
Le match commence : Mohamed Ali met une superbe droite à George Foreman. Ce dernier accuse le coup, et lui rend immédiatement. Je suis bien installée dans les premiers rangs. En bookmaker professionnelle, je sors mon calepin, ma casquette que je visse sur ma tête puis d’une voix gouailleuse, harangue la foule :
-Mesdames, messieurs, le match a commencé: les paris sont ouverts. Combien sur Mohamed Ali ? Combien sur George Foreman ? Allez, on se lance!
Un vieil homme s’approche de moi :
-Madame…C’est lequel votre poulain ?
-Tu dis, chéri ?
-Votre poulain…C’est lequel ?
-Mohamed Ali, bien sûr ! Regarde-le comme il bouge ; un vrai papillon.
-Vous pensez qu’il gagnera en combien de round ?
-Deux round, chéri ; deux petits round de rien du tout. Depuis sa victoire à Las Vegas, il a une de ces pêches. Alors, mon mignon, combien tu mises ?
-100 euros sur Mohamed Ali.
-100 euros, ça marche.
Je lui fais un clin d’œil.
Un jeune homme arrive jusqu’à moi en jouant des coudes, brandit des billets :
-Moi, je mise 200 euros sur Foreman, c’est un performer! Il peut battre Ali, d’ailleurs il l’a déjà battu!
-C’est noté. Mes trésors, dis-je me tournant vers eux, je vous conseille Mohamed Ali ; ce matin à la pesée, il affichait 93 kg autrement dit une montagne de muscles.
D’autres parieurs se déchaînent.
-100 euros sur Ali.
-Moi aussi !
-C’est bon ? T’en veux encore ? De toute façon, t’es tellement moche, ça changera pas grand-chose…
Georges Foreman est maintenant à terre, le visage en sang, l’arcade sourcilière ouverte, complètement sonné.
Mohamed Ali l’a mis K.O.
-Allez messieurs, criai-je, on continue de miser, le match n’est peut-être pas terminé !  Foreman va se relever.
Le vieil homme qui tout à l’heure m’avait demandé qui était mon poulain, revient et me tend un autre billet.
-Mohamed Ali va gagner, je remise 100 euros.
Il me fait un grand sourire.
-100 euros, dis-je, c’est noté.
-Eh mademoiselle, vous êtes vraiment bookmaker ?
Du doigt je désigne ma casquette :
-Il y a écrit « Crêperie » là-haut ?!?
-Bah non..
-Alors…
-C’est la première fois que je vous vois ; d’habitude le samedi, c’est Gino…
J’éclate de rire.
-Je suis la sœur de Gino…Il ne t’as pas dit que désormais le samedi c’est moi qui le remplace ?!?
Le type louche sur ma poitrine.
-Dis-donc, il a une jolie sœur, Gino.
-Oui, et en plus d’avoir deux beaux arguments, la sœur de Gino, elle a du répondant; tu piges ?
Le type blêmit.
-Ne vous fâchez pas ; c’est un compliment.
-Peut-être mais j’aime pas qu’on m’admire de près. Allez messieurs! On se dépêche, on mise ; le deuxième round vient de commencer. Combien sur Ali ? Combien sur Foreman ?

Les paris ont cessé. Des policiers viennent d’arriver, aident  Georges Foreman à se relever. La foule se disperse. Lentement je redescends sur terre, cesse d’écrire. Quel combat ! Les boxeurs avaient de l’allure. Ça fera un bon début de roman.


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