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Synode sur la famille : situation d’un couple mixte

Publié le 11 mars 2015 par Numero712 @No_712

De retour du Synode extraordinaire d’octobre 2014, et en vue de préparer le Synode ordinaire d’octobre 2015 sur « la vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde », le Cardinal Archevêque de Paris, Monseigneur André Vingt-Trois a invité les paroisses à constituer des équipes synodales ; celles-ci seront invitées à offrir leurs réflexions comme autant de contributions et d’enrichissements aux travaux diocésains.

Toutefois, par manque de participants, dans ma paroisse, il n’y aura pas de groupe de travail sur le sujet… Je trouve cela dommage d’un point de vue personnel parce qu’en tant que #PapaCatho, père d’une très priante #babygirl, je me sens forcément concerné par le sujet : les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation constituent pour moi, une aspect quotidien de la vie familiale.

Qui plus est, dans mon cas précis, ce sujet prend une dimension toute particulière car je suis marié à une femme non-croyante (et non baptisée) ; nous formons donc ce que l’on appelle un « couple mixte ».

2015 03 11 - Mariage mixtes

C’est alors avec enthousiasme que j’ai souhaité réfléchir sur le sujet et apporter un éclairage personnel sur ce qui peut être vécu dans le cadre « de mariages entre catholiques et non baptisés » (Familiaris Consortio n°78) et, tout particulièrement, dans le cas où « la personne non baptisée ne professe aucune religion » (ibidem).

Avant toute chose, avant de me lancer dans cet exercice, je vous propose de relire ce que dit la Relatio Synodi de la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire (5-19 octobre 2014) sur la question des mariages mixtes.

« Les problématiques relatives aux mariages mixtes sont souvent revenues dans les interventions des Pères synodaux. La diversité de la discipline relative au mariage dans les Églises orthodoxes pose, dans certains contextes, des problèmes sur lesquels il est nécessaire de réfléchir au niveau œcuménique. De même, pour les mariages interreligieux, la contribution du dialogue avec les religions sera importante. » (Relatio Synodi n°34)

Je trouve que non seulement ce paragraphe est bien mince mais en plus il n’y est question que d’œcuménisme et de « dialogue avec les religions » (ibidem). Rien sur l’éducation des enfants, rien sur le partage de la foi au sein du couple et des familles respectives qui sont parfois justement aux périphéries de l’Église catholique romaine, rien non plus sur la situation qui se développe « particulièrement dans les sociétés sécularisées » (Familiaris Consortio n°78) où, justement, « la personne non baptisée ne professe aucune religion » (ibidem).

En second lieu, j’avoue avoir été assez mal à l’aise à la lecture de la Relatio Synodi où la question des mariages mixtes est abordée dans le paragraphe « Prendre soin des familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés, familles monoparentales) ». Je conçois parfaitement qu’ « une certaine communion de biens spirituels [fasse] défaut dans l’union de conjoints dont l’un est baptisé et l’autre non » (Matrimonia Mixa); cela ne doit pas pour autant conduire à confondre cette union avec une forme d’union illégitime, ni attribuer à ces couples un statut de second rang. Notre mariage n’est-il pas un mariage valide au sens canonique du terme ?

A la suite de la Relatio Synodi, le Pape François pose quelques questions en vue de la préparation de la prochaine session du Synode dont la n°39 sur le sujet qui nous occupe dans le présent billet : « Les normes en vigueur actuellement permettent-elles d’apporter des réponses valables aux défis posés par les mariages mixtes et par les mariages interconfessionnels ? Faut-il tenir compte d’autres éléments ? »

J’avoue que la question ainsi formulée me laisse perplexe. Que dire de particulier sur les « normes actuelles » ? il y a un régime de « dispense d’empêchement » qui doit être accordé par l’évêque ainsi que définit par le Motu Proprio Matrimonia Mixa qui est décrit de manière relativement générique et laisse ainsi aux ministres locaux, une grande latitude pour accompagner les fiancés dans une telle aventure. Je crois que cette liberté laissée à l’accompagnement individuel peut être source d’une grande fécondité du parcours de préparation au mariage et que si j’avais quelque chose à dire je parlerai bien de la préparation au mariage sur laquelle il y a là un véritable enjeu.

Ainsi au global, nous pouvons ici examiner trois aspects des « couples mixtes » qui peuvent contribuer au débat : en premier lieu la préparation au mariage, ensuite l’articulation de la vie spirituelle et de la vie de couple et enfin la transmission et le témoignage de la foi chrétienne aux enfants.

La préparation au mariage

La préparation au mariage est un temps privilégié pour sensibiliser la partie non catholique à ce qu’est la foi et la religion catholique par le prisme du sacrement du mariage. C’est une occasion (unique ?) de rencontre et d’échange libre avec un prêtre pour parler de tout et de rien et surtout de la religion au sens large.

C’est une occasion (un prétexte) pour aborder des sujets qui sont parfois plus difficiles à aborder dans le temps quotidien parce que, par exemple, une discussion de fond sur la liturgie ou sur la prière peut être trop « rébarbative » pour un non-croyant car trop éloigné de ce qu’il vit ou de ce qu’il ressent. Alors qu’au rebours, un temps d’échange avec un prêtre est justement une véritable opportunité pour ouvrir un débat (par « l’autorité » que représente le prêtre, par « l’obligation » d’en « passer par là » ou tout bêtement, par la curiosité de rencontrer un prêtre) qui peut alors plus facilement revenir dans la conversation au quotidien.

C’est une occasion unique, d’un point de vue « formel » de rappeler les piller de ce qui fait la vie d’un catholique pratiquant (pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce que l’on épouse), à savoir, la messe dominicale, la prière quotidienne, la confession, le denier du culte, le carême, le triduum pascal… cela évite les questions du style : « tu vas à la messe aujourd’hui ? mais on est pas dimanche !? » ou encore « tu vas à la messe alors que tu y a déjà été hier ? » et de rassurer aussi le conjoint que ce n’est pas parce que la partie catholique va à la messe qu’elle va vouloir rentrer dans les ordres…

C’est une occasion unique aussi de parler de la liturgie, de la célébration (au moins de la bénédiction…) qui est un élément essentiel de notre vie de croyant. En effet, lors de la préparation au mariage, il faut non seulement parler de toute la vie, mais aussi de la cérémonie… chant d’entrée, lecture, psaume, évangile, prière, bénédiction, envoie… autant de sujet d’échange, de discussion, de réflexion… D’une part, ce sont autant d’occasion d’ouvrir la Bible, mais aussi de parler du « dialogue » avec Dieu que représente toute célébration.

Enfin, la question du format de la préparation au mariage se pose : comment laisser un espace à la partie non catholique ? Les préparations sont en effet souvent d’une part des préparations en groupe et d’autre part des préparations avec plusieurs sessions différentes (soirée, week-end, etc…) où l’on peut être amené à rencontrer un grand nombre d’interlocuteur. Cela peut clairement être un repoussoir à la préparation au mariage : soit à la faire, soit à s’y impliquer pleinement… Ce point est corollaire à l’image que notre Église et nos communautés renvoient d’elles à l’extérieure, à ceux qui ne sont pas catholiques pratiquants. Je ne vais pas le détailler ici outre mesure, car je reviendrai dessus dans la deuxième partie de ce billet, mais la démarche positive de préparation au mariage est conditionnée au fait de se sentir accueilli, de se trouver en présence de gens bienveillants et surtout de ne pas avoir l’impression d’être jugé de n’être pas « catho » de ne pas « en être ». Aussi, l’accueil que nous savons réaliser pour recevoir le « visiteur » avec une bienveillance véritable, au quotidien est bien également une composante de cette ouverture nécessaire pour accompagner les unions mixtes depuis la préparation au mariage jusqu’à… tout au long de la vie.

L’articulation de la vie spirituelle et de la vie de couple

Pour l’articulation de sa vie spirituelle avec sa vie de couple, je vois deux éléments principaux qui sont le respect et l’éloignement qui sont deux éléments « centrés » sur le couple et la famille « nucléaire » et un troisième élément que je qualifierais d’ouvert sur les « périphéries » et que l’on peut appeler la « mission » ou le « témoignage ».

1) Le respect

Il y a en tout premier lieu un équilibre à trouver entre d’une part le nécessaire (indispensable) respect de l’autre qui vise à ne rien chercher à imposer à son conjoint et d’autre part le besoin (tout aussi indispensable) de trouver un espace pour pratiquer sa foi. Ce premier temps de respect est ainsi d’une certaine manière une expérimentation de la laïcité dans cette première cellule sociale qu’est la famille. Il y a là il me semble un riche enseignement et une riche expérience pour l’Église toute entière, « particulièrement dans les sociétés sécularisées » (Familiaris Consortio, n° 78) en matière également de nouvelle évangélisation. Il s’agit de vivre et témoigner sans chercher à « convaincre » ou à « inculquer » sa foi à l’autre. La vie quotidienne en deviendrait vite invivable. Ce qui ne veut pas dire taire ses convictions et les échanges peuvent être nombreux à telle ou telle occasion (discussion sur des projets de loi, renonciation d’un pape, fête religieuse…) ; ils doivent toujours être empreints de cet indispensable respect de l’autre, de ses convictions, de sa liberté.

Au-delà du temps (se libérer pour aller à la messe par exemple), il y aussi un partage de l’espace commun à trouver par le dialogue comme la présence de signes religieux ostensibles (crucifix…) ou le fait (et l’éventuel aménagement) d’un espace dédié à la prière quotidienne. Ainsi par exemple chez nous, ma femme bien voulu que nous ayons un crucifix au-dessus de notre lit, mais non pas sur le mur, mais sur une poutre et « dos à la pièce » de façon à ne pas être vu par ceux qui peuvent passer dans la chambre (présence de signe religieux, mais pas de manière ostensible). De la même manière, j’ai une icône… sur le deuxième rayonnage de ma table de nuit. Autre exemple, le coin pour la prière en famille est dans la chambre des enfants, il a longtemps et matérialisé par la présence d’une simple bougie (maintenant une bougie d’abbaye dénichée au comptoir des Abbayes) et du livret de baptême de #babygirl.

2) L’éloignement

Il faut compter ensuite une réalité de la vie de famille où la pratique religieuse est de manière corollaire à elle-même, un élément qui tend à « éloigner » les conjoints. En effet, le temps de la messe est un temps où les deux conjoints sont chacun de leur côté, le temps de chaque participation à telle ou telle activité religieuse également. Aussi, celles-ci sont autant de temps séparés. S’il me semble sain que chacun dans un couple puisse avoir des activités extraprofessionnelles propres, il faut aussi avoir conscience que ce sont aussi autant de temps que les conjoints ne partagent pas. Cela exige donc des choix et des arbitrages pour trouver une juste répartition entre les occasions de nourrir sa vie spirituelle sans que ce temps passé ne soit au détriment de la vie de couple. Ce qui est vrai de la religion peut l’être aussi du sport que pratiquerait un conjoint « à haute dose ».

Si le temps est un élément de possible éloignement des deux conjoints, les relations qui se nouent autour de la pratique religieuse ou autour de la paroisse sont des relations qui, sur un plan que l’on peut rapprocher des relations professionnelles ; ce sont elles aussi des relations qui ne font pas partie du cercle familial.

Alors que notre foi est un ciment véritable de notre amour, il faut au quotidien veiller à ce que cette foi n’insinue pas une faille dans notre relation humaine quotidienne.

3) La mission

Le troisième aspect que l’on peut signaler est ce que j’appellerais une « immersion en terre païenne ». Que ce soit avec le conjoint (ou le futur conjoint dans le cadre de la préparation au mariage) ou avec la famille ou les proches de la partie non catholique, nous pouvons être en contact avec des personnes qui ne connaissent de la religion que ce que l’on en voit dans les média. Je sais bien que, même en étant catholique, on peut avoir des amis ou de la famille non croyante, mais plus on va loin du cercle « des proches », moins les sujets relatifs à la religion sont souvent abordés. Alors du coup, une union mixte peut être une véritable rencontre « interculturelle » réciproque. Cela peut donner lieu à une prise de conscience véritablement « incarnée » de ce qu’est la non-culture religieuse. Il faut aussi apprendre à entendre les propos blessant sur la religion, les prêtres, les croyants… comme autant de lieux communs.

Ces rencontres, cette vie partagée représentent aussi un véritable défi, bien au-delà du seul couple, pour la rencontre de non croyant dans des situations où la parole sur ce type de sujets est possible.
Débat, témoignage, échanges… ce sont autant de situations de vie dans lesquelles il nous ait donné de vivre aussi notre foi d’une manière sans cesse à réinventer. Deux facettes sont à explorer dans cette voix : Témoigner avec bienveillance, pour simplement être un chrétien joyeux mais aussi savoir « croiser le fer », argumenter, expliquer, justifier ce que l’on croit, la richesse et la joie profonde que notre « intimité » avec le Christ nous donne… et avec des mots compréhensibles par nos contradicteurs.

Comment être un bon témoin quotidien de la richesse ineffable l’amour du Seigneur ?

Transmission et témoignage de la foi chrétienne

Le dernier élément de la réflexion est peut-être le plus important, c’est la conscience de la « grave obligation » (Matrimonia Mixa au n°4) que représente non seulement le baptême de mes enfants, mais aussi leur éducation dans la foi catholique. Les interrogations sont nombreuses et quotidiennes pour savoir comment être au quotidien un témoin authentique de ma foi chrétienne devant eux. J’imagine que ces interrogations ne sont pas étrangères aux couples où les deux parties sont catholiques pratiquants, cependant elles prennent une dimension toute particulière dans le cas où seul l’un des deux membres du couple est soucieux de témoigner de sa foi en Christ.

Ce souci de transmission est celui qui découle d’une simple intimité quotidienne avec le Seigneur.

La question du baptême n’est pas évidente dans un couple mixte ; que ma femme ait accepté que nos enfant soient baptisés est un signe de grande ouverture d’esprit de sa part. Accepter ce sceau indélébile qui marque l’enfant sans lui avoir laissé le choix ne relève pas d’une démarche évidente… bien au contraire ! J’ai eu la chance que ma femme accepte cette démarche, mais je sais qu’autour de moi, tel n’est pas toujours le cas.

Nous faisons aussi quotidiennement la prière du soir avec les enfants et ma femme prend toujours soin de nous laisser ce temps d’intimité, ce cœur à cœur avec le Seigneur. Là aussi, je suis conscient de la grâce que j’ai car cela ne va pas forcément de soi dans toutes les familles.

Mais pour aller plus loin, je m’interroge sur l’enseignement catholique. Comment peut-il aider ces familles (ou plutôt la partie catholique du couple), en lien avec la vie paroissiale ou diocésaine, à la transmission de la foi catholique et ainsi nous aider à répondre au besoin de cohérence avec les valeurs que la partie catholique cherche à transmettre à la maison. Une réflexion sur le soutien tout particulier dont ces familles ont besoin pour permettre la transmission de la foi mérite d’être conduite. Pour évoquer mon exemple personnel, il y a deux écoles catholiques dans notre quartier, Saint Ursule et Blanche de Castille ; pour ces deux école j’ai demandé l’inscription de #babygirl qui fera sa rentrée scolaire en septembre en expliquant bien, l’importance pour moi, dans le cadre d’un couple mixte, de recevoir le soutien de l’enseignement catholique pour transmettre ma foi à mon enfant. J’ai été très surpris de recevoir deux réponses négatives. Je trouve cela regrettable, compte tenu du besoin de soutien et de renfort tout particulier que peut avoir la partie catholique d’un couple mixte… dans quelle mesure une réflexion commune avec les paroisses, les doyennés ou les diocèses peut-elle être conduite pour qu’une pastorale plus coordonnée puisse être envisagée ?

* * *

Voilà les quelques réflexions que je voulais partager, basées sur mon vécu au sein d’un couple mixte. Je ne suis certainement pas le seul dans ce cas-là et si certains veulent bien échanger et partager leur réflexion sur cette expérience, je suis tout à fait preneur.


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