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La Commune au travail, partie 1 (Commune 17/24)

Publié le 02 février 2014 par Deklo

Keith Haring- Untitled, 1982

La Commune au travail, partie 1 (Commune 17/24)

Précédemment, on a vu les élus de la Commune s'installer à l'Hôtel de Ville...

On est déjà début avril. On lit. La presse, les placards, tout. On apprend que le gouvernement isole Paris de la Province, de l'Étranger, qui ne reçoit plus ni journaux, ni lettres. Les bureaux de poste sont fermés et les courriers sont dirigés vers Versailles. Le directeur des postes, malgré ses promesses à la Commune, a fui avec ses employés, après avoir expédié matériel, registres, caisse, même le mobilier à Versailles. L'impression est étrange... En même temps on ne s'y attendait pas mais ce n'est pas fait pour étonner... C'est curieux.

On frappe à la porte. C'est une voisine qui vient. Elle a l'air tracassée. On devine qu'elle va demander quelque chose. Pendant un temps, celui qu'il lui faut pour trouver ses mots, on imagine quelle peut bien être sa demande, combien elle va nous coûter d'efforts, de soucis, d'argent, sans savoir encore si on va être content de lui faire plaisir ou embarrassé. On est gêné à cette idée. Elle dit qu'elle a lu la proclamation des élus de la Commune, que la remise des loyers est confirmée. Elle n'est pas sûre de ce que cela veut dire. Toutes ces grandes phrases tordues... Cela fait huit mois qu'elle n'a pas de travail. Elle voudrait déménager sans qu'on lui confisque ses meubles, ses objets, ses affaires, ses souvenirs... La parole lui vient difficilement. On lui sourit pour l'encourager. On la regarde. Elle a cette façon des gens simples qui ont toujours peur de déranger, de prendre trop de place, trop de temps. On lui dit ce qu'on a compris, que tout le monde supporte sa part des efforts et donc les propriétaires aussi... Pour nous, ça veut dire " le chômage, un hiver sans feu, des journées sans pain, les enfants malades faute de nourriture... " ; pour eux, ça veut dire " une légère diminution de leurs revenus ". Elle esquisse un sourire qui lui mouille les yeux. Elle hésite. Elle s'étonne. [] Elle dit : " Mais alors, la loi n'est plus contre nous ? ". [].

On reprend la lecture du journal. On examine avec scrupule les décisions, les mesures, les arrêtés... On regarde se dessiner, d'un trait de plus en plus précis, un visage qu'on ne croyait pas pouvoir trouver si familier : celui de la Commune.

[ Note : relever ici un certain nombre de mesures prises par la Commune.

Le plafonnement des salaires.

La séparation de l'Église et de l'État.

On peut rappeler que la séparation de l'Église et de l'État sera votée en France en 1905.

Enseignement laïque, gratuit et obligatoire.

Rappeler que l'instruction obligatoire sera instituée en France en 1882.

S'arrêter longuement sur les mesures prises quant au travail de nuit des boulangers et sur les discussions, les remises en cause qu'elles ont entrainées.

Le 20 avril, la Commune décrète la suppression du travail de nuit. Sans considération autre que cette simple phrase : " sur les justes demandes de toute la corporation des ouvriers boulangers ". Une semaine plus tard, au cours d'une séance, ils reviennent sur ce décret qui rencontre les contestations des ouvriers et des patrons. La question se pose de savoir si la Commune doit intervenir " dans une question entre patrons et employés ". Ceux qui sont en faveur de cette intervention soutiennent qu' " on ne peut pas faire que des ouvriers qui sont des hommes comme nous ne travaillent que la nuit, ne voient jamais le jour ". Ils comparent leurs conditions de travail à celles dans les mines... Pour Frankel, par exemple, " la classe des ouvriers boulangers est la plus malheureuse des prolétaires ". Surtout, ils rappellent qu'ils n'ont pas le droit de faire grève : " il est donc urgent que nous nous mêlions de cette question, puisque eux-mêmes ne peuvent obtenir justice ". Noter aussi deux autres arguments... D'abord plusieurs s'accordent à ne pas " s'embarrasser des patrons "... Et puis Franckel pose cette question : " on dit tous les jours : le travailleur doit s'instruire ; comment voulez-vous vous instruire quand vous travaillez la nuit ? ".

Suivant cet exemple, s'arrêter sur deux points : leur conception du travail et leur conception de leur propre travail d'élus...

Sur leur propre travail, remarquer la méticulosité, le scrupule qui accompagnent leurs décisions. Prendre l'exemple de la question de l'habillement militaire. Après avoir conclu des marchés " avec les meilleurs offrants, c'est-à-dire avec ceux qui [demandaient] les prix les moins élevés ", les délégués à l'habillement militaire se rendent compte que cet avantage se fait au détriment des salaires des ouvriers et des ouvrières qui travaillent à la confection des vêtements... Les délégués s'alarment, écrivent un rapport, qu'ils soumettent au délégué à la commission du travail Franckel. Celui-ci refuse que le prix de la main-d'œuvre " reste comme aléa dans les marchés " supportant " à lui-seul le rabais " et propose deux mesures : confiés les marchés de préférence aux corporations et fixer un prix en accord avec la chambre syndicale de la corporation. Noter que s'esquisse quelque chose comme un salaire minimum qui sera créé en France en 1950... S'ensuit une discussion sur la question de la rémunération à la journée ou à la pièce, qui " favorise quelques-uns au détriment des autres, qui ne sont pas si habiles dans la fabrication ". Remarquer que Franckel propose la journée de huit heures, mais, dans ce procès verbal de séance, personne ne relève.

Dimanche prochain, on continuera à suivre les travaux du Conseil de la Commune...


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