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Commentaire sur un livre : Marie de Magdala – L’apôtre préférée de Jésus

Publié le 05 mai 2015 par Numero712 @No_712

Voilà un livre qui ne vaut vraiment pas la peine d’être lu. Derrière une apparence d’un livre d’érudition, d’une enquête historique, il s’agit en fait d’un long verbiage sur la condition féminine, un pamphlet sur l’égalité homme-femme.

D’étude historique il n’y a ici que l’apparence…

Dans l’ Avant Propos l’auteur indique que pour parler de Marie de Magdala, « il paraît indispensable de cerner les trois temps dans lesquels elle évolue : le temps au Ier siècle de l’émergence du christianisme, le temps des Écritures du IIe siècle, et le IVe siècle de l’officialisation du christianisme par Constantin le Grand, premier César d’un empire chrétien. » Il y aurait beaucoup à dire sur cette seule petite phrase. En première apparence, elle donne l’illusion d’être un gage méthodologique de rigueur d’analyse historique. En effet, il est toujours pertinent de chercher à distinguer les différentes phases d’un développement historique comme autant de strates que l’archéologue prend soin de répertorier pour reconstituer le fil du temps. Là où le raisonnement me semble plus discutable, c’est sur le découpage qui est fait entre un temps « du christianisme » (sous-entendu « sans écriture » et sans « officialisation » donc un temps béni qui vient, dans notre inconscient collectif, rejoindre ce temps du bon sauvage rousseauiste avant que la civilisation ne vienne tout corrompre), un temps « des Écritures » (que l’on verra dans le corps du livre enfler pour s’étendre du IIe au IVe voir au Ve siècle sans que le lieu géographique de production des textes ni leur datation ni leur reprise et leur compilation ne soit un critère utilisé dans l’analyse par l’auteur) et enfin un temps de « l’officialisation » qui intervient, comme de par hasard, avec un empereur qui a introduit dans le christianisme une profonde blessure : celle de la collusion du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. A ce découpage, on peut déjà voir la tournure que va prendre le livre : il faut mettre à jour le message réel du Christ déformé et dilué au fil des écritures et finalement définitivement transformé par l’autorité ecclésiale. Vous avez aimé le DA VINCI CODE, vous allez adorez MARIE DE MAGDALA (avec le suspens de l’intrigue policière en moins).

Ce livre, c’est avant tout, d’un point de vue méthodologique, le grand foutoir de la datation des sources : Toutes les sources évangéliques (Évangiles canoniques et apocryphes) sont présentées comme ayant la même période d’écriture entre la fin du premier siècle et le cinquième siècle. Donc tous ces matériaux sont utilisés avec le même « poids » (voir un peu plus pour les apocryphes car ils bénéficient du crédit de la clandestinité). Des « hypothèses » de datation sont même présentées pour minimiser la valeur probante des Évangiles canoniques, comme, par exemple, à propos des noces de Cana, l’auteur nous indique que l’Évangile de Jean « aurait été rédigé tardivement, à Éphèse, peut-être à la fin du IIe siècle, soit plus d’un siècle et demi après les faits. Le temps d’un long processus de réécriture, où la symbolique prend le pas sur les faits. » (pp 227-228). Cette hypothèse, lancée comme cela, au détour d’une citation que l’auteur veut « critiquer », relève d’un procédé assez grossier. Hop, une petite phrase, comme ça, sur un ton d’érudition mais sans explication, lancée juste à propos… non mais on croit rêver ! Sur cet exemple précis de la datation de l’Évangile de Jean, Hervé-Marie Catta dans « Jésus est-il historique ? Jésus Christ est-il Dieu ? » montre que l’étude de « données archéologiques, géographiques et politiques » met en évidence à quel point « la description des lieux, des monuments, des responsables politiques et religieux, est très importante : en effet après l’année 70 et l’écrasement de la révolte juive par Titus beaucoup de choses disparaissent ou sont définitivement modifiés. Ceux qui ont été capables de les décrire telles qu’elles étaient auparavant sont de bons témoins : ils nous disent la vie en Palestine telle qu’ils l’ont vécue avant l’année 70. » Dans ce dernier texte cité, de nombreux exemples de détails infimes (le titre de préfet et non de procurateur pour Ponce Pilate par exemple) sont présentés qui corroborent son analyse. Pour parler de l’Évangile de Saint Jean, par exemple, il est cité l’exemple de la piscine aux cinq portes (Jn 5, 2), détruite avec le temple et dont des traces archéologiques n’ont été découverte que tardivement « alors que les critiques pensaient que c’était une description mythique ». Ce même texte indique un peu plus loin que les plus anciens fragments de l’Évangile de Saint Jean ont été datés de l’an 120. Selon les livres du Nouveau Testament, Hervé Marie Catta pense qu’il y a « entre 40 ans pour les premiers fragment et 230 ans pour le texte complet entre le moment où ils ont été écrit et la plus ancienne copie qui nous est parvenue ». Il met alors cela en regard aux quatorze à seize siècles qui séparent la mort d’écrivains grecs comme Sophocle, Aristophane ou Euripide et « la plus ancienne copie qui nous est parvenue ».

Ce livre c’est aussi de longues, très longues logorrhées sur la condition de la femme : « Que peut-on attendre d’une femme, si ce n’es qu’elle accouche ? Voilà le fond de [la] pensée [de l’apôtre Pierre]. Le corps féminin n’est qu’un champ à labourer, un élément passif… » (p. 85)
Que viennent donc faire dans un livre historique des développements comme celui-ci : « le corps meurtri par une sexualité précoce, le vagin abîmé par les accouchements à répétition, [les femmes] veulent récupérer leur corps, être libres de se déplacer hors de leur maison, pouvoir parler aux hommes face à face. » (p. 96)
… et j’en passe des pages entières !

Ce livre c’est aussi un peu de travaux de médium puisque l’auteur est visiblement dans la tête de Saint Pierre. Sinon, sur quoi se baserait-il pour affirmer que Pierre se demande ce que « vient faire cette femme dans le monde des hommes [et] qui lui a donné l’autorisation de quitter son foyer et de déambuler à son gré ? » (p. 85) A quel titre peut-il dire que « Simon-Pierre ne comprends pas qu’une révolution se déroule sous ses yeux. [Qu’il] s’acharne sur Marie comme les Romains s’acharnent sur les Juifs. » (p. 85)
L’auteur dit qu’il est important (pour qui ? pour les rédacteurs des évangiles ?) de « diminuer l’importance [des] paroles [de Marie de Magdala], [de] diluer sa présence dans de nouveaux témoignages, masculins cette fois. Après tout, une femme se réduit à l’origine du monde, celle que peindra Courbet beaucoup plus tard, cette porte de l’enfer, source de tous les péchés, qui souille la pureté naturelle des hommes. » (p. 87)

Ce livre est au final une libre interprétation de la mort et de la résurrection salvifique du Christ : « si Marie, femme de Joseph, a accouché du Jésus terrestre, Marie M. a accouché du Jésus céleste » (p. 85). J’ai beau relire cette phrase, elle me laisse un profond sentiment de vacuité ; une impression que l’auteur s’écoute…
L’auteur donne la primauté au messager de la résurrection sur le don de Dieu lui-même : « c’est par [la] révélation [de cette Galiléenne] que plus personne ne mourra. » (p 87) ou alors, en page suivante, en regrattant que l’auteur de l’évangile de Pierre présente un ange dans le tombeau vide devant les femmes car cela est « une façon de nier à Marie de Magdala la maternité de la Bonne Nouvelle » (p. 88). Il s’agit bien là d’une relecture on ne peut plus personnelle de la résurrection qui est faite par Dieu lui-même et qu’Il « veut se servir de nous pour devenir toujours plus proche de son peuple » (Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium n° 268)
Je suis dubitatif (même si je n’ai pas d’autres informations sur le sujet), quant au fait que l’annonce de la résurrection par Marie de Magdala soit liée à la transmission de la judaïté par les femmes (lien exposé en page 136)
Un détour aussi par une libre interprétation de la Création : « Quand Ève faisait encore partie d’Adam, la mort n’existait pas. C’est quand elle naquît à ses côtés et de son côté que la mort surgit. Si la femme ne s’était pas séparée de l’homme, elle ne serait pas condamnée à mourir avec lui. Alors, pour vaincre la mort, l’homme et la femme doivent se retrouver et guérir cette déchirure. En s’unissant, féminin et masculin retrouvent la plénitude d’un être complet. » (p. 219) On croirait du Platon dans le texte ! La mort est une conséquence du péché (originel) et non de la création de l’homme et de la femme. C’est sérieusement faire un raccourci dans les premiers chapitres de ma Genèse ! C’est une nouvelle lecture assez originale de l’économie du salut, comme niant, une fois de plus la dimension essentielle à la compréhension de la Bonne Nouvelle qu’est la miséricorde divine.
Quitte à réinterpréter les dogmes, pourquoi ne pas réinventer l’histoire de l’Église ? l’auteur ne se gêne pas : en page 269 et suivante il nous explique que le culte rendu à la Vierge Marie a été institué pour faire un « contre feu » à la « révolution féministe au cœur de la révolution chrétienne » mais que le « message porté par Marie M. ne s’est pas éteint pour autant [car elle] inspire encore nos sociétés contemporaines dans leur quête d’égalité entre femmes et hommes. »

Et pour se détendre un peu, le fou rire du livre est la lecture des noces de Cana comme celles de Jésus et de Marie de Magdala (p. 227 et suivantes). On est là dans une lecture qui me semble, pardonnez-moi l’expression, tirée par les cheveux, du texte. Si je caricature un petit peu, on pourrait résumer l’argumentation de la manière suivante : puisqu’on ne dit pas que ce n’est pas le mariage de Jésus, c’est que c’est son mariage (il y a une circonvolution sur le fait que si c’est Marie qui lui demande de changer l’eau en vin (et s’adresse aux serviteurs à ce sujet), c’est qu’elle est organisatrice de la fête. A lire en détail le paragraphe (p. 228) sur le sujet du rôle de Marie (sa mère) qui « semble veiller au bon déroulement du repas et du travail des servantes » on s’interroge sur la pertinence de l’analyse qui est faite du verset « Que me veux-tu femme ? » (Jn 2, 4) où l’auteur voit dans le mot femme une traduction du mot hébreux « isha » qui signifierait « épouse ». Donc Jésus s’adresserait ici à son épouse (donc évidement pour l’auteur, Marie de Magdala alors que dans ma traduction de la Bible, il n’est fait nulle mention d’elle dans cette scène). Je voudrais bien savoir pourquoi, si Jésus est le marié, le verset 2 indique « Jésus aussi fut invité à ces noces… »
Et comme dans ce livre, tout est mis sur le même plan, l’auteur cite un fragment Égyptien d’un Évangile rédigé en copte qui étaye l’analyse « en faveur d’un mariage de Jésus, probablement avec Marie de Magdala. » Ce fragment serait daté entre le VIe et le IXe siècle et il est fait grand cas sur le fait que les études indiquent « que ce papyrus [n’est pas] un faux d’aujourd’hui ». Il s’agit du fameux papyrus où le rédacteur fait dire à Jésus « ma femme ».

Bref, lecteur, passe ton chemin.

Broché: 317 pages
Editeur : MICHEL LAFON (16 septembre 2014)
Collection : Document
Langue : Français
ISBN-10: 2749923522
ISBN-13: 978-2749923529
Dimensions du produit: 23,5 x 2,7 x 15,4 cm


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