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Le Saint homme en prison.

Publié le 25 mai 2015 par Pestoune
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Voilà un conte chinois qui illustre bien notre bon vieux proverbe : « Tel est pris qui croyait prendre ». En effet aucune mauvaise action ne reste impunie. Tôt ou tard des comptes seront à rendre. Gardons bien cela en mémoire et voyons les mésaventures d’un pauvre arhat.

   Autrefois dans le royaume de Ki-pin, vivait l’arhat (saint homme) Li-yue, qui se tenait assis en contemplation dans la montagne. Or un homme qui avait perdu son bœuf et qui le recherchait en suivant ses traces, vint à passer par l'endroit où se trouvait l'arhat. En ce moment, Li-yue faisait bouillir des herbes pour teindre son vêtement. Or le vêtement se transforma de lui-même en une peau de bœuf ; la teinture se changea en sang ; les plantes tinctoriales que l’arhat faisait cuire devinrent la chair du bœuf ; le bol que Li-yue tenait dans ses mains devint la tête du bœuf. Quand le propriétaire du bœuf vit cela, il se saisit aussitôt de l’arhat Li-yue, le chargea de liens et l’amena au roi. Le roi le jeta en prison. Pendant douze années, Li-yue fut constamment valet de prison ; il donnait à manger aux chevaux et enlevait leur crottin.

Or, il y avait cinq cents disciples de Li-yue qui avaient obtenu la dignité d’arhat. Ils avaient cherché à voir où était leur maître sans parvenir à le savoir. Quand les causes produites par des actes antérieurs furent près de prendre fin, il y eut un de ces disciples qui vit que son maître se trouvait dans la prison du royaume de Ki-pin. Il vint donc dire au roi :

— Notre maître Li-yue est dans la prison du roi ; je désire que vous lui rendiez justice.

Le roi envoya un émissaire dans la prison pour y faire une enquête. Quand l’envoyé royal fut arrivé dans la prison, il vit seulement un homme qui avait l’air affaibli par le chagrin et qui avait une barbe et une chevelure extrêmement longues ; cet homme était valet de prison ; il donnait à manger aux chevaux et enlevait leur crottin. L’émissaire revint dire au roi :

— Dans la prison, il n’y a aucun religieux  ; seul s’y trouve un valet de prison.

Le disciple de Li-yue insista auprès du roi, disant :

— Je désire simplement, ô roi, que vous donniez un ordre aux termes duquel seront autorisés à sortir de la prison tous les bhiksus (moines) qui s’y trouvent.

Le roi rendit alors cette ordonnance :

— Tous les religieux sont autorisés à sortir de la prison.

Aussitôt, dans la prison même, la barbe et les cheveux du vénérable Li-yue tombèrent spontanément, un kasâya (vêtement monastique) revêtit son corps ; lui-même bondit dans les airs où il accomplit dix-huit transformations surnaturelles. A cette vue, le roi s’écria que jamais il n’avait rien vu de tel et il se prosterna à terre des cinq parties de son corps ; puis il dit au vénérable :

— Je désire que vous receviez la confession de mes péchés.

Aussitôt Li-yue redescendit et reçut sa confession ; le roi lui demanda alors :

— Pour quelle cause, produite par un acte d’une existence antérieure, vous êtes-vous trouvé dans la prison et avez-vous enduré des peines pendant plusieurs années ?

Le vénérable répondit :

— Dans une existence antérieure, j’avais moi aussi perdu mon bœuf ; je le recherchai en suivant sa trace et je vins à traverser une montagne ; je vis un Pratyeka Buddha (ou bouddha solitaire : celui qui atteint seul l’Eveil) qui était assis en contemplation dans un endroit solitaire ; je me mis à l’accuser faussement pendant tout un jour et toute une nuit. Pour cette cause, je tombai dans les trois voies mauvaises où j’endurai des tourments sans nombre ; ce qui me restait de malheurs à souffrir n’était pas entièrement terminé, et c’est pourquoi, même après que j’eus obtenu la dignité d’arhat, je fus en butte à une accusation calomnieuse.

Cinq cents contes et apologues extraits du Tripitaka chinois

Traduits par Edouard Chavannes

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