Magazine Talents

Un pavé; y’en a marre !

Publié le 25 mai 2015 par Lucie Léanne @lucieleanne75

Marivaux (1688-1763), vous connaissez ? De son vrai nom : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux.

Auteur dramatique, romancier qui a écrit de nombreuses pièces de théâtre mais aussi La vie de Marianne, roman épistolaire, véritable pavé -le mot n’est pas trop fort, 850 pages- que j’ai dû étudier en première année de faculté de Lettres.

marianne marivaux
Ce truc m’a rendue malade. Je vous explique.

Marivaux était un fou sadique :

1-Il a mis 15 ans pour écrire La vie de Marianne !
15 ans ! Complètement fêlé…
Dès la première partie publiée, les critiques de l’époque ont été désastreuses. Sadique, Marivaux ne s’est pas découragé, il a continué pendant un certain temps.

2-En 1742, lassé de son personnage, il a abandonné l’écriture de son roman, à la…onzième partie.
(Implicitement, il reconnaissait que son roman était lourd, sans réelle qualité littéraire.)
Mais Môssieur s’en fichait, car quelques mois plus tard, il était élu à l’Académie Française, grâce à ses pièces de théâtre.

3-N’empêche qu’aujourd’hui, La vie de Marianne est toujours étudié dans les facultés de lettres et ça, je ne le supporte plus !!!

L’histoire ? Marianne, jeune orpheline pauvre, très jolie mais surtout très bavarde, (une vraie pipelette) tombe amoureuse d’un jeune bourgeois, M. de Valville.
La donzelle nous raconte tout, dans les moindres détails, ce qu’elle ressent, ce qu’elle ne ressent pas, avec des digressions, des anecdotes et franchement…ça SAOÛLE !!!

Etudions un extrait :  celui où Marianne rencontre M.de Valville

En sortant de la messe, un dimanche matin, Marianne fait un brusque écart pour éviter un carrosse lancé à vive allure, tombe par terre et se blesse le pied. Heureusement un jeune homme lui porte secours, l’emmène chez lui pour la soigner. Et cet homme, c’est…(je vous le donne en mille) M. de Valville !

Attention : c’est un texte du 18ème siècle; ça pique les yeux.

Marianne portrait
« On me releva pourtant, ou plutôt on m’enleva, car on vit bien qu’il m’était impossible de me soutenir. Mais jugez de mon étonnement, quand, parmi ceux qui s’empressaient à me secourir, je reconnus le jeune homme que j’avais laissé à l’église. C’était à lui à qui appartenait le carrosse, sa maison n’était qu’à deux pas plus loin, et ce fut où il voulut qu’on me transportât.

Je ne vous dis point avec quel air d’inquiétude il s’y prit, ni combien il parut touché de mon accident. A travers le chagrin qu’il en marqua, je démêlai pourtant que le sort ne l’avait pas tant désobligé en m’arrêtant. Prenez bien garde à mademoiselle, disait-il à ceux qui me tenaient; portez-la doucement, ne vous pressez point; car dans ce moment ce ne fut point à moi à qui il parla. Il me sembla qu’il s’en abstenait à cause de mon état et des circonstances, et qu’il ne se permettait d’être tendre que dans ses soins.

De mon côte, je parlai aux autres, et ne lui dis rien non plus; je n’osais même le regarder, ce qui faisait que j’en mourais d’envie: aussi le regardais-je, toujours en n’osant, et je ne sais ce que mes yeux lui dirent; mais les siens me firent une réponse si tendre qu’il fallait que les miens l’eussent méritée. Cela me fit rougir, et me remua le cœur à un point qu’à peine m’aperçus-je de ce que je devenais. « 

Ennuyant, n’est-ce pas ?  Il faut l’avouer, Marianne avait du caractère et de l’esprit. On eût préféré qu’elle n’en eut point, qu’elle se torde définitivement la cheville ou qu’elle finisse amputée.

Marivaux en plus rigolo

J’ai souffert en lisant ce roman !  Alors pour me venger, je vais commenter cet extrait, l’égayer. Ça piquera moins les yeux.

« On me releva pourtant, ou plutôt on m’enleva (ça fait très tas de sable), car on vit bien qu’il m’était impossible de me soutenir (ou tas de gélatine). Mais jugez de mon étonnement, quand, parmi ceux qui s’empressaient à me secourir, je reconnus le jeune homme que j’avais laissé à l’église (Seigneur !). C’était à lui à qui appartenait le carrosse, sa maison n’était qu’à deux pas plus loin (tiens donc !), et ce fut où il voulut qu’on me transportât
(Hé, hé !  la cheville foulée, coup égal à celui de la panne d’essence). Je ne vous dis point avec quel air d’inquiétude il s’y prit (en fait elle le dit mais après), ni combien il parut touché de mon accident.

A travers le chagrin qu’il en marqua, je démêlai pourtant (démêle Angèle) que le sort ne l’avait pas tant désobligé en m’arrêtant. Prenez bien garde à mademoiselle, disait-il à ceux qui me tenaient (ça y est, c’est le « après »); portez-la (si vous pouvez) doucement, ne vous pressez point; car dans ce moment ce ne fut point à moi à qui il parla. Il me sembla qu’il s’en abstenait à cause de mon état (second ou tiers ; *tiers état !) et des circonstances, et qu’il ne se permettait d’être tendre que dans ses soins.

De mon côte, je parlai aux autres (Ô malheur !), et ne lui dis rien non plus (mon œil !) ; je n’osais même le regarder, ce qui faisait que j’en mourais d’envie: aussi le regardais-je, toujours en n’osant pas, (pas clair ses combines) et je ne sais ce que mes yeux lui dirent (Ah, Pardon ! Moi je sais : bellâtre, fais de mes mirettes briller mon amour!); mais les siens me firent une réponse si tendre (Onk !Onk !) qu’il fallait que les miens l’eussent méritée. »

Percutant ! Beaucoup plus vivant comme ça ! Marivaux n’aurait pas fait mieux.

*Tiers Etat : sous l ‘Ancien Régime, le Tiers Etat désigne les députés aux Etats généraux qui représentaient les villes privilégiées, c’est-à-dire les députés de la bourgeoisie.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog

Magazine