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Prendre de la hauteur

Publié le 03 juin 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Prendre de la hauteurC'est un sujet que nous avons déjà abordé. Souviens-toi : en faisant mon job-out et en mettant fin abruptement à la course folle de mon train-train professionnel, j'avais eu le sentiment de me retrouver d'un seul coup au bord d'un précipice, certes vertigineux mais propice à un moment de réflexion (je te le raconte en détail ici). Pour toi, ami lecteur, je suis passée de la métaphore filée à la réalité. Eh bien ça valait le coup, crois-moi.

J'ai donc mis en pratique ma théorie, sauf que plutôt que d'aller traîner mes ballerines le long d'un gouffre, j'ai grimpé les 70 étages du Rockefeller Center à Manhattan (un tout petit peu aidée par un ascenseur kitchissime, mais là n'est pas la question).

Alors non, ami lecteur, je n'y ai pas rencontré un héritier Rockefeller (malgré tous les points destin récemment accumulés)(une arnaque, ces points). Je ne te cache pas que ça me navre car ça m'aurait permis de régler certains problèmes d'intendance. Mais malgré cela, j'y ai vécu une expérience inoubliable, hypnotisée que j'étais par ce spectacle à la fois inspirant et dynamisant (et je ne te parle pas de celui qu'a donné cet italien - en short - en se mettant à genoux face à sa copine - en sweat-shirt Mickey - pour la demander en mariage, comme ça devant tout le monde)(la vie peut parfois jouer des tours cruels : non contente de me faire louper Rockefeller Junior, il a fallu qu'elle me mette entre les pattes ce couple pitoyable).

Mais trêve de digressions. J'étais face à un panorama éblouissant : une forêt de buildings en aluminium, illuminés par la lumière du soleil couchant, et au loin, à perte de vue, l'océan. Pour la première fois, sans avoir fourni trop d'efforts, j'avais le sentiment d'avoir le monde à mes pieds. Et c'est là, ami lecteur, que l'expression " au ras des pâquerettes " revêt tout son sens. Le ras des pâquerettes était tellement loin que tout ce qui le peuplait avait l'air minuscule et sans intérêt : des mini-taxis jaunes, des mini-limousines, des mini-gens pas plus grands que des playmobils, se déplaçant frénétiquement, qui vers un Starbucks pour s'acheter son grand Coffee Frap' - soya milk, no sugar -, qui vers Bloomingdales pour y faire quelques emplettes, qui vers son travail pour y accumuler une poignée de dollars, qui vers sa maison pour y vaquer à ses taches quotidiennes. Et au dessus de tout ça, il y avait moi, entre l'Empire State Building et Central Park, sans aucun objectif à poursuivre ni d'autre chose à faire que de regarder bien au-delà d'un Starbucks, d'un grand magasin ou d'une bouche de subway. Eh bien, ami lecteur, en se donnant les moyens de regarder plus loin que le bout de son nez (c'est-à-dire en se soulageant de 30 box auprès de Rockefeller qui franchement n'en a vraiment pas besoin)(et qui en plus, pour ce prix là, ne met même pas son petit neveu à disposition), on se sent vraiment privilégié.

Alors forcément, je n'étais pas la seule dans ce cas là : nous étions trois cents privilégiés (au bas mot) à profiter de la même vue au même créneau horaire. Il valait mieux redoubler de vigilance pour ne pas se prendre un selfie-stick dans l'œil, mais qu'importe, je suis quand même parvenue à faire abstraction (s'ils n'avaient pas été là, mon degré de méditation aurait peut-être été tel que j'aurais réussi à léviter - et à fortiori à prendre davantage de hauteur - mais nous ne le saurons jamais).

Après quarante minutes passées à contempler les couleurs chatoyantes du ciel et ses reflets sur les gratte-ciels, il a bien fallu redescendre. Pendant que l'italien en short (le futur marié) racontait les coulisses de sa demande en mariage, sa copine en sweat-shirt Mickey y allait de ses questions mièvres " Mais pourquoi moi ? ", " Mais pourquoi ici ? ", " Mais pourquoi maintenant ? ". No way, me dis-je, ces gens-là ont-ils seulement regarder autour d'eux ? J'aurais bien été capable de lui suggérer quelques réponses mais j'ai préféré garder de la hauteur et la laisser loucher sur son annulaire. Car la conclusion de tout ça, ami lecteur, c'est que s'élever change la perception de toutes choses : si elles te semblent plus petites, c'est parce que, de cette position dominante, tu es devenu plus grand qu'elles (c'est mathématiques).
Le challenge maintenant sera de conserver cette même grandeur une fois de retour au ras des pâquerettes. Et attention le port de talons hauts est interdit.


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